Monseigneur Norbert Turini : « Le festival du film et le cinéma sont une fenêtre ouverte sur le monde »

Mgr Norbert TuriniLe 70ème Festival international du Film à Cannes vient d’éteindre ses projecteurs et le Jury œcuménique, juste avant le Jury officiel, a remis son Prix annuel à la japonaise Naomi Kawase pour son beau film « Vers la lumière » sur la force des mots et de l’image. Mgr Norbert Turini était venu le rencontrer et présider des célébrations dans ce contexte.

Quatre questions à Mgr Norbert Turini, évêque de Perpignan-Elne et Président du Conseil pour la communication de la CEF.

Quel est le sens de votre présence cette année au 70ème Festival de Cannes ?

Le sens est double. Il est lié d’une part à ma responsabilité de Président du Conseil pour la communication de la Conférence des évêques de France, car il est normal qu’au nom de cette conférence, je vienne soutenir l’association Signis ainsi que le Jury œcuménique. L’essentiel de ces deux journées a tourné autour de la rencontre avec leurs membres, dont le point culminant a été la célébration à l’église anglicane à Cannes. Il est important de manifester l’intérêt de l’Eglise pour tout ce qui touche au 7ème art.  Le deuxième sens c’est que je suis cannois et que toute mon adolescence et ma jeunesse ont été rythmées par ce festival du film de Cannes et on ne peut pas passer à côté de cet événement qui touche les festivaliers mais également la population locale. Voici donc la raison officielle et celle plus personnelle.

Quel message avez-vous voulu faire passer lors de vos deux interventions lors de la célébration œcuménique et lors de la messe de l’Ascension, juste en face du Palais du Festival à l’église Notre-Dame du Bon-Voyage ?

C’est avant tout que le Festival du film et le cinéma en général, sont une fenêtre ouverte sur le monde, qui à travers ce lieu d’observation extraordinaire, arrive à saisir, toutes les attentes et les besoins de l’humanité, les meilleurs comme les pires. A travers ces réalités mises en images et en dialogue, se révèle parfois cette dimension spirituelle dans certains films, qui leur donne une sensibilité extrême, voire un supplément d’âme. Il est important de soutenir le meilleur de ce que le cinéma peut nous donner et mettre aussi en valeur ce croisement parfois naturel ou provoqué entre l’Ecriture et le cinéma. Et même dans des films qui ne sont pas forcément religieux, on peut y retrouver nos racines chrétiennes. Le Jury œcuménique n’a pas pour but de primer des films chrétiens mais de sélectionner des films à valeur spirituelle qui ouvre à une transcendance. Il accomplit merveilleusement ce travail de discernement depuis plus de quarante ans.

Que retenez-vous des échanges avec les professionnels et les bénévoles que vous avez rencontrés ?

D’abord, ce qui est important, c’est le professionnalisme, également chez ceux qui sont chrétiens, car n’oublions pas que le Festival, derrière ses paillettes, ses strass,  et les projecteurs, est avant tout un marché commercial. Nous leur parlons comme à des professionnels, en leur montrant  de l’intérêt et du respect. Nous mesurons que leur travail au Festival du Film est très rude et épuisant et qu’on ne les voit ni sur les marches, ni sur le tapis rouge. Pourtant sans eux, il n’y a pas de festival. Il nous faut apprendre la langue du cinéma et c’est ce que font les bénévoles qui animent cette présence ecclésiale via le Jury œcuménique et son stand. Je prendrai l’image d’une graine que l’on ne voit pas forcément, mais qui porte en elle une puissance inouïe de vie. On ne vend rien au stand du Jury œcuménique, tenu par des bénévoles cannois de de Signis et d’Interfilm, mais ce qui est produit, c’est de la rencontre, du dialogue, de l’accueil, qui tissent un réseau de relations discret, sans grand tapage médiatique ou discours ronflants, mais reconnu par le Festival comme présence chrétienne dans ce grand village mondial du cinéma.

Dans votre prédication lors de la célébration œcuménique vous avez fait une comparaison surprenante en commentant l’appel de Pierre par Jésus dans l’Évangile de Luc avec le film « Les sept mercenaires » avec Yul Brynner.Il s’agit les deux fois d’appels par un passeur, qui invite à se dépasser soi-même pour passer à un idéal qui va bien au-delà de ce qu’ils étaient en capacité de comprendre et d’accueillir. Il y a aussi la dimension du salut et même du martyr, parce qu’ils découvrent, par le don de soi, que leur vie est plus grande et plus utile parce qu’elle est offerte. Et chez les uns comme chez les autres, grâce à une rencontre qui va changer leur existence, ils vont sortir d’eux-mêmes, d’une vie parfois étroite, pour s’accomplir et se réaliser en plénitude dans une direction qu’ils n’auraient jamais choisie, s’ils n’avaient pas été appelés. Et là encore par ce rapprochement, nous découvrons que le cinéma nous montre ce que le texte de l’Evangile nous dit, mais que l’on ne voit pas.

 

« Nous espérons en un cinéma qui déjà perce le ciel, qui dit le bonheur, de l’homme, sa grandeur, sa destinée ultime, au détour d’une scène, d’une parole, d’un silence. Nous croyons en un 7° art qui consacre la beauté en tant qu’elle reflète quelque chose de l’Esprit Saint qui élève l’homme, contribue à l’accomplissement positif de son existence et de son salut. Un cinéma qui soit pour tous comme une véritable Ascension de l’homme vers Dieu. Il existe et c’est la mission du Jury œcuménique particulièrement de le consacrer. Permettez-moi de lui rendre hommage ainsi qu’à tous les membres de Signis. Merci de nous aider à découvrir, dans ce monde où l’image peuple de plus en plus notre vie, les chemins de grâce qui s’en dégagent et qui peuvent conduire l’homme à la rencontre de Celui qui est Sa vérité et sa Vie. Un jeune confirmand m’a dit un jour : « Monseigneur conduisez-nous au ciel », c’était spontané et direct comme le sont les adolescents. En conclusion c’est ce même message que je souhaite humblement vous adresser à vous acteurs, producteurs, metteurs en scène, professionnels du 7° art : « Montrez-nous le ciel et sa beauté divine».

Extrait de l’Homélie de l’Ascension de Mgr Norbert Turini

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