Homélie du dimanche 17 janvier

Dimanche 17 janvier 2016
Deuxième dimanche du temps ordinaire

Références bibliques :

Lecture du livre d’Isaïe : 62. 1 à 5 : “Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu.”
Psaume 95 : “ Rendez au Seigneur, famille des peuples, rendez au Seigneur la gloire de son nom.”
Saint Paul. 1ère lettre aux Corinthiens : “ Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur.”
Evangile selon saint Jean : “ Les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau.”

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MIRACLE, SIGNE ET SYMBOLE

Les circonstances qui entourent les noces de Cana tout autant que le miracle qui les accompagne sont typiques du symbolisme habituel de saint Jean. Pour lui, toute réalité humaine peut être évocatrice du Royaume, ou plus exactement de la vie éternelle. Car saint Jean n’emploie jamais le terme de Royaume, il préfère parler de “vie” ou de “vie éternelle”.

Cet événement n’est pas isolé. Saint Jean le place dans un ensemble qui le suit et dans lequel Cana prend son sens.

Puis au delà de Nicodème (Jean 3.3), c’est à la Samaritaine du puits de Jacob qu’est annoncée l’eau qui jaillit en source de vie éternelle (Jean 4. 14). Comme ce sera, dans le prolongement du miracle du pain multiplié, l’annonce du pain de vie « pour la vie du monde. » (Jean 6)

Cana n’est donc pas seulement une anecdote illustrant la délicatesse d’un Jésus doté de pouvoirs bien utiles pour des amis imprévoyants. C’est un repas de noces qui se veut évocateur de ces noces éternelles entre Dieu et son Peuple, entre Dieu et l’humanité “Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu.” (Isaïe 62. 5)

Au travers des événements que nous vivons ou qui se déroulent autour de nous, par delà les situations devant lesquelles la vie nous place, nous avons à déchiffrer, quand cela nous est possible, les signes de Dieu.

Souvent difficiles à décrypter dans l’immédiat, ils deviennent proches si nous les avons replacés dans la perspective globale, de la définitive de la vie, de notre vie. C’est tout au terme du repas et dans l’attente (sans doute impatiente) des convives.Comme c’est tout au terme du repas et après une attente (sans doute impatiente) que les convives découvrent la qualité de ce vin nouveau que Jésus leur donne par ce miracle.

LE BANQUET DE NOCES.

La liturgie de ce dimanche nous donne une des clefs pour l’interprétation des noces de Cana en nous faisant lire ce passage d’Isaïe, qui nous parle de l’insertion de la divinité en notre humanité, pour un partage réciproque, selon les paroles de l’offertoire qui est intégré dans un autre repas, le repas eucharistique.

Dans les dernières lignes de ce texte, Isaïe présente Dieu comme l’époux heureux de Jérusalem et, au delà de Jérusalem, de tout le pays. Il est à noter que ce Dieu n’est pas un Dieu lointain et froid, c’est un Dieu qui vit la joie de la proximité des hommes. Et cela nous devons nous le rappeler souvent.

L’Eglise, en choisissant ce texte du prophète Isaïe, nous dit que, par delà le banquet de Cana, le vrai banquet auquel Jésus participe, ce sont les épousailles de Dieu et de l’humanité, la Nouvelle Alliance. A celle-ci, l’eau de la purification ne suffit plus. Les cuves de pierre sont bien utiles, mais elles prennent une autre destination.

Pour le banquet des temps nouveaux, il faut du vin. Certes il peut devenir cause de dépravation, mais par nature il est plutôt signe de prospérité et de joie. “Le vin réjouit le coeur de l’homme”, (Livre de l’Ecclésiastique 32.6) C’est un vin nouveau qui fait craquer les vieilles outres et est meilleur que ce qui a été donné de boire auparavant comme le constate le responsable du repas de Cana.

Saint Jean nous en fournit la raison :”La Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse. La grâce et la vérité nous sont venues par Jésus-Christ.” (Jean 1. 17) La grâce nous est donnée à chacun de nous. A chacun de nous de découvrir la vérité réelle et telle que nous l’apporte le Christ.

L’HEURE OÙ LE FILS EST GLORIFIE.

Si Jésus accomplit un pareil signe, c’est que l’heure approche. Le texte de Cana est au début de l’évangile de Jean, et il est ainsi l’inauguration des signes qui manifestent cette proximité de “l’Heure”… “mon Heure” et l’universalité de cette heure. Jean place en effet immédiatement l’un après l’autre : Cana (Marie) – Nicodème (les juifs éclairés) et la Samaritaine (païenne et pècheresse)

Au Cénacle, pour les noces de l’Alliance éternelle, la purification et la profusion de la délicatesse divine ne viennent pas des cuves de pierre. La purification, c’est le geste du lavement des pieds. Et le rapport entre ce dernier signe et l’Heure de la Passion est affirmé avec insistance par saint Jean au début du chapitre 13 :” Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son Heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin.
Au cours d’un repas …” Et nous reconnaissons la formule « instituante » de l’Eucharistie.

La vie donnée et le sang versé sont la source de la joie et de la gloire. C’est en termes de glorification et d’exaltation que la Passion est exprimée dans saint Jean. Il faut relire tout le “Discours après la Cène” avec ces deux “mots-clés”. Joie et gloire. “Vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie.” (Jean 15. 20) “Votre joie, personne ne peut vous l’enlever.” (Jean 16. 22) “Afin que votre joie soit complète.” (Jean 16. 24) “Manifeste la gloire de ton Fils.” (Jean 17. 1) “Qu’ils aient en eux ma joie, une joie complète.” (Jean 17. 13)

S’il est ainsi considéré dans toute sa portée, le signe de Cana n’est pas un artifice trouvé par Jésus pour forcer l’admiration initiale des disciples. La gratuité et l’ampleur du geste de Jésus sont significatifs de la promesse à venir.

A nous de découvrir, dans le temps qui est le nôtre et au travers des événements, les signes de cette promesse à venir. s’ils sont vécus dans la foi, ils sont porteurs d’espérance et d’éternité. “Les apôtres crurent en lui”. Mais cela ne veut pas dire qu’ils soient désormais à l’abri d’erreurs d’interprétations. On l’entend sur la route d’Emmaüs. Et nous, nous sommes biens aussi comme eux.

MARIE ET LA FOI.

Un point pourrait paraître obscur dans le récit de Cana. C’est le rapport entre Jésus et Marie. Pour en parler, il faut nous rappeler que l’Evangile de Jean a été écrit et les événements qui y sont rapportés ont été choisis par “le disciple bien aimé”, qui a reçu Marie au pied de la Croix et qui, par la suite l’a accompagnée quotidiennement par fidélité à la demande expresse que lui fit Jésus. Même les simples détails ne sont inutiles. Ils sont porteurs d’une plus grande réalité.

La réponse de Jésus à l’intervention de Marie peut être traduite et ressentie de diverses manières. Une chose est sûre : l’intercession de Marie. C’est « Ils n’ont plus de vin. » Elle ne demande pas, n’implore pas. Elle « informe » son fils en lui laissant sa liberté, car elle connaît son amour pour les hommes.

Dans sa réponse, Jésus l’appelle : “femme”, comme elle le sera à la Croix quand Jésus la donnera pour mère au disciple bien-aimé représentant le peuple de la Nouvelle Alliance. En choisissant ce terme, il nous est signifié que, par delà la relation de Jésus, fils de Marie, et sa mère, c’est l’humanité, prise dans sa globalité, qui est en relation avec la divinité plénière du fils.

Il est également difficile de savoir si la remarque de Marie joue sur la décision de Jésus. Eprouve-t-il ou éclaire-t-il la foi de sa Mère ? Prend-il ses distances comme il l’avait fait à l’âge de douze ans ? N’en faisons que des commentaires qui sont suggérés par l’Evangile.

Mais il est manifeste que la foi de Marie influe sur les serviteurs. Celle qui a accepté que s’accomplisse en elle la Parole de Dieu et qui, en cet accomplissement, a trouvé la plénitude de sa joie, est fondée de dire aux serviteurs de faire tout ce qu’il leur dira. C’est une manière de vivre pour elle.

Elle n’est pas médiatrice. Elle est notre intermédiaire. Le médiateur entre l’humanité et Dieu, c’est Jésus qui l’est par sa parole vivifiante. Le Verbe s’est fait chair en elle et il a habité parmi nous.

Les serviteurs obéiront. Ce qui leur donnera un avantage sur le maître du repas qui ignore d’où vient ce vin. Eux, il savent. Ils ne ne sont donc plus tout-à-fait de simples serviteurs, car celui-ci ignore ce que fait son maître (Jean 15. 15). Il serait prématuré de les appeler “amis”. Mais peut-être tracent-ils déjà aux disciples le chemin qui leur permettra à leur tour de le devenir.

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Nous n’avons pas évoqué le texte de saint Paul. Même si le dimanche de prière pour l’Unité des chrétiens se situe dans huit jours, saint Paul est d’actualité en ce dimanche où s’ouvre la “Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens”.

Nous pourrions aujourd’hui le lire dans le contexte de Cana. A Cana chacun participe, à sa manière, à la même fête. Comment serons-nous à notre tour la joie de Dieu pour que l’unique Eglise de Jésus-Christ soit dans la fête d’une vraie communion ?

« Pénètre-nous, Seigneur, de ton esprit de charité, afin que soient unis par ton amour ceux que tu as nourris d’un même pain. » (Prière après la communion)

année liturgique B