« Bioéthique : un enjeu d’humanité »

En pleine actualité : pour un débat serein et approfondi

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La loi de bioéthique est en débat au Parlement. L’annonce concomitante de la naissance du premier « bébé-médicament » français fait « coïncidence », de façon irrespectueuse, de la liberté de conscience. Piètre conception de la communication !

L’Eglise catholique, par la voix de Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, chargé par ses frères évêques de participer au dialogue concernant la révision de la loi, vous propose, dans la note de presse suivante, la synthèse des enjeux et propositions relatifs à ce discernement. Puisse la dignité de tous, en particulier des plus vulnérables, être mieux protégée, selon l’esprit de notre corpus juridique.

Mgr Bernard Podvin
Porte-parole des évêques de France

 

Bioéthique : un enjeu d’humanité

Le « bébé-médicament », une étrangeté

Il n’a échappé à personne que l’annonce de la naissance du premier « bébé-médicament » français coïncide avec le débat parlementaire sur la loi de bioéthique. Cette coïncidence souligne doublement l’étrangeté de cette naissance.

Cette naissance est déjà étrange en soi par l’« instrumentalisation » de l’enfant. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) vient de le rappeler. La légalisation de l’instrumentalisation de l’enfant à naître est contraire au plus élémentaire respect dû à tout être humain, en particulier l’enfant. Elle contrevient à l’« intérêt primordial » de l’enfant, stipulé par le Convention internationale des droits de l’enfant.

Cette naissance est aussi étrange car elle est instrumentalisée pour peser sur le débat parlementaire. Cette instrumentalisation est indigne. Pourtant, par derrière, il y a la souffrance de parents qui ont un enfant gravement malade. Il est toujours indigne d’instrumentaliser la souffrance d’autrui pour faire valoir son opinion.

Le « bébé-médicament » est une fausse piste. Supprimer cette possibilité légale rendrait à notre tradition juridique sa cohérence autour du respect de la dignité humaine qui postule qu’aucun être humain puisse servir de moyen mais est une fin en soi. Chaque enfant a le droit inaliénable de naître pour lui-même, d’être aimé pour lui-même et d’être accueilli pour lui-même.

Le soin à partir des cellules de sang de cordon est la bonne piste. Encore faut-il que la France rattrape son retard et choisisse de faire porter ses efforts sur la constitution de banques de sang de cordon, afin que les greffons soient en assez grand nombre pour que nous soyons capables de porter remède aux enfants malades. C’est par cette voie que la souffrance de parents sera apaisée.

La loi de bioéthique, un enjeu d’humanité

De fait, cette naissance du premier « bébé-médicament » met en lumière l’enjeu d’humanité qui se cache derrière la révision des lois de bioéthique. Il s’agit de trouver le chemin qui allie d’une part, le respect inconditionnel de la dignité humaine chez tout être humain, en particulier chez les plus vulnérables, et, d’autre part, l’utilisation des techniques biomédicales permises grâce aux avancées scientifiques. C’est sur ce chemin que se trouve le véritable progrès de l’humanité.

Par son corpus juridique en bioéthique, la France peut montrer la voie du progrès dans l’utilisation audacieuse de techniques biomédicales qui guérissent, tout en respectant la dignité humaine de l’être humain « dès le commencement de sa vie », comme le stipule avec justesse notre Code civil. Cela a été souligné, la France est « en avance » dans l’interdiction de la gestation pour autrui. Elle peut continuer à l’être pour les thérapies à partir du sang de cordon et du sang périphérique. Elle peut l’être dans la recherche pour guérir l’embryon humain in utero. Elle peut l’être dans l’information et l’accompagnement respectueux de la femme enceinte et de sa liberté, de telle sorte qu’une grossesse soit d’abord considérée comme une bonne nouvelle et non comme une source d’angoisses.

Nous sommes à la croisée des chemins. Il s’agit de réfléchir à nouveaux frais sur la technique et sur son utilisation. Il s’agit de prendre garde à la fuite en avant dans l’utilisation irréfléchie des techniques au fur et à mesure que nous les maîtrisons. Cela nous serait reproché par la génération future : ce qui est techniquement possible n’est pas nécessairement raisonnable en soi ni pour l’intérêt général. La technique qui voudrait supprimer toute vulnérabilité ferait fausse route car la vulnérabilité appartient à la condition humaine. C’est pourquoi aucune société ne peut vivre sans amour. L’amour pour le plus vulnérable et le respect pour la dignité de chacun sont les fondements de notre vivre ensemble.

L’enjeu d’humanité consiste à mesurer toute prouesse technique à l’aune du respect du plus vulnérable. L’enjeu d’humanité consiste aussi à évaluer toute recherche scientifique à l’aune de la liberté responsable qui choisit le respect comme voie du progrès.

Il faut de la clairvoyance pour apprécier l’enjeu de ce respect pour l’intérêt général de la société et pour son avenir. Car les personnes vulnérables font surgir des ressources insoupçonnées d’humanité, indispensables à notre société de plus en plus stressée et technicienne.

Il faut du courage pour ne pas céder à la tentation de la prouesse technique au mépris du respect. Ce courage permet de poser les bons choix en matière de recherche en vue de guérir. Les générations futures nous remercieront pour ce courage.

Concilier l’éthique du respect et de la vulnérabilité avec l’utilisation des techniques biomédicales, c’est faire œuvre de sagesse pour la femme et pour l’homme, ainsi que pour leurs enfants.

Ouvrir ce chemin de sagesse incombe à notre responsabilité commune pour les générations qui viennent. Cela ne peut être exclusivement l’œuvre d’experts qui décident pour les autres. Rappelons-nous les conclusions des états généraux qui n’étaient sans doute pas celles attendues par certains experts. C’est pourquoi le dialogue est la condition du progrès véritable.

L’Eglise catholique s’est beaucoup intéressée aux débats relatifs à la révision des lois de bioéthique. De nombreux catholiques sont confrontés par leur profession ou par leur engagement associatif aux questions soulevées par le progrès des techniques biomédicales. Ils ont participé aux Etats généraux de la bioéthique en apportant leurs contributions, fruits d’échanges nombreux et d’expériences variées. Ils l’ont fait en tant que citoyens parmi d’autres citoyens. Ils se sont ainsi engagés dans le dialogue.

De son côté, la Conférence des Evêques de France a participé au dialogue à chaque étape préparatoire de la révision actuelle de la loi de bioéthique. Elle a beaucoup travaillé et fait entendre les questions qui se posent pour un juste discernement en référence à la dignité et la vulnérabilité de l’être humain et en encourageant la recherche scientifique. Quatre publications et le blog bioéthique.catholique.fr illustrent ce dialogue. (1)

Ce dialogue s’adosse à des convictions spirituelles mais il consiste avant tout en une démarche rationnelle qui permet de nombreuses convergences avec des non chrétiens et des non croyants. Il est très significatif que toutes les positions éthiques de l’Eglise catholique soient également partagées par un certain nombre de non croyants. (2)

Le dialogue exige beaucoup de travail et beaucoup d’écoute. Il suscite ces convergences rationnelles pour le bien de tous. Il se refuse à l’à peu près et à l’obscurantisme. Il élargit les horizons individuels au-delà des intérêts particuliers. Il permet de trouver le chemin du progrès. Il favorise le courage que demandent tout à la fois l’éthique du respect et l’éthique de la vulnérabilité. Nous espérons que les députés se laisseront guider par leur conscience au sein d’un débat serein et approfondi.

Mgr Pierre d’ORNELLAS
Archevêque de Rennes
Paris, le mercredi 9 février 2011

(1) « Bioéthique, Propos pour un dialogue, Lethielleux/DDB, février 2009
« Bioéthique, questions pour un discernement », Lethielleux/DDB, décembre 2009
« Dignité et vulnérabilité au cœur du débat éthique », Documents Episcopat N° 6, juin 2010
« Bioéthique, un enjeu d’humanité », CEF, décembre 2010 http://www.bioethique.catholique.fr/

(2) Outre la position de la CNCDH concernant le « bébé-médicament », il y a (par exemple) la position de l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) demandant d’arrêter toute recherche sur l’embryon humain.


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