A Assise, 30 ans de prière interreligieuse pour la paix
2016 marque le 30ème anniversaire de la rencontre interreligieuse pour la paix d’Assise (Italie), initiée par Jean-Paul II. Franciscain, l’archevêque de Strasbourg, Mgr Jean-Pierre Grallet, apporte son éclairage sur l’esprit d’Assise, ville d’origine de Saint François.
Pourquoi le Pape a-t-il choisi Assise pour une rencontre entre les religions ?
Jean-Paul II a pensé qu’il serait plus juste de ne pas inviter à Rome, lieu de l’autorité romaine. Il a choisi Assise car, tout en étant un symbole de grands pèlerinages catholiques, c’est d’abord la ville de Saint François (1182-1226), haute figure spirituelle dont l’estime est partagée par beaucoup de croyants dans le monde. C’était une façon d’accueillir chez soi, en un lieu qui touche la majorité des croyants.
Que se vit-il à Assise lors des rencontres interreligieuses ?
On prie et on dialogue. L’invitation d’Assise, pour le pape Jean-Paul II, était de permettre à tous les représentants des religions du monde de prier pour la paix. Précisons qu’on ne prie pas ensemble car on n’a pas les mêmes mots et qu’on ne confesse pas le même Dieu. C’est une chose. Mais qu’en ce même lieu, et pendant des temps communs, chaque croyant prie est évident aussi. Néanmoins le signe est très fort : tous les représentants viennent, dialoguent ensemble, se respectent, font la démarche spirituelle de se tourner vers Dieu, chacun selon sa foi et sa tradition. Tout cela parle énormément ! La photo sur laquelle on voit le pape Jean-Paul II devant la petite chapelle, elle-même couverte par la grande voûte de Notre-Dame des Anges, a fait le tour du monde. Voir des représentants religieux, chacun dans leur tenue, côte à côte, était vraiment un très beau symbole.
Quels fruits les rencontres d’Assise peuvent-elles porter ?
Il est essentiel ne pas en rester aux actes symboliques. Il faut que chaque confession religieuse soit en capacité de dénoncer l’inégalité des personnes et la violence faite à certaines d’entre elles par d’autres. Je crois que tant qu’on ne dénoncera pas la prétention de certains à être supérieurs à d’autres, tant qu’on ne dénoncera pas la violence, il manquera quelque chose. Mais il faut faire le premier pas. Venir à Assise est déjà un acte important.
Il y en a d’autres : éduquer sur un principe juste, qui permette à tout le genre humain de se respecter dans la dignité, porter le souci du Bien commun, du respect sacré de toute personne. Je pense aussi à la liberté de conscience. Ne pas se permettre de juger autrui me paraît essentiel. Nous sommes dans l’élaboration d’un droit qui doit nous être commun sur toute la surface de la Terre. Il y a du chemin ! Mais ce n’est pas seulement aux hommes religieux de le faire. Il revient à toutes les autorités publiques de veiller à ce que l’autre ait le souci du Bien commun – non seulement de mon pays mais aussi des autres pays du monde. Les papes l’ont bien rappelé dans les grandes encycliques sociales – récemment avec Laudato Si’. Tout contribue à la paix. L’idée développée par les papes est que la paix ne peut se développer sans la justice. La justice est le chemin de la paix.
La journée mondiale de prière pour la paix 2017 aura pour thème la non-violence…
Cela me parle énormément. Tant qu’on n’éradiquera pas de son propre cœur les réactions violentes, on est au risque de commettre des actes qui peuvent être irréparables. La non-violence n’est pas de l’angélisme, n’est pas la négation de la complexité du monde. Pour un chrétien, elle s’enracine dans cette parole de Jésus à Pierre : « Remets ton épée au fourreau ». La non-violence suppose aussi des conditions. C’est l’acte qui chasse de mes propres sentiments le premier instinct – instinct de vengeance ou de prédation. Car avec l’instinct de possession, on veut prendre, par la violence. Si quelqu’un se met en travers de notre route, on le tue. C’est le drame de Caïn aux premières pages de la Bible. C’est la question posée à chaque être humain, à chaque génération, par Dieu : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Il ne peut y avoir d’avenir, de co-existence fraternelle dans le monde que si la violence est éradiquée. Cela commence en famille, par l’éducation familiale, puis à l’école et ça continue avec la citoyenneté. Il y a divers échelons. Après, chacun doit, en conscience, réguler sa propre attitude.
Mgr Lebrun à Assise pour témoigner de la rencontre avec les musulmans
« C’est un symbole fort, commente Mgr Grallet. En grec, ce mot signifie « ce qui rassemble ». Le préfixe « sun » veut dire « avec » : c’est ce qui nous relie, nous rassemble. Tout ce qui peut promouvoir le rassemblement des personnes est un acte nécessaire. C’est le symbole de la paix désirée, qui, hélas, est très fragile, contredite de façon cruelle par les guerres. Mais je pense qu’il est essentiel que nous vivions des actes comme celui-là ».