« Une œuvre audiovisuelle peut donner à voir l’invisible »

« Une oeuvre audiovisuelle peut donner à voir l’invisible »

Arielle

 
Retour sur le premier festival chrétien du film court francophone, Kaleidoscope, qui a eu lieu les 23 et 24 octobre dernier à Poitiers. Mgr Christophe Dufour, archevêque coadjuteur d’Aix en Provence, président de la commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat, en rappelle le but premier : permettre un usage catéchétique de ces œuvres audiovisuelles.
 

Le court-métrage, et le cinéma en général, peuvent-ils être de bons outils pour une première annonce, pour l’évangélisation ?

La première annonce par un message fort, court et intense, qui saisit l’être humain tout entier, peut appeler à la conversion et inviter à croire en Christ. L’audiovisuel peut porter ce message. La foi nécessite bien sûr que l’on s’inscrive dans la durée. La catéchèse permet de faire parcourir ce chemin de maturation de la foi, de découverte et de révélation. Et l’audiovisuel peut aussi en être une étape. L’œuvre audiovisuelle peut prendre place sur ce chemin pour donner le temps de contempler et de recevoir ce message. Elle peut donner à voir l’invisible, comme le ferait une œuvre d’art. Elle permet de découvrir l’homme dans ses profondeurs et d’introduire au mystère caché que porte le Christ. Avant de parler d’évangélisation, nous pouvons parler d’éducation, car il y a un vrai travail à opérer pour éduquer à la liberté face à l’image, en garder la maîtrise pour ne pas en devenir l’esclave. Ce travail d’éducation vaut pour les enfants et les adolescents, mais aussi pour les éducateurs : ils doivent apprendre ce chemin de liberté, pour permettre à leur tour un itinéraire. Après Kaleidoscope, je crois qu’il faudra, dans les provinces et les églises, proposer ce temps d’éducation à la lecture d’image.
 

Comment l’Église se situe-t-elle dans un monde de « communicants » ?

L’Église ne peut être à la traîne pour annoncer le message qu’elle porte. Pilote jusqu’ici en matière d’audiovisuel – nous pensons par exemple aux premiers cinémas des patronages -, elle veut être capable de parler ce langage nouveau, d’annoncer la foi par ces techniques nouvelles. Aussi, devons-nous apprendre à faire résonner la foi par des œuvres audiovisuelles, car ce sont bien des œuvres, ce langage qui marie son et image. J’ai relu l’exhortation apostolique de 1979 du pape Jean-Paul II, Catechesi Tradendae, et notamment le paragraphe 46 sur les voies et moyens donnés pour la catéchèse. Le premier de cette liste est l’audiovisuel, la radio, la télévision, le cinéma. Jean-Paul II, qui était grand un communicant, avait déjà une vive conscience, il y a 30 ans, de l’importance de tous ces « moyens de communication sociale ».
 

Vous avez pu voir et applaudir « Arielle » de Jean-Marc Descamps, qui a reçu le prix Kaleidoscope et le coup de cœur des festivaliers. Selon vous, que nous dit ce film de l’homme et de sa capacité à être acteur et responsable, et surtout, en quoi peut-il nourrir une démarche catéchétique ?

Tout être humain, jusque dans son handicap, est unique, et digne de respect. Sourde, Arielle a d’étonnantes capacités de communication. Chacun a en soi des dons qu’il ne soupçonne pas et qu’il est appelé à développer. Comme Arielle, nous nous trouvons en nous dépassant. Arielle a besoin du regard des autres : sa sœur, sa mère, son professeur de danse. La confrontation avec ses proches lui permet de trouver son chemin. Sa destinée est personnelle : la voir grandir fait notre émerveillement. Ce film rappelle cette conviction que Dieu nous regarde avec sa façon unique : il croit en nous. Si Arielle est croyante, dans ce regard de Dieu sur elle, elle trouvera la confiance. Dieu nous respecte tels que nous sommes. Chaque être humain est rempli de blessures, de handicaps. Dieu nous aime aussi avec ces handicaps.
 

Que retenez-vous de cette première édition du festival ?

Je suis heureux que ce festival ait eu lieu, pour la qualité et le nombre des films sélectionnés et présentés. Je me réjouis aussi du nombre de festivaliers, venus de toute la France. J’attends maintenant de contempler les fruits, notamment la manière dont les œuvres serviront de support pour un usage catéchétique, qui était le but premier de ce festival. Le travail avec les éditions de la CRER (Coopérative Régionale de l’Enseignement Religieux) notamment, va permettre de bâtir cet itinéraire catéchétique, pour le proposer à tout public, probablement aux adolescents mais aussi aux adultes. Puis il faudra mettre en place une formation pour l’usage de ces œuvres. Enfin, si un deuxième festival devait avoir lieu – il a semblé souhaité par les participants, partenaires et organisateurs -, il faudra élargir la base et mettre en commun les compétences et les forces pour l’organiser.

Quel moment de Kaleidoscope vous a marqué ?

Cette phrase, lancée pendant une table ronde, qui m’a interrogé : « Nous sommes de plus en plus connectés, mais sommes-nous de plus en plus frères ? ». Nous pouvons mettre cela à notre programme pour la suite à donner à Kaleidoscope. Cette question doit nous tarauder, nous passionner !