La notion de culture dans le nouveau Directoire pour la Catéchèse

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 16 décembre 2020 sur le Directoire pour la catéchèse.

directoire pour la catéchèseLe nouveau Directoire de la catéchèse paru en août 2020 donne une place importante à la notion de culture dans le processus d’évangélisation. Il se situe dans la même ligne que les précédents textes du Magistère (Evangelii nuntiandi le 8 décembre 1975, Catechesi Tradendae le 16 octobre 1979, Redemptoris missio le 7 décembre 1990, Evangelii gaudium le 24 novembre 2013, etc., sans oublier la Constitution Gaudium et Spes souvent citée). La culture est comprise comme traversant toutes les composantes de la personne humaine : rapport de l’homme à la nature, aux sciences et aux techniques, aux modes de vie, à la manière de penser, de cultiver la terre, de parler, de produire des œuvres artistiques, etc.

Pour ma part, je retiens plusieurs points importants du nouveau Directoire.
• Reprenant la figure polyédrique (n° 321), le Directoire parle tout d’abord des cultures. Les multiples expressions culturelles (n° 42 à 45) sont à prendre en compte dans les activités d’évangélisation. L’adjectif « culturel » est d’ailleurs souvent associé à « social » et il est nécessaire de reconnaître « dans le cœur de chaque personne et chaque culture, tout ce qui est authentiquement humain et le promeut » (n°42).
Un besoin impérieux de dialogue avec les cultures (n° 53) s’impose. Comme l’avait bien affirmé le pape Jean-Paul II, en 1979, la catéchèse « est appelée à porter la force de l’Évangile au cœur de la culture et des cultures » (exhortation Catechesi Tradendae, n° 53).
D’une manière générale, « la culture contemporaine est une réalité complexe car, en raison des phénomènes de mondialisation et de l’utilisation massive des moyens de communication, les connexions et les interdépendances se sont accrues entre des problèmes et des secteurs, qui par le passé pouvaient être considérés séparément et qui aujourd’hui nécessitent plutôt une approche intégrée » (n ° 320).
Réalité complexe et approche intégrée ! La catéchèse se trouve aujourd’hui devant une immense mission qui suppose une aptitude à comprendre les changements culturels qui se produisent et à développer des pédagogies adaptées. Comment exposer le contenu organique de la foi avec créativité ? Comment recevoir les éléments bénéfiques des cultures ?

• Le Directoire déplore, il est vrai, certains aspects de la culture contemporaine qui font obstacle à la foi, même chez les chrétiens : le sécularisme (n° 103), les « formes d’indifférence et d’insensibilité religieuses, de relativisme ou de syncrétisme sur fond de vision séculariste qui nie toute ouverture à la transcendance » (n° 322). Il constate une rupture entre Évangile et culture (n° 103). Un des principaux obstacles est la culture exclusivement technologique.
Le Directoire oscille entre deux perceptions de la science et de la technique. D’une part, les nouvelles technologies apparaissent comme « des opportunités inédites d’établir des relations et d’instaurer une communion » (cf. Benoît XVI, en 2011) (n° 47).
D’autre part, il fait le constat que l’on donne trop à celles-ci une place centrale « comme si elles seules pouvaient répondre aux questions les plus profondes » (n° 46). Cela se fait au détriment d’une formation intégrale de la personne. Dans cette culture dominante, mettant l’accent sur ce qui est extérieur, immédiat, visible, rapide, superficiel, provisoire « une véritable révolution anthropologique est en marche, qui a des conséquences sur l’expérience religieuse » (n° 46).

• Le Directoire souligne aussi des aspects positifs de la culture, comme par exemple les revendications de liberté : « La valeur que la culture actuelle reconnaît à la liberté en ce qui concerne le choix de sa foi peut être comprise comme une précieuse opportunité pour que l’adhésion au Seigneur soit un acte profondément personnel et gratuit, mûri et conscient » (n° 322).
La communauté ecclésiale, avec l’attitude résolument optimiste et pleine d’espérance du pape François, est « appelée à regarder avec un esprit de foi la société dans laquelle elle vit, à “découvrir le fondement des cultures, qui au plus profond d’elles-mêmes sont toujours ouvertes et assoiffées de Dieu” (François, Discours aux participants au Congrès international de la pastorale des grandes villes, le 27 novembre 2014), à interpréter les signes des changements culturels et à les traduire en actes afin de porter l’Évangile de la joie qui renouvelle et vivifie tout » (n° 324).
Ce regard positif sur les cultures apparaît tout particulièrement à propos de la culture paysanne : « La terre est l’espace où il est possible de faire l’expérience de Dieu, le lieu où il se manifeste (cf. Ps 19, 1-7) (…). Cultiver la terre, prendre soin des plantes et des animaux, vivre l’alternance du jour et de la nuit, celles des semaines, des mois et des saisons constitue un appel à respecter les rythmes de la création, et à vivre le quotidien d’une manière saine et naturelle, en retrouvant ainsi du temps pour soi-même et pour Dieu » (n° 330).
De nombreux paragraphes évoquent les cultures locales traditionnelles et populaires. En conséquence, il est demandé aux catéchistes de se défaire humblement de toutes attitudes d’orgueil et de mépris envers ceux qui appartiennent à une culture différente (n° 334). Ils doivent aussi « s’engager à connaître la langue, les rites, les coutumes autochtones, toujours en montrant un grand respect ». Quant à la piété populaire, elle traduit une soif de Dieu qui a besoin de vigilance et de purification (n° 339).

• Le Directoire consacre de longs développements à la spécificité de la culture chrétienne (n° 102-105). Celle-ci a contribué à la création d’une culture nouvelle (n°102), a produit de véritables chefs-d’oeuvre dans tous les domaines de la connaissance. Elle a eu un rôle déterminant dans la préservation des œuvres culturelles. Elle a suscité la création d’œuvres littéraires, scientifiques, musicales, picturales, architecturales (n°104). En valorisant le patrimoine liturgique et artistique, les chants liturgiques, les plus hautes formes de l’art contemporain, « la catéchèse montre concrètement l’infinie beauté de Dieu » (n°109).
À la suite de Jean-Paul II (cf. Fides et ratio septembre 1998), le Directoire insiste sur la nécessité d’ « une nouvelle compréhension de la capacité unificatrice de la culture chrétienne, permettant à l’Évangile de libérer les énergies de la véritable humanité, de la paix, de la justice, de la culture de la rencontre » (n° 103).
• Toute catéchèse doit prendre en compte le contexte culturel, ecclésial et existentiel de l’interlocuteur (n° 143). À ce sujet, il est clair que le Catéchisme de l’Église Catholique, document de référence incontournable, ne peut pas tenir compte des contextes culturels spécifiques. Mais l’inculturation restera cependant un axe important de la catéchèse dans les différents contextes (n° 186.) La contribution des sciences humaines (n° 146) est en ce domaine précieuse. On respectera l’autonomie légitime de la culture et particulièrement celle des sciences (cf. GS n° 59).

Par ailleurs, « la catéchèse endosse les langages des cultures des peuples, à travers lesquels la foi s’exprime de manière caractéristique, et aide les communautés ecclésiales à en trouver de nouveaux, adaptés aux interlocuteurs » (n° 206). Pour cela le langage de l’art est une aide pour rejoindre les destinataires de la catéchèse (n° 209 à 212).
Les images de l’art chrétien nous font percevoir que le Seigneur est vivant, présent et actif dans l’Église et dans l’histoire. Le patrimoine musical de l’Église est aussi un véhicule de la foi (n° 211).
Les outils numériques traduisent aussi des changements au niveau culturel (n° 213). Il est bon d’affronter ce nouveau défi culturel et d’entrer en correspondance avec les nouvelles générations (n° 216) en évaluant ce que produit l’espace virtuel. Le Directoire invite à « prendre en compte la condition des enfants du numérique » (n° 237).

• Le Directoire aborde la question les lieux catéchétiques sous l’angle culturel. Par « lieu » il faut entendre l’espace, les environnements accueillants et bien entretenus (n° 222), mais aussi les situations concrètes et les divers publics :
– Ainsi, la famille est évidement un lieu privilégié. La précarité et l’imprévisibilité des processus sociaux et culturels touche la réalité de la famille. De même, la rapide transformation culturelle et sociale, le consumérisme, le sentiment d’insécurité ont des conséquences sur les jeunes (n° 250).
Parmi une multiplicité de formes, la catéchèse des adultes doit mettre l’accent sur des thématiques morales, culturelles ou socio-politiques visant une participation à la vie de la société qui soit active et inspirée par la foi (n° 264).
– Le Directoire évoque les préjugés culturels vis-à-vis des personnes porteuses de handicap (n° 269-270).
– Une autre réalité est à prendre en considération : la culture des migrants. Les migrants chrétiens deviennent annonciateurs de l’Évangile dans les pays d’accueil (n° 275).
– La paroisse est évidemment un lieu catéchétique incontournable : mais « La dynamique de la conversion missionnaire implique que la paroisse s’interroge sur le type de catéchèse qu’elle propose, notamment dans les nouveaux contextes sociaux et culturels » (n° 302).
– Le rôle de l’École catholique dans le domaine de l’éducation et de la culture est une chance (n° 311). En particulier grâce à l’enseignement religieux, il s’agit d’insérer l’Évangile dans le processus personnel d’assimilation, systématique et critique, de la culture (n° 313). Le Directoire souhaite que les enseignants soient en mesure de corréler la foi et la culture, la composante humaine et religieuse, la science et la religion, l’école et d’autres organismes éducatifs (n° 318).
Le nouveau Directoire de la catéchèse est un outil précieux pour ceux et celles qui essaient précisément de corréler la foi et la culture. Les catéchismes si bien étudiés par sœur Élisabeth Germain dans les années 70-80 révèlent que cette corrélation n’a jamais été absente tout au long de l’histoire chrétienne. La catéchèse étant un acte de communication et de transmission, il ne pouvait pas en être autrement.

+ Hubert Herbreteau

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