Père Jacques Turck: la dynamique des Assises de la Santé

jacques_turckS’asseoir, réfléchir, prier, témoigner… et repartir… Oui, car des assises ce n’est pas fait pour rester sans bouger… fût-ce devant la grotte de Lourdes !

De fait nous sommes rentrés. Que se passe-t-il depuis ? Je lis les journaux, puisque je ne suis pas proche d’un hôpital. Mais je n’ai pas de mal à rejoindre les détresses qui touchent les amis ou la famille. Elles m’interrogent davantage encore depuis Lourdes….

Ces infirmières inculpées pour une erreur de médicament, ces médecins en procès pour quelques atrocités, ces enfants baladés d’un lieu à un autre pour finalement mourir, ces médicaments miracles annoncés, ces restrictions budgétaires dans les hôpitaux, leur côte d’excellence ou plutôt leur mauvaise réputation… j’imagine la souffrance de ceux qui les font « vivre » avec les moyens du bord….

Et puis, hier, c’était Gérard qui nous quittait en cours de rencontre pour aller enterrer deux bébés morts, à l’hôpital dont il est aumônier. Sans parler ici du prochain débat parlementaire sur la bioéthique ,auquel les religions et en particulier les évêques de France ont apporté leurs repères, sans évoquer non plus la mondialisation des questions de santé et le travail fantastique accompli par des équipes de chercheurs qui collaborent par-dessus les frontières.

Tout cela, vous le savez, vous en êtes les témoins, les acteurs. Quel corps d’Etat, quelle association a autant de volontaires aussi proches que vous tous de toutes ces personnes en fragilité ? Les chrétiens d’hier ont inventé l’hôpital. Ceux d’aujourd’hui inventent à mains nues la gratuité, le soutient fidèle et discret de celles et ceux qui n’en peuvent plus de tenir la main de ceux qui souffrent.

Au cours des assises, des repères ont été forgés par les expériences partagées et le travail de notre assemblée qui, tel un alambic, a distillé l’eau vive qui brûle le cœur de chacun.

Ces repères ne sont pas des certitudes, encore moins des principes qui apporteraient une rigidité supplémentaire. Ce sont des lumières qui appellent votre liberté et votre imagination pour inventer de nouvelles initiatives. Vous n’avez sans doute pas attendu de lire ces lignes pour les mettre en œuvre. L’Esprit Saint, j’en suis sûr, ne vous aura pas laissé en jachère.

Reste que… ce même Esprit Saint attire notre attention sur le vaste champ de la santé et nous appelle à labourer profond. Au-delà de l’accompagnement des détresses, et à cause de lui, nous avons à prendre notre part d’un travail plus systématique de liens entre le quotidien de votre présence apostolique et les questions que j’évoquais dans mon premier paragraphe. Comment s’y prendre ?

Sans doute relever les questions « objectives » qui résultent des phénomènes de société… sans doute, aussi, se fixer un plan de travail en province ecclésiastique pour décider : cette année nous travaillerons sur l’urgence et les urgentistes… nous nous travaillerons sur les soins palliatifs, nous sur les surcharges des horaires pour les soignants, nous sur la création de centre de soins de proximité, nous sur le diagnostique prénatal, nous sur la sécurité sociale, nous sur le lien entre vie spirituelle et la préparation à la mort, nous sur la collaboration avec les frères protestants…. Toutes ces données ne sont pas à laisser à des spécialistes, même si aucune d’entre elles ne peut faire l’économie d’une proximité avec des experts qui les connaissent. Car au bout du compte nous devrions pouvoir écrire des textes qui apportent (là encore) des repères (textes ou attitudes) que les responsables de la mission pourraient faire connaître et faire valoir.

Voilà, me semble-t-il, à quelle dynamique nous sommes appelés. Ne rien perdre de ce qui vous anime déjà avec tant de générosité, ne rien laisser de côté des questions qui surgissent et touchent, et le sens de l’homme, et l’intelligence de notre attachement à Jésus Christ. La petite symbolique des pas tracés sur le sol et sur les calicots de Lourdes nous entraînent, de commencement en commencement, par des commencements qui n’ont jamais de fin. Là commencent les assises.

Père Jacques Turck