Père Bernard Xibaut, l’Histoire de l’Alsace au cœur
« Une région ballottée, une Église écartelée ». Voilà les expressions employées par le Père Bernard Xibaut, chancelier de l’archevêché et surtout président de la Société d’histoire du diocèse depuis 2008, pour évoquer la situation de l’Alsace pendant le premier conflit mondial.
À l’intérieur du grand séminaire qui fut transformé en hôpital militaire à cette époque, préparant les objets (valise-autel), documents et photos de la salle où s’est tenue en novembre dernier une journée d’étude sur « Les évêques alsaciens-lorrains pendant la grande guerre », le Père Xibaut évoque le cas de Mgr Fritzen, évêque d’origine allemande, ayant démissionné après l’armistice de 1918.
Et l’Histoire s’est répétée pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi que Mgr Ruch, aumônier militaire francophile qui avait été choisi en 1919 par le gouvernement français dut rejoindre Périgueux où se trouvaient déjà de nombreux Alsaciens évacués et fut empêché d’y revenir par les nazis. « Il y eut, raconte le Père Xibaut, une coupure dans le clergé entre les séminaristes qui rentrèrent auréolés de gloire du grand séminaire de Royat (en zone française) ; par exemple Mgr Brand, devenu en 1984 le 103ème évêque de Strasbourg, et ceux qui furent orientés vers le séminaire de Fribourg, en Allemagne ».
Ce destin s’enracine, explique le Père Xibaut, dans le passé : avant la Révolution l’Alsace, longtemps propriété du Saint Empire germanique, formait deux diocèses, la Basse Alsace centrée autour de Strasbourg (avec également des territoires Outre-Rhin) ; la Haute Alsace faisant partie du diocèse de Bâle. L’abandon de la partie transrhénane mais aussi l’adjonction de la Haute Alsace qui dépendait autrefois de Bâle eurent pour conséquence la création d’un diocèse au siège très décentré dans la partie nord de la longue bande de terre de 200 km s’étendant de la Suisse jusqu’au Rhin.
Autre dualité typique de l’Alsace, « l’image des deux clochers » avec commente le Père Xibaut « une spécialité mondiale » : le « simultaneum » introduit par Louis XIV avec des églises mixtes pour les deux communautés, protestante et catholique et, de 1592 à 1604, « une guerre des évêques opposant les princes protestants et le magistrat de Strasbourg au parti catholique appuyé par la maison de Lorraine qui s’est vécue dans les champs de bataille et pas dans les salles de théologie ».
Le Docteur en histoire de l’Église peut vous parler pendant des heures des soldats romains à qui la région doit sans doute le christianisme, de St Amand au 4ème siècle (première mention d’un évêque de Strasbourg cité lors d’un concile en 343), des rois Francs au 6ème siècle, du Concordat de 1801 conclu partout en France entre Bonaparte et le pape Pie VII et maintenu en vigueur en 1919 -le Père Xibaut rappelle à ses collègues lyonnais que le curé d’Ars était un curé concordataire – puis « maintenu et enrichi en Alsace par des dispositions scolaires et sociales », les Alsaciens s’étant opposés avec vigueur à une tentative de le supprimer en 1924, de la participation percutante au Concile de Mgr Elchinger, et de mille autres épisodes de cette histoire particulièrement mouvementée de l’Alsace.
C’est pendant ses études de théologie que le père Xibaut, ordonné en 1988, s’est passionné pour l’Histoire de l’Église et spécialement celle du chapitre de la cathédrale. Il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs ouvrages : La grâce d’une cathédrale (collectif, 2007, Ed Nuée Bleue), Mgr Léon-Arthur Elchinger (Ed Cerf, 2009) et, en 2017, d’Êvêques émérites (Ed Nuée Bleue) avec Mgr Joseph Doré.
Chantal Joly
Carte des diocèses
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L'évêché est le lieu de résidence de l'évêque.
Le diocèse prend le nom du lieu où se trouve la cathédrale.