« Pour un travail… et un travail humain, agissons ! », par Mgr Giraud
Inutile d’accumuler des chiffres ou d’égrainer une triste litanie, car il s’agit surtout de penser aux personnes, aux familles qui s’enfoncent dans des difficultés quotidiennes : le chômage de longue durée démolit et déshumanise. On voit aussi ce que produit l’absence ou la précarité du travail, surtout chez les jeunes. Personne ne peut se satisfaire de cette situation. Personne ne peut la déplorer sans essayer d’y porter remède. Une économie libérale débridée montre ses propres limites.
1. Pour un travail…
Le pape Benoît XVI vient de réaffirmer dans le même sens que le travail est un droit et constitue « un des éléments fondamentaux de la personne humaine comme de la société »(1). Le travail implique aussi des droits, comme l’écrivait son prédécesseur Jean-Paul II, béatifié en ce 1er mai 2011 : « On mésestime la valeur du travail et les droits qui en proviennent, spécialement le droit au juste salaire, à la sécurité de la personne du travailleur et de sa famille. »(2) La nécessité du travail est une évidence : il permet de vivre et de faire vivre son prochain, sa famille et la société.
2. … et un travail humain,
C’est humiliant pour quelqu’un de dire qu’il est au chômage, qu’il vit du RSA et d’autres subventions. C’est éprouvant de vivre sous le seuil de pauvreté. C’est angoissant aussi pour un chef d’entreprise de licencier parce que la situation économique ou financière ne lui laisse aucune autre alternative.
Il faut du travail, mais il faut aussi que ce travail soit humain, épanouissant. Normalement, le travail humanise la société et les personnes elles-mêmes : par le travail, l’homme se réalise lui même comme personne humaine. L’homme se développe en aimant son travail ; l’homme se réalise dans le travail et par le travail ; l’homme donne toute sa valeur au travail qu’il exécute.
Jean-Paul II mettait en garde contre le danger, toujours présent, de traiter l’homme comme un instrument de production et non comme une personne. Le facteur humain devient trop souvent secondaire par rapport aux activités économiques. Or le travail doit respecter les personnes, les rythmes, les handicaps, les temps. Il ne doit pas mettre constamment sous pression : le travailleur n’est ni une marchandise, ni un taux de rentabilité, ni un effectif à réduire. Il est inhumain quand il conduit à trop de souffrances.
Ainsi « l’Eglise estime de son devoir de rappeler toujours la dignité et les droits des travailleurs, de stigmatiser les conditions dans lesquelles ils sont violés, et de contribuer pour sa part à orienter ces changements vers un authentique progrès de l’homme et de la société. »(4) Elle rappelle également, par la voix de Benoît XVI, la nécessité d’« un travail qui, dans chaque société, soit l’expression de la dignité essentielle de tout homme et de toute femme : un travail choisi librement, qui associe efficacement les travailleurs, hommes et femmes, au développement de leur communauté ; un travail qui, de cette manière, permette aux travailleurs d’être respectés sans aucune discrimination ; un travail qui donne les moyens de pourvoir aux nécessités de la famille et de scolariser les enfants, sans que ceux-ci ne soient eux-mêmes obligés de travailler ; un travail qui permette aux travailleurs de s’organiser librement et de faire entendre leur voix ; un travail qui laisse un temps suffisant pour retrouver ses propres racines au niveau personnel, familial et spirituel ; un travail qui assure aux travailleurs parvenus à l’âge de la retraite des conditions de vie dignes. »(5)
Nous savons que cet idéal peut paraître inaccessible, mais l’Église continuera de rappeler que pour servir l’homme et son avenir, il importe que notre société donne « comme objectif prioritaire l’accès au travail ou son maintien, pour tous »(6). Elle est engagée dans cette cause, parfidélité au Christ et pour être vraiment l’Église de tous les pauvres. Jésus, avant de parler et de proclamer l’Évangile, pendant ses trente ans à Nazareth, a été lui-même un travailleur. Son exemple nous parle déjà de la dignité de chacun, ainsi que de la dignité spécifique du travail humain.
3. agissons !
Les lueurs d’un avenir véritable ne viendront que de ceux qui proclament la grandeur de la personne du travailleur, qui soulignent des expériences positives, qui agissent dans des mouvements de solidarité avec des travailleurs, qui osent entreprendre pour maintenir et créer des emplois, qui s’emploient à promouvoir une véritable solidarité entre les partenaires sociaux. Il faut manifester l’espoir d’une vie meilleure par un développement juste et durable, dans une économie sociale et solidaire : notre société en est responsable et ne doit pas renoncer à cette mission.
Ensemble soutenons, réconfortons, encourageons chaque effort destiné à garantir à tous un travail sûr, digne et stable, au service de la grandeur de l’homme. Agissons afin de vivre une humanité fraternelle et pour que le travail soit… et qu’il soit humain !
+ Hervé GIRAUD, évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin
avec les Conseils diocésains de la solidarité et de la Mission ouvrière
2 Jean-Paul II, Encyclique sur Le travail humain, n°8
3 Benoît XVI, aux fidèles du diocèse de Terni-Narni-Amelia, 26 mars 2011
4 Jean-Paul II, Encyclique sur Le travail humain, n°1
5 Benoît XVI, Encyclique sur La charité dans la vérité, n°63
6 Benoît XVI, Encyclique sur La charité dans la vérité, n°32