Vers le Synode pour l’Amazonie
Le 15 octobre 2017, le Pape François a annoncé un synode « pour la région pan-amazonienne ». L’Assemblée spéciale du Synode des évêques sur l’Amazonie se déroulera à Rome du 6 au 27 octobre 2019. Le Synode est actuellement dans sa phase de préparation. Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne (Guyane) prépare en amont les rencontres avec les responsables locaux. Présentation et focus sur ce territoire si particulier.
Pouvez-vous nous présenter le territoire du bassin amazonien ?
La région panazomienne couvre 40% de l’Amérique du sud. Elle s’étend sur neuf pays : le Brésil, la Colombie, le Pérou, la Bolivie, l’Équateur, le Venezuela, la Guyane française, la Guyana anglaise et le Suriname… Le Brésil englobe à lui seul 60% de la forêt amazonienne. Les habitants du bassin amazonien sont des personnes autochtones constituées d’Amérindiens et d’Afro-américains.
Quelles sont les grandes ressources naturelles de l’Amazonie ?
Le pétrole, le bois et l’or sont de grandes ressources naturelles. Il y a également des métaux. L’Amazonie détient 20% de l’eau douce mondiale, c’est une richesse énorme. Ce bassin est pillé depuis des décennies de manière exhaustive par des multinationales, des grands groupes financiers ou agricoles. La déforestation de l’Amazonie s’est accélérée surtout au Brésil. En Guyane, le territoire reste relativement protégé. Quelques compagnies aurifères travaillent dans la forêt. Les orpailleurs clandestins sont hélas les plus nombreux. L’or est aussi bien présent dans les rivières que dans la roche.
Dans une lettre pastorale parue en septembre 2018, vous aviez poussé un cri d’alarme contre le projet de la « Montagne d’Or ». Un projet de mine d’or industrielle en Guyane, au sud de Saint-Laurent-du-Maroni menace l’équilibre écologique…
Ce projet, anti-écologique et peu profitable pour la Guyane n’est pas encore acté. L’État a dû organiser en 2018 un débat public porté par une Commission nationale. Nous connaissons mal les intentions des deux multinationales russes et canadiennes, porteuses du projet. Malheureusement, je pense que la Guyane et les Guyanais ne profiteront pas économiquement de ce projet s’il aboutit.
Quelles sont les ravages de la déforestation ? Quelles conséquences pour les autochtones ?
En Guyane, elle est minimale sauf à travers l’orpaillage illégal qui déforeste et pollue les rivières avec le mercure. Au Brésil aussi l’orpaillage menace la biodiversité. Les évêques brésiliens sont aux premières loges pour la préparation du Synode de l’Amazonie. Ils feront entendre leur voix mais seront-ils écoutés ? Les compagnies minières ou agricoles – partisanes d’une exploitation intensive du territoire amazonien – font fi de ce que les évêques brésiliens pensent. Ceux qui ont parlé vivent désormais sous protection policière 24 heures sur 24. Sœur Dorothy Stang, religieuse américaine a été assassinée il y a douze ans au Brésil. Jair Bolsonaro, le président brésilien, a exprimé son souhait de laisser le champ libre à ces compagnies qui l’ont déjà largement.
Le thème du Synode est « Amazonie : nouveaux chemins pour l’Église et pour l’écologie intégrale ». Comment s’organisent les préparatifs diocésains dans le processus synodal ?
J’essaye de multiplier les rencontres auprès des responsables issus de ces communautés : les Créoles Guyanais, les Bushinengués et les Amérindiens. Par exemple, fin octobre, je suis allé dans le haut-Maroni où j’ai tenu des réunions avec des wayanas (NDLR. Un des six peuples autochtones Amérindiens) Nous avons tenu en juillet une « Assemblée présynodale » de trois jours avec des représentants de toutes les communautés de la forêt, au total 130 personnes sont venues.
Dans le document préparatoire, le Saint-Père a déclaré : « Ces chemins d’évangélisation doivent être pensés pour et avec le Peuple de Dieu qui habite dans cette région (…) tout spécialement, avec et pour les peuples autochtones ». Le premier enjeu du Synode pour l’Amazonie est d’impliquer les indigènes dans la démarche synodale…
Les Amérindiens de Guyane sont dispersés, peu connus, souvent méprisés voire ignorés. Nous n’avons jamais considéré leur culture comme quelque chose qui pouvait contribuer à améliorer notre rapport à la vie et à la nature, à la sagesse humaine. C’est d’ailleurs l’une des choses que le Pape met en valeur dans la préparation du Synode. Il souhaite que ces peuples – gardiens de la forêt – soient reconnus pour ce qu’ils sont et non pas regardés comme des gens non civilisés. Car c’est bien comme cela que trop souvent nous les regardons !
Ces populations ne se parlent-elles pas entre elles ?
Le dialogue entre l’Église et les deux peuples (Amérindiens et Bushinengués) n’est pas facile, en raison des langues et de l’éloignement. De 2010 à 2012, nous avons lancé un Synode diocésain. Des Amérindiens y ont été invités. Les rencontres, pendant le synode, à permis de multiplier les visites de groupes charismatiques (Feu de la Source ou communauté de l’Immaculée) à la rencontre des communautés chrétiennes à l’intérieur de la Guyane.
Quelle est la position de l’Église en faveur des indigènes ?
Les Amérindiens ont été évangélisés dans le contexte colonial et ils ressentent cette évangélisation de manière contrastée. Ils considèrent que la scolarisation a été aux dépens de leur culture et que l’Eglise a favorisé l’éducation colonialiste, l’imposition d’une culture étrangère. Nous avons beaucoup à faire pour accueillir leur vision de l’histoire et vivre l’évangélisation sur le modèle de Jésus : dans le respect et le dialogue. Nous le faisons dans le contexte d’une concurrence par les évangéliques. Cela crée d’autres problèmes. Nous apparaissons divisés tout en apportant un message d’amour !
Quels sont les freins à l’évangélisation ?
Le premier problème est celui de la langue. Il est difficile d’apprendre une langue qui ne concerne que 800 personnes sur le territoire. Aujourd’hui, peu de prêtres seraient prêts à passer dix ou douze ans dans ces villages. Or pour apprendre une langue, il faut s’immerger dans la communauté. En face, des évangéliques ont appris des langues depuis longtemps et forment vite des pasteurs locaux.
Comment se passent les préparatifs du synode ?
La communication entre tous les pays du bassin amazonien est quasiment impossible. Pour aller au Brésil, c’est la croix et la bannière ! Une rencontre était organisée en septembre 2018 à Manaus. Je n’ai pu y envoyer personne, car il aurait fallu qu’ils restent quinze jours pour deux jours de travail.
Quelles attentes particulières avez-vous pour ce Synode ?
Je souhaite réfléchir sur la façon de mettre en valeur la sagesse et la culture amérindienne, et aussi protéger la nature dans laquelle ils vivent. Nous devons réfléchir aussi comme le souligne le Pape François à faire émerger une église « à visage amazonien » qui soit à la fois plus proche de ces populations, respectueuse de leur culture en dialogue et en harmonie avec l’Évangile, de manière à ce qu’ils soient les artisans de la croissance de l’Eglise chez eux. Nous ne pouvons pas continuer à donner le sentiment que nous sommes une Église qui vient d’ailleurs. L’avenir demandera de former des catéchistes véritables leaders de leur communauté, avec la capacité d’animer les liturgies et quelques sacrements.
Exhortation apostolique
Sur les réseaux sociaux
J’adresse cette Exhortation au monde entier, pour aider à réveiller l’affection et la préoccupation pour l’Amazonie, une terre qui est aussi la “nôtre”. #QueridaAmazonia https://t.co/i74vN4fK1E
— Pape François (@Pontifex_fr) February 12, 2020
#QueridaAmazonia, la vision du directeur éditorial de @vaticannews_fr @Tornielli sur l'exhortation post-synodale. https://t.co/qursV4yHOs
— Vatican News (@vaticannews_fr) February 12, 2020
#QueridaAmazonia, l'exhortation forte du #papeFrançois à entendre le "cri amazonien", a été publiée aujourd'hui.
— Eglise Catholique (@Eglisecatho) February 12, 2020
Fruit du #SynodeAmazonie qui s'est tenu en octobre : une vision d’#écologieintégrale de la question amazonienne. (1/3)
📑Le texte►https://t.co/GnrTn43lKb pic.twitter.com/Gyfc0LCCvR