Notre-Dame de Paris : où en sommes-nous du chantier du siècle ?

la flèche de Notre-Dame de Paris est réapparue dans le ciel de Paris

Cinq ans après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, le recteur-archiprêtre fait le point sur le chantier avant la réouverture attendue le 7 décembre 2024.

Que ressentez-vous à huit mois de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris ?

Le 7 décembre 2024, après l’inauguration réalisée par le Président de la République, Mgr Laurent Ulrich, l’archevêque de Paris poussera pour la première fois les portes de sa cathédrale. Quand on voit le chemin parcouru, nous ne pouvons qu’être émerveillés par tout le travail accompli sous la responsabilité de l’Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris (EPRNDP) qui a été créé par un décret de juillet 2019. La cathédrale ne ressemblera pas à celle que nous avons quittée ; tant la lumière de la pierre et la beauté des peintures nous redonnera quelque chose de nouveau par rapport à ce que nous avions connu.

Dans le ciel de Paris, la flèche emportée par les flammes est de retour au sommet avec son coq doré…

Mgr Ulrich a béni le coq ! C’est le premier acte liturgique après l’incendie. Il y a intégré les reliques qui étaient dans le coq précédent ainsi que le nom de tous les compagnons qui ont travaillé sur la charpente et sur la flèche. La flèche – recouverte par l’aiguille de plomb – est maintenant déséchafaudée. Un nouvel échafaudage apparaitra en octobre 2024 après la fermeture de la voûte de la croisée du transept, pour finir la couverture en plomb. Les artisans avancent aussi le voligeage de la charpente de la nef et du chœur. Ce travail des charpentiers est absolument magnifique !

À quoi ressemblera l’intérieur de Notre-Dame de Paris ?

Un travail important a lieu sur le chœur d’Eugène Viollet-le-Duc, avec notamment le nettoyage achevé du Vœu de Louis XIII, la dorure des grilles et le décapage des stalles. Cela donne quelque chose d’extrêmement beau et fort ! On n’imaginait pas la force de cette architecture qui redonne aussi bien l’élévation gothique de la cathédrale que sa largeur. Avant l’incendie, les chapelles collatérales étaient tellement noires que nous avions l’impression de ne voir que la nef. La cathédrale reprend une autre dimension.

Les chantiers en cours

(d’après la conférence organisée par Commission diocésaine d’art sacré le lundi 18 mars 2024 à la Maison de Breteuil)

  • Le choix du mobilier liturgique

« L’autel a été partiellement détruit par la chute de la flèche en raison de l’effondrement de la voûte. Le choix successif des archevêques de Paris a été de recréer un mobilier liturgique pour la cathédrale. Un appel d’offres a été lancé en octobre 2022, ce qui a permis à 69 candidats de présenter un projet. L’archevêque de Paris a réuni un comité artistique composé de membres issus du Ministère de la Culture et d’experts spécialisés en histoire contemporaine et histoire de l’art. Cinq artistes ont concouru […] Le 23 juillet 2023, Mgr Ulrich a choisi Guillaume Bardet pour dessiner les cinq éléments du mobilier liturgique : le baptistère à l’entrée de la cathédrale, l’autel à la croisée des transepts, l’ambon du côté sud au pied de la Vierge, la cathèdre qui retrouvera la place qu’elle avait autrefois au pilier nord, et le tabernacle sur l’autel de Viollet-le-Duc au fond de la cathédrale. L’archevêque avait souhaité qu’il soit parfaitement adapté à la liturgie de Vatican II. Il avait désiré qu’il s’intègre dans l’architecture et l’histoire de la cathédrale sans avoir d’effet de rupture mais en même temps qu’il ne soit pas l’effet d’une mode et qu’il puisse traverser les siècles. Guillaume Bardet était le seul à présenter un mobilier en bronze. Et l’archevêque a pensé que le bronze ne faisait pas concurrence à la pierre, qui avait un éclat renouvelé et permettait d’avoir une présence alors même qu’il n’y a pas d’offices qui sont célébrés. »

  • Les assises de Notre-Dame

« Nous avons parlé de « chaises silencieuses ». Les chaises devaient s’effacer devant le mobilier liturgique. Ces chaises ont une présence qui est moindre que les cinq éléments évoqués. Après un appel d’offres, c’est Ionna Vautrin qui a été choisie pour un modèle de chaise à barreau. »

  • L’aménagement des chapelles

« Pour le réaménagement de ces chapelles, nous sommes partis de la volonté de faire vivre au visiteur un chemin de pèlerinage, car il nous paraissait important qu’il découvre quelque chose de notre foi. J’aime beaucoup ce nom de « visiteur », car j’invite tous ceux qui rentrent dans la cathédrale à faire la rencontre du Christ en voyant des croyants ou la rencontre de Dieu par l’art. Les visiteurs qui resteront environ 40 minutes dans la cathédrale pourront vivre une rencontre. Nous sommes partis de ce qui est invariant dans la cathédrale, la clôture du chœur par le nord qui parle de la naissance et la vie publique du Christ, et aussi par le sud qui parle de la Résurrection du Christ. Dans la chapelle axiale, nous avons décidé de mettre le reliquaire de la couronne d’épine. »

« Les visiteurs qui entreront dans la cathédrale arriveront par le portail du jugement dernier, le portail central. Ils seront invités à faire le tour inverse de ce qu’ils faisaient autrefois, c’est-à-dire le tour classique du nord au sud. Dans l’allée nord, appelée : « l’allée de la promesse », nous avons mis une nouvelle titulature des chapelles puisque ce qui conduit à la naissance du Christ sont bien les personnages de l’Ancien Testament. Ces sept chapelles au nord sont consacrées à sept personnages de l’Ancien Testament associés à un thème. Il y aura par exemple la chapelle de Noé et de la Création, d’Abraham et de la bénédiction, chapelle de David et la prière, d’Isaïe et du service etc… Ces chapelles nous conduiront vers la clôture du chœur.Nous avons pensé à un parcours de pèlerinage catéchétique avec des stations pour les pèlerins. Nous invitons les diocèses à partir de l’été 2025. »

  • La redistribution de l’ensemble des œuvres

« Les œuvres sorties de Notre-Dame de Paris pendant l’incendie doivent y entrer de nouveau. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas en mettre d’autres. Un travail minutieux a été mené par l’équipe de la cathédrale en lien avec les services de la Direction régionale des Affaires Culturelles (Drac) pour réaménager les tableaux, les statuts et l’ensemble de ce qui ornait la cathédrale. Entre 1630 et 1708, la confrérie des orfèvres offrait chaque année un immense tableau à Notre-Dame. Ces « Mays » avant Eugène Viollet-le-Duc étaient placés dans la nef. Nous avons cherché à les replacer parce qu’ils illustrent bien l’histoire du Peuple de Dieu qui va à la rencontre du Christ. Les Mays seront redistribués dans les chapelles des collatéraux. »

  • Quelle place pour les tapisseries ?

« Dans les chapelles du collatéral nord, le mur Est se trouve vide. Les chapelles ont été décapées dans les années 1970 par l’architecte en chef des Monuments historiques de l’époque. La blancheur des murs nous a invité à y mettre de la couleur. La tapisserie est un art très ancien. Elle a toute sa place dans la cathédrale. Nous avons commandé au mobilier national six tapisseries et une aux ateliers d’Aubusson. Un comité de pilotage gère ces tapisseries. Les premières apparaitront en 2028. Nous voudrions qu’elles reprennent la tradition des « Mays » et qu’elles soient livrées le 1er mai de chaque année. »

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