Europe, le pape François y croit
Le pape François a apporté, vendredi 24 mars 2017, un soutien appuyé au processus européen, sans pour autant éluder les questions sensibles. Les 27 étaient reçus au Vatican, à la veille de l’anniversaire du Traité de Rome, son acte fondateur. Parmi eux, le chef de l’Etat français, François Hollande. A l’heure où l’Europe souffre d’une absence de leadership, la parole du Souverain pontife était attendue. Les dirigeants européens ont été invités à discerner le présent afin de poursuivre, avec une fraîcheur renouvelée, le chemin entamé il y a 60 ans. Compte-rendu par Romilda Ferrauto.
La Ville Eternelle était en « état de siège », par crainte d’incidents. 5.000 hommes avaient été déployés dans le centre-ville, d’autant que plusieurs cortèges étaient organisés, pour et contre l’Union Européenne. Dans les rues de Rome, le lendemain, des milliers de manifestants dénonçaient, avec amertume, l’abandon du rêve européen, plaidant en faveur d’une Europe des peuples et pas des multinationales. Mais pour le Saint-Siège, aucun doute n’est possible : alors que les nombreuses crises actuelles font craindre un éclatement de l’Union, il tient à réaffirmer son affection pour l’Europe à laquelle il se sent indissolublement lié. Le pape François l’a clairement laissé entendre devant les chefs d’Etat et de gouvernement européens, rassemblés dans la somptueuse Salle Royale du Palais apostolique, à la veille des célébrations officielles du 25 mars.
L’Europe n’est pas un ensemble de règles à observer
Lors du cinquantenaire des traités fondateurs, Benoît XVI avait déjà établi un diagnostic sévère, soulignant la perte des valeurs universelles et absolues, dans une Europe désorientée, qui doute de sa propre identité. Dix ans plus tard, le pape François a préféré miser sur l’appel à l’action pour que l’Europe retrouve l’espérance et l’élan de ses origines. Reprenant des idées déjà exposées en 2014 à Strasbourg et en mai dernier lors de la remise du prix Charlemagne, le Saint-Père a pointé du doigt « le décrochage affectif entre les citoyens et les institutions européennes, souvent considérées comme lointaines et peu attentives aux diverses sensibilités qui constituent l’Union ». L’Europe n’est pas un recueil de protocoles et de procédures à suivre…ni un ensemble de droits à défendre ou de prétentions à revendiquer. Elle est une manière de concevoir l’homme à partir de sa dignité transcendante et inaliénable.
A l’époque des murs et des poussées centrifuges , le pape François met en garde aussi bien contre le triomphe des particularismes que contre la grise uniformité, mais aussi contre la tentation de réduire les idéaux fondateurs de l’Union aux nécessités productives, économiques et financières. Il regrette que des dirigeants politiques fassent levier sur les émotions pour gagner le consentement.
Les populismes modernes prospèrent à partir de l’égoïsme et de la peur
Très préoccupé par la crise des migrants qui fuient la guerre et la pauvreté, il secoue une fois encore la mémoire d’une Europe qui semble avoir oublié le drame des murs, des divisions, des familles séparées. D’où un nouvel appel à la solidarité, « l’antidote le plus efficace, a-t-il martelé, contre les populismes modernes ». On ne peut pas se contenter de gérer la grave crise migratoire comme si elle n’était qu’un problème numérique, économique ou de sécurité. La crise migratoire pose un problème plus profond qui est d’abord culturel. « La richesse de l’Europe a toujours été son ouverture spirituelle et au monde. Le bien-être acquis semble lui avoir rogné les ailes », a-t-il lancé avec force.
Enfin, s’inscrivant dans la droite ligne de ses prédécesseurs, le pape François n’a pas manqué de souligner qu’à l’origine de la civilisation européenne se trouvait le christianisme sans lequel les valeurs occidentales de dignité, de liberté et de justice deviennent incompréhensibles. C’est dans la fécondité du lien vital avec les racines chrétiennes que se trouve la possibilité de créer des sociétés authentiquement laïques où tous pourront trouver leur place. De leur côté, le Saint-Siège et l’Eglise, a-t-il assuré, contribueront toujours à l’édification de l’Europe.
Romilda Ferrauto est journaliste accréditée auprès du Saint-Siège