L’Église catholique en France en relation avec les musulmans | Documents épiscopat

désert de Judée - Terre Sainte

Le Service national pour les relations avec les musulmans de la CEF – Service pour les relations avec l’islam de 1973 à 2015 – est chargé d’informer les évêques, d’aider les catholiques en relation avec les musulmans à se former, et de développer des liens fraternels avec les associations et responsables en charge du culte musulman. Ce document fait le pont entre les 50 ans du SNRM et l’anniversaire tout proche de la déclaration Nostra Aetate (1965) ; il revisite le dialogue entre musulmans et catholiques sous quatre aspects : les étapes de l’engagement de l’Église de France dans le dialogue avec les musulmans ; les perspectives théologiques et spirituelles ; les enjeux pastoraux actuels de cette relation ; l’amitié et la coopération au service du bien commun.

Dans ce numéro de Documents Épiscopat consacré aux relations avec les musulmans, à l’occasion des 50 ans du SNRM fondé en 1973 (ancien SRI) de la Conférence des évêques de France, rappelons que les évêques français réunis en Assemblée plénière au début de novembre 2023, ont pris le temps d’échanger sur les relations entre catholiques et musulmans. Cette réflexion s’appuyait bien sûr sur le concile Vatican II et la riche réflexion magistérielle, théologique et spirituelle qui, depuis soixante ans, nous aident à penser le sens du dialogue interreligieux et de la coopération en vue du bien commun.

Aujourd’hui, l’islam en tant que religion et culture fait vraiment partie du paysage français et, même si cette réalité diffère beaucoup d’une région à l’autre, elle constitue un enjeu de société que l’Église se doit d’accompagner de sa prière et de sa réflexion, en contribuant à une culture du dialogue. Cela est d’autant plus important que la perception de l’islam dans la société française a évolué. Alors que, dans les années 50 on parlait surtout, en France, de travailleurs immigrés, les générations nées en France ont ensuite été perçues plutôt comme « arabes » (les Beurs), puis considérées de plus en plus, dès les années 90, au prisme de leur identité musulmane. On peut aussi remarquer que, d’une génération à l’autre, l’évolution socio-professionnelle a conduit ces citoyens français de confession – ou de culture – musulmane à exercer progressivement dans tous les métiers : ce sont nos infirmières et nos médecins, nos ouvriers, nos ministres, nos militaires et nos gendarmes, nos policiers, nos ingénieurs, nos aides à domiciles, nos coiffeurs…

Observer ainsi l’histoire du 20e siècle, avec ses heures sombres et ses périodes prospères, devrait toujours nous pousser à nous souvenir de ces musulmans qui ont fait et font encore la France.

Quant à l’Église catholique en France, elle ressent elle aussi les conséquences des soubresauts du 20e siècle. Le pape Jean XXIII n’a pas hésité à convoquer un concile pour réfléchir aux défis qu’affrontait l’Église. Il en est sorti une volonté de dialoguer avec tous ceux qui ne partagent ni les convictions chrétiennes ni la forme catholique romaine du christianisme. Le Concile, explicité par les Papes et les théologiens depuis 1965, a ainsi conduit l’Église, d’une part à renoncer à la théologie de la substitution qui engendrait le mépris pour le judaïsme et, d’autre part, à dialoguer avec les musulmans auxquels le Concile dit son estime, alors même qu’il rappelle aux catholiques le devoir d’annoncer l’Évangile.

De fait, c’est à partir du contexte de l’Église en France, à la recherche d’un nouveau souffle, que l’Assemblée des évêques de novembre 2023 a élaboré sa réflexion pour la transmettre au président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux, ainsi qu’au SNRM. Cette réflexion s’est déployée suivant quatre grandes thématiques :

  • mieux comprendre nos frères musulmans et le contexte actuel ;
  • mieux définir les enjeux et objectifs du dialogue ;
  • mieux accompagner les chrétiens en relation avec des croyants musulmans ;
  • poursuivre l’effort de formation des catholiques confrontés aux questions interreligieuses dans leur mission pastorale.

Échanger de manière ouverte sur ces thématiques a permis de revenir, avec les éclairages du frère Jean-François Bour et du professeur Michel Younès, non seulement sur les grandes approches chrétiennes de l’islam, mais aussi sur une problématique que le Magistère des Papes a déjà souvent traitée : l’articulation entre le dialogue et l’annonce qui ne sont, évidemment, ni interchangeables, ni exclusifs l’un de l’autre. Car l’annonce de la Bonne Nouvelle ne se fait qu’en dialogue. Et si l’accueil de nouveaux baptisés est une joie, il y a une approche « chiffrée » des conversions qui peut corrompre l’esprit missionnaire ou le faire passer pour une forme de « stratégie ».

Les catholiques apprennent aujourd’hui à être minoritaires en France et le contact avec des musulmans qui affirment leur foi devrait être un encouragement, adressé notamment aux jeunes, à mieux s’enraciner dans la Parole de Dieu et dans la vie ecclésiale. L’objectif n’est pas de développer des identités fermées sur elles-mêmes, ni d’évangéliser pour « sauver la France », mais d’épanouir une foi chrétienne structurée, capable d’un intérêt toujours gratuit pour autrui, d’un vrai dialogue et d’un témoignage joyeux. Les jeunes surtout, doivent être entourés sur le chemin de l’appropriation de leur foi qui a besoin d’être célébrée, nourrie, guidée par les vertus et toujours mieux réfléchie.

De la réflexion des évêques, on peut encore retenir l’encouragement à poursuivre l’effort de formation des personnes en mission dans le dialogue interreligieux, afin qu’elles sachent toujours mieux analyser les situations, collaborer avec les différents services de leurs diocèses, et développer tant la joie de la fraternité que le discernement lorsque les tempêtes déchirent le tissu social. Une fois de plus, après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 sur le territoire israélien et l’extrême violence de la riposte contre la bande de Gaza, nous avons pu constater l’immense difficulté de passer de l’émotion à la réflexion, de donner une juste place aux souffrances de toutes les communautés, et en un mot : de viser avant tout la justice.

Les échanges entre chrétiens et musulmans doivent favoriser une meilleure connaissance mutuelle, et plus encore une reconnaissance réciproque suffisamment confiante pour que même des divergences profondes puissent être abordées autant que les points de convergence. Bien sûr, les objectifs du dialogue ne sont pas identiques selon qu’on choisit le registre du fait religieux analysé historiquement, le registre des convictions et de l’adhésion de foi, ou bien celui de l’analyse théologique qui explore humblement la manière dont le dessein divin se dévoile dans la pluralité des religions.

C’est pourquoi, il faut continuer à explorer les multiples aspects du dialogue. Dans ce numéro, on redécouvrira qu’il peut être présenté comme un engagement ecclésial persévérant, comme un projet spirituel et théologique, comme une vigilance pastorale en vue de relations vraies et justes, ou encore comme une coopération, dans l’amitié et la fraternité, au service du bien commun. L’aventure continue : Yalla !

Pourquoi lire ce Documents Épiscopat sur les relations avec les musulmans ?

  • un numéro exceptionnel réalisé à l’occasion des 50 ans du Service national des relations avec les musulmans.
  • comprendre pourquoi l’épiscopat a fait le choix de s’engager dans le défi du dialogue.
  • un document qui vient accompagner un cycle de rencontres avec les acteurs du dialogue entre catholiques et musulmans.

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