À la rencontre des bénédictines de l’abbaye de Chantelle

Juchée sur un promontoire au cœur du Bourbonnais, la communauté bénédictine de Chantelle vit de louange et de travail depuis 160 ans. Nous avons eu la chance de visiter l’église et le cloître avant de parler vie monastique avec les sœurs Marie-Pierre, Benoît, Marie-Madeleine et Gabriele.

 

Le prieuré a été fondé en 937 pour honorer saint Vincent, diacre espagnol et martyr du IVème siècle, saint patron des vignobles, auquel le lieu avait été dédié dès les débuts du christianisme.

Une vie monastique s’est établie jusqu’à la Révolution qui a vu les moines chassés et le prieuré vendu. À l’appel de Monseigneur de Dreux-Brézé une soixantaine d’années plus tard, la communauté bénédictine de Pradines près de Roanne reprend possession du lieu pour réparer les dégâts spirituels causés par la Révolution. Les treize sœurs qui s’installent en 1853 trouvent le prieuré dans un état de grand délabrement. « L’église a même été transformée en cellier ! », précise sœur Marie-Pierre, archiviste et gardienne de la mémoire du lieu. Avec héroïsme, elle ont relevé l’édifice et l’ont sauvé de la destruction à laquelle les architectes le condamnaient. « Elles ont tenu le coup malgré les conditions de grand dénuement, c’est à elles que nous devons notre présence ici », ajoute sœur Marie-Pierre. L’église romane de l’école auvergnate a gardé sa beauté malgré les restaurations successives.

« Nous sommes entourées de beaucoup d’amitié ! »

Selon sœur Benoît, ce qui caractérise la communauté de Chantelle, c’est son insertion dans la commune, un lien d’amitié très fort qui remonte à l’arrivée des sœurs en 1853 et qui se perpétue, preuve s’il en est qu’une présence spirituelle au cœur d’un village signifie encore quelque chose pour ses habitants. « Le dimanche, la nef est pleine ! » s’enthousiasme sœur Marie-Pierre. La communauté composée d’une dizaine de sœurs soutient le rythme paroissial et assure le maintien de la liturgie dans le village. Parmi les temps forts qui unissent la communauté et les paroissiens, la Fête patronale de Chantelle se vit chaque dimanche après l’Ascension. Depuis le Moyen-Age, on porte en procession dans le village des reliques rapportées de croisade par les Ducs de Bourbons, cette fête n’a été interrompue qu’entre la Révolution et la restauration du culte en 1842.

C’est sœur Marie-Pierre qui a formé les guides de l’Office du tourisme qui viennent commenter les visites organisées pendant la période estivale. Les sœurs profitent d’ailleurs de cette porte d’entrée historique et patrimoniale pour venir à la rencontre des visiteurs et leur parler de la vie monastique.

Selon la règle de saint Benoît, accueillir est une tradition : les sœurs de Chantelle accueillent ceux qui souhaitent partager la vie spirituelle le temps d’une nuit ou d’un week-end : pèlerins, retraitants individuels ou en groupe, mouvements catholiques. Tous viennent goûter à la simplicité et au silence de la vie cachée en Dieu. L’abbaye est située sur un chemin secondaire de Saint Jacques de Compostelle, le GR300. Elle attire un tourisme de randonneurs proches de la nature, que les produits cosmétiques de la marque des « Bénédictines de Chantelle » ne laissent pas indifférents.

Beauté de l’âme, beauté du corps 

Si l’abbaye accueille pèlerins et visiteurs, ceux qui franchissent le plus le portail du monastère, ce sont les clients de la boutique monastique. Pour observer la règle de saint Benoît de Nursie, « l’oisiveté est ennemie de l’âme. Les frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d’autres à la lecture des choses divines. », les sœurs bénédictines mettent le cœur à la confection de produits cosmétiques. Depuis 1954, un atelier élabore et commercialise une centaine de références cosmétiques aux ingrédients naturels. L’activité a permis de créer une dizaine d’emplois salariés et les bénéfices sont reversés dans l’entretien des bâtiments séculaires. Les sœurs accueillent les évolutions du monde du travail et tiennent à ce que chaque salarié puisse développer ses dons. « Le magasin nous permet un contact avec le monde économique et donc le reste de la société », ajoute sœur Marie-Madeleine. Sœur Gabriele, d’origine allemande, assure l’export vers l’Allemagne. Des partenariats commerciaux avec d’autres abbayes achèvent de faire connaître le nom de Chantelle partout en Europe.

Comment parler de Dieu en deux rayons de produits cosmétiques ? La boutique est une porte d’entrée vers le parloir. « Si une personne a une intention de prière à nous déposer, elle commencera par faire un tour dans la boutique, puis finira par demander à parler à l’une d’entre nous », confie sœur Benoît avec délicatesse. « Il faut alors savoir arrêter notre activité pour prendre le temps d’écouter », renchérit sœur Marie-Madeleine. « Je leur demande toujours d’abord un prénom, cela permet de rejoindre les personnes en peine », dit enfin sœur Gabriele.

Sans toujours chercher à mettre des mots dessus, les visiteurs sont heureux de trouver en cette abbaye un lieu qui parle d’absolu. « Nous nous sentons porteuses d’une mission, celle d’être présentes aux yeux de tous ceux qui sont en recherche », raconte sœur Marie-Madeleine. « L’image que les fidèles à l’extérieur nous envoient nous conforte dans notre choix de vie et notre mission. L’Église qui travaille aux avant-postes a besoin d’hommes et de femmes qui prient pour asseoir son activité », ajoute sœur Benoît.

Les sœurs racontent en riant comment se passent les discussions sur leur vocation : « Les gens commencent souvent par nous demander depuis combien de temps on est là ! ». Sœur Marie-Madeleine retrace avec humilité sa démarche : « Je n’ai pas repoussé la question étant enfant, complètement étant adolescente. Après le bac, j’ai dit au Seigneur : « laisse-moi tranquille pendant mes études, mais si tu me veux, tu sauras me trouver à un tournant. » Et il a obéi jusqu’à mes premières années de travail, de manière très délicate, avec le « si tu veux » de l’Évangile qui a pris pour moi l’accent inimitable du respect et de l’amour. Je suis donc allée au monastère de Pradines [Loire] que j’ai trouvé glacial et triste en janvier, et cela a fait tilt !  Le plus dur pour moi a été de renoncer à être mère, j’ai dû plusieurs fois renouveler mon don au Seigneur. » Sur la question de la maternité, sœur Gabriele assure que même s’il existe d’autres fécondités, il ne faut ni évacuer ni spiritualiser le renoncement à l’enfant qui se vit dans la chair.

Sœur Gabriele est en charge de faire avancer celles qui sont venues à elle avec un questionnement sur leur propre vocation. Ces personnes lui demandent comment réussir à discerner, comment y voir plus clair. « Elles ont déjà les outils en elles, mon rôle est de les aider à s’en saisir. Il y a quelque de manuel dans ma tâche d’accompagnement… »

On peut voir les fruits si on ouvre les yeux.
sr. Gabriele

De passage à Chantelle en septembre, ne manquez pas les Fêtes Anne de Beaujeu dont la première édition a lieu en 2019. En 2022, la commune de Chantelle fêtera d’ailleurs le cinquième centenaire de la mort d’Anne de France à Chantelle. Dans une belle fraternité, toute la commune prépare les costumes, installe des échoppes dans les rues et célèbre celle qui a tenu à Moulins une des plus prestigieuses cours du royaume.

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