Heureux les doux par Mgr Aillet, décembre 2008

Quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, entre les bras de Marie et sous l’œil attendri de Joseph, je pense à la douceur de l’Agneau, celui des armoiries et de la devise épiscopale de Monseigneur Molères à qui je veux adresser des vœux de saint et joyeux Noël, dans cette nouvelle étape de sa vie d’évêque émérite de Bayonne, Lescar et Oloron.
Quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, je pense à notre Saint-Père le Pape Benoît XVI, « doux Christ en terre », selon l’expression de sainte Catherine de Sienne. N’est-ce-pas ainsi que les français l’ont découvert lors de sa récente visite en notre pays ? Cette douceur communicative dont il a su envelopper les foules de Paris et de Lourdes, recueillies et ferventes, et révélant le visage tout intérieur du Peuple de Dieu qui est en France.

Quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, « le Verbe fait chair », je pense à l’incarnation du Fils de Dieu dans un peuple, une histoire, une culture : il demeurera pour toujours le « Nazaréen », il revendiquera sa condition de juif – « Le Salut vient des juifs » dit-il à la Samaritaine -, mais son inculturation ne fera pas obstacle à sa volonté de sauver tous les hommes. Comme évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, j’ai conscience qu’il me faut épouser des traditions culturelles fortes, lieux de transmission à travers les siècles de valeurs fondatrices de vie humaine, à commencer par la foi chrétienne qui s’est si solidement incarnée dans cette terre du Pays basque, du Béarn et de la Gascogne. Mais sans omettre cette ouverture universelle qui est le propre du Mystère chrétien. Sage alchimie entre ces cultures particulières qui ont façonné l’histoire des hommes et des femmes de ce département, et la vocation universelle de l’Eglise, attestée par les nombreux missionnaires en terre lointaine que compte notre Eglise diocésaine.

Quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, « emmailloté de langes et couché dans une mangeoire », je pense à toutes ces situations de fragilité et de précarité qui affectent l’humanité d’aujourd’hui : l’accroissement de l’écart entre les riches et les pauvres ; la crise alimentaire qui condamne à la malnutrition des millions de personnes, en particulier des enfants, moins par manque de nourriture que par injuste répartition des ressources ; la crise financière dont les conséquences économiques seront lourdes pour les plus pauvres et les plus démunis ; les atteintes faites aux enfants, souillés par la perversité des adultes ou victimes des conflits qui ensanglantent encore de nombreux peuples au Moyen Orient, en Afrique ou en Asie ; le sous-développement moral qui crée, dans les pays riches, de nouvelles formes de pauvreté relationnelle et spirituelle et induisent un mal-être qui contraste avec le bien-être économique…

Quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, je pense au « massacre des innocents » et je me sens le devoir de défendre et de protéger les plus petits d’entre les petits, à commencer par les enfants auxquels on refuse le droit de naître et les embryons humains soumis à toutes sortes de manipulations : nous avons tous été des embryons et Jésus aussi ! En contemplant l’Enfant-Jésus de la crèche, je pense qu’en lui, Dieu s’est uni en quelque sorte à toute homme, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, révélant l’homme à lui-même et lui dévoilant son éminente dignité.

Depuis la crèche de Bethléem, un grand cri jaillit de mon cœur, comme un appel vibrant à la prière et à la solidarité.

C’est dire combien l’homme du nouveau millénaire, malgré les illusions que lui donnaient encore il y a peu sa raison technique et scientifique, a encore besoin d’être sauvé !

Aussi, quand je contemple l’Enfant-Jésus de la crèche, j’entends les anges chanter dans la nuit de Bethléem en Judée : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur ! » Et moi aussi avec toute l’Eglise, en cette nuit et en ce saint jour de Noël, je veux proclamer cette bonne nouvelle et annoncer une grande joie pour tous les peuples : celle d’un Dieu qui n’est pas venu dans le monde pour faire un monde meilleur, mais un monde nouveau ; qui n’est pas venu dans le monde pour supprimer la souffrance, ni même pour l’expliquer, mais pour la remplir de sa présence, pleine de douceur et de consolation. Tout homme de bonne volonté, en accueillant sa Parole et en le rencontrant dans les sacrements de son Eglise pourra trouver en lui la guérison !

Au milieu des violences qui secouent l’humanité d’aujourd’hui, je contemple la douceur de l’Enfant-Jésus, je quête le sourire de Marie et je proclame : « Heureux les doux, car ils posséderont la terre ».

Saint et joyeux Noël !

+ Marc Aillet
Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron