Message de Mgr Lonchyna aux évêques : « La dignité et la liberté »

Message de Mgr Hilb Lonchyna, administrateur apostolique de l’éparchie Saint Volodymyr le Grand de Paris le jeudi 7 avril 2022 intitulé : « Dignité et liberté ».

Le monde est bouleversé par la guerre en Ukraine, nous sommes atterrés de voir les images qui nous révèlent les horreurs des crimes de guerre, notre cœur se brise de chagrin pour les victimes innocentes, le sort des réfugiés, les familles divisées, les orphelins, les morts. Sur les écrans, nous voyons des montagnes de cadavres, des fleuves de sang et des mers de larmes. Comment des milliers de personnes sont ensevelis dans des villes assiégées, par exemple, à Marioupol sans prière, sans funérailles chrétiennes, dans d’immenses fosses communes, anonymes.

Mais, bien que nous ne puissions penser à rien d’autre, il est important de ne pas oublier la dimension spirituelle, car nous n’avons qu’une seule vie. L’homme et la femme sont créées à l’image et à la ressemblance de Dieu, ils ont donc une dignité et une liberté que personne n’a le droit de leur confisquer. Ce que l’on voit sur les écrans, c’est le combat pour cette liberté et cette dignité enracinées dans le cœur humain et qui sont un don de Dieu. Saint Irénée de Lyon a dit : « La gloire de Dieu – c’est l’homme vivant ». Le Seigneur veut que nous vivions, développions et servions Dieu avec amour et joie. En revanche, cette guerre, c’est la lutte contre l’humanité.

La démocratie est probablement la forme politique qui exprime le mieux la valeur de la personne, donc la valeur du moi dans le cadre d’une existence relationnelle d’hommes et de femmes qui veulent être libres, se reconnaître égaux et vouloir ensemble déterminer leur propre destin. Pour exister et être vraie, la démocratie doit être le reflet de tout cela, elle doit donc se fonder sur le dialogue, le respect, la dignité, la responsabilité, l’égalité des chances pour réaliser son existence…

Alors que l’Ukraine a évolué progressivement vers une société démocratique et inclusive, il y a en Russie, des élections présidentielles où le président ne perd jamais, l’assassinat ou l’emprisonnement d’opposants politiques et de journalistes, des guerres civiles internes, un nœud coulant autour du cou de la presse… Le désir de ne pas avancer est évident, et la nostalgie de la gloire de l’impérialisme russe est de plus en plus un argument en faveur du gouvernement autoritaire, qui mène cette agression.

Et pourtant jamais dans son histoire l’Ukraine n’a été aussi unie qu’aujourd’hui. Aucune politique ukrainienne n’a jamais conduit à autant d’ukrainisassions que l’agression de la Russie contre l’Ukraine.

On notera également que l’Ukraine est probablement le seul pays au monde à avoir un Conseil actif des Églises et des organisations religieuses qui se réunit régulièrement, non pas pour combattre les différences de croyances et de doctrine, mais pour trouver un consensus sur les questions sociales. Toutes les Églises et organisations religieuses ont soutenu la non-violence au moment de la Révolution de la dignité de 2014, toutes ont condamné la rhétorique sur la division du pays et toutes ont encouragé la voie du dialogue pour résoudre les problèmes critiques et diviseurs en Ukraine. Depuis 25 ans, le Conseil ukrainien des Églises et des organisations religieuses est un instrument unique de rencontre et de dialogue social et religieux.

Le rôle de l’Église est un ministère de solidarité qui s’exprime en écoutant les gens (voilà la synodalité), en soulageant leurs blessures, en répondant aux besoins concrets des déplacés, de ceux qui ont perdu leur emploi, de ceux qui ont du chagrin…

Et surtout, l’Église a un grand rôle à jouer pour essayer de redonner l’espérance. L’espoir c’est aider à reconstruire la maison, c’est soulager les blessures, nourrir, guérir. L’espérance a des sacrements et des signes concrets, qui pour nous sont l’expression de notre espérance spirituelle, eschatologique : il y a un Seigneur au-dessus de nous, qui fait battre notre cœur même quand nous n’y pensons pas et qui tient tout entre ses mains.

Pape François a écrit, dans Fratelli tutti, « Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal ». Vous et moi devons être prêts à surmonter ces conséquences d’une manière ou d’une autre.

C’est pourquoi il est très important de ne pas devenir complice des crimes qui se déroulent en Ukraine, par notre propre silence ou par peur de dire la vérité. Pour gagner cette lutte intérieure, il faut avant tout se rendre compte que l’on ne peut pas dialoguer avec le péché, avec le diable. Nous devons d’abord reconnaître le mensonge. Pour cela nous devons résister, de toutes nos forces et de toute notre volonté, en particulier, pendant les jours de carême. Et il est primordial de réaliser que nous pouvons vaincre, non par notre propre force, mais par le pouvoir et la grâce du Saint Esprit.

Comme nous l’avons lu dans l’acte de consécration : « Nous avons préféré ignorer Dieu, vivre avec nos faussetés, nourrir l’agressivité, supprimer des vies et accumuler des armes, en oubliant que nous sommes les gardiens de notre prochain et de la maison commune. Nous avons mutilé par la guerre le jardin de la Terre, nous avons blessé par le péché le cœur de notre Père qui nous veut frères et sœurs. Nous sommes devenus indifférents à tous et à tout, sauf à nous-mêmes. Et avec honte nous disons : pardonne-nous, Seigneur ! »

Selon les mots du Saint-Père, l’Acte de consécration de l’Ukraine et de la Russie au Cœur Immaculé de Marie « se veut un geste de l’Église universelle qui, en ce moment dramatique, élève vers Dieu, à travers sa Mère et notre Mère, le cri de douleur de tous ceux qui souffrent et implorent la fin de la violence, et un geste pour confier l’avenir de notre famille humaine à la Reine de la Paix ».

C’est bien – nous aussi – qui avons besoin de cette consécration pour que nos cœurs soient changés, pour que nous soyons convertis de nos péchés, pour que l’humanité entende la parole de Dieu et s’ouvre à ses grâces.

Ô Dieu, brise l’orgueil des puissants, inspire la sagesse aux gouvernants.

Change les cœurs de pierre en cœurs de chair.

Maintiens en nous l’esprit d’amour qui distingue en l’autre un frère, une sœur.

Seigneur, fais de nous des artisans de paix !

CEF Lourdes, le 7 avril 2022

+ Hlib Lonchynan, Administrateur apostolique de l’éparchie Saint Volodymyr le Grand de Paris

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