Documents épiscopat : « L’Église et les artistes. Quels enjeux pour demain »

Édito de Mgr Sylvain Bataille à propos du Documents épiscopat n° 2-2020 : « L’Église et les artistes. Quels enjeux pour demain ».

Mgr Sylvain BatailleMesurons-nous à quel point nous sommes redevables aux artistes qui, depuis les origines de l’Église, mettent leurs talents les plus variés au service de la foi des croyants ? Ils nous ont légué un inestimable trésor qui ne cesse de nous émerveiller et de s’enrichir : architecture, peinture, sculpture, musique, vitrail… Que de talents mis en œuvre !

Il nous faut cependant l’admettre, l’histoire des relations entre l’Église et les artistes n’est pas un long fleuve tranquille. Nous avons encore pu le constater en France ces dernières décennies, d’une part parce que l’Église n’a plus les moyens qu’elle avait pour financer des œuvres d’art et, d’autre part, parce que l’art contemporain, plus difficilement accessible aux non-initiés, fait l’objet de douloureuses incompréhensions. Faut-il pour autant renoncer à dialoguer, et surtout à créer, d’autant que les besoins de l’Église et des croyants demeurent ?

J’ai récemment partagé, avec le peuple de Dieu rassemblé, la joie de célébrer la dédicace d’une église. Il s’agissait, en l’occurrence, de la consécration de la chapelle de la maison diocésaine, un bâtiment neuf de 120 places, édifié pour la célébration de l’Eucharistie et l’adoration continue. S’il n’est pas difficile de motiver un architecte pour construire une chapelle ou une église, il n’a pas toujours été simple de se mettre d’accord sur le projet !

Les questions étaient multiples : la forme de l’édifice, les matériaux utilisés, les couleurs, le mobilier liturgique, l’iconographie, les vitraux et la lumière, l’acoustique… Défi d’autant plus délicat que nos moyens étaient limités. Cependant, à la sortie de la célébration, la joie du peuple de Dieu était palpable : « Nous avons une belle chapelle, nous y sommes bien!» Et depuis, cette chapelle continue de réjouir ceux qui viennent y prier ; la collaboration a donc été féconde.

Oui, il est encore possible de construire aujourd’hui de beaux édifices religieux en France, les exemples ne manquent pas. Ayant consacré plusieurs années de mon ministère à la formation des prêtres, j’ai souvenir d’avoir visité un jour avec eux une exposition sur l’art contemporain et le spirituel. Tout leur paraissait complètement abstrait, même après de brillantes explications. Certains codes esthétiques semblent réservés aux initiés. Si l’esthétique répond à des codes précis, la beauté est une expérience plus universelle : elle nous dit quelque chose d’essentiel sur Dieu, comme le bien et le vrai. Peut-on parler de Dieu sans beauté ? Mais quelle beauté pour aujourd’hui ? Le mystère de l’Incarnation est au cœur de notre foi : Dieu s’est révélé, il s’est rendu accessible, il s’est fait homme : «Le Verbe s’est fait chair.» Comment l’art sacré peut-il en être le témoin aujourd’hui ? Le spirituel chrétien est bien concret et incarné. L’engouement pour l’Orient et ses riches décorations, pour les icônes, est le signe d’un vrai besoin de représentations.

Aujourd’hui, nous percevons chez beaucoup de nos contemporains une réelle quête de spirituel, et peut-être tout particulièrement chez les artistes, qui sont doués d’une grande sensibilité. Mais leur mode d’expression n’est pas forcément accessible aux fidèles et ne répond pas toujours à leurs attentes. Notre foi étant fondée sur des personnes et des événements de l’histoire, comment l’art peut-il nous aider à l’exprimer aujourd’hui ?

On sait combien le pape François insiste sur la religion populaire, une approche de la foi qui soit accessible à tous. La question des édifices religieux et de l’art sacré en fait partie.

Comment réaliser des bâtiments et des œuvres d’art qui parlent au peuple de Dieu, sans pour autant faire du «néo» ou du faux? Comment créer du contemporain qui exprime la foi, qui facilite la rencontre de Dieu, qui fasse la joie de la communauté chrétienne et de tous ceux qui passent dans nos églises ?

Oui, il y a une réconciliation à vivre entre les artistes et les communautés chrétiennes, ces hommes et ces femmes qui ont besoin de lieux et de signes pour vivre leur foi. Ce document – issu du colloque qui s’est tenu en novembre 2019 à la Conférence des évêques de France, pour les dix ans de la revue Narthex.fr – va permettre, je l’espère, de mieux en saisir les points de scission, afin de trouver les chemins pour de nouvelles et fécondes collaborations. J’en remercie d’avance nos intervenants

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