Mgr Rivière : « Mère Teresa continue de déranger »
Reconnaissant envers l’œuvre des Missionnaires de la Charité et sa fondatrice, Mgr Rivière, évêque d’Autun, était à Rome, dimanche 4 septembre 2016, pour la canonisation de Mère Teresa. 100.000 personnes ont participé à la messe, sous un grand ciel bleu, dans la sérénité.
Quels aspects de sa personnalité avez-vous (re) découvert ?
La première image que je retiens d’elle, c’est la figure féminine du Bon Samaritain. Elle ne se penche pas sur des idées mais sur quelqu’un. Albanaise, elle est étrangère en Inde et n’est pas de religion hindoue. Pour ces deux raisons, c’est bien un Samaritain moderne pour l’Inde.
Elle a aussi quelque chose d’universel, comme une sœur universelle.
Enfin s’impose à moi l’image d’une femme qui, volontairement, plonge dans les lieux des plus grands abandons, avec ceux qui sont proches de se noyer, et qui s’accroche à une bouée, pour elle-même et pour ceux qui sont dans la détresse. Cette bouée, c’est la prière. Son chapelet autour des mains n’était pas une image d’Epinal.
Quel est son message au monde aujourd’hui selon vous ?
C’est quelqu’un qui continue de déranger. Sa sainteté dérange par l’appel à aimer –non pas pour faire la leçon aux autres. Par son attitude, elle sort des conforts idéologiques ou même religieux. Je dirais qu’elle est une mère, exigeante et douce, qui rayonne. Mère Teresa EST un message : elle est une Parole qui réveille, qui donne un élan. Au sens biblique du mot, la Parole est un acte. C’était une femme profondément enracinée dans le don d’elle-même à Dieu. Dans notre Occident, nous pensons que quelqu’un est à Dieu ou aux hommes. Or Mère Teresa est complètement à Dieu et aux hommes. Elle est consacrée par excellence car elle ne s’appartient plus elle-même. Mère Teresa dit qu’elle va vers les pauvres dans un élan d’amour – cet amour qu’elle puise en Dieu.
Sa canonisation a eu lieu pendant le Jubilé de la Miséricorde…
Mère Teresa est un exemple concret de Miséricorde en actes. Elle témoigne que la fécondité d’une vie est la charité active. Pour elle, chaque personne compte : elle vous regarde ! Son regard est très présent à la personne. Il ne s’impose pas et pour autant, elle ne peut pas souffrir que quelqu’un soit en dehors du rayonnement de l’amour. Il y a là quelque chose de la Miséricorde. Plus on est au contact de la misère, moins il faut rentrer dans le tragique. Le tragique empêche d’agir alors que l’amour miséricordieux devient action.
« Soyez comme des icônes du Christ dans cette grande ville »
Alors frère de la communauté de Jérusalem, Mgr Benoît Rivière a rencontré la future sainte à Marseille, dans les années 80. Il est touché, à l’époque, par son « grand rayonnement ». « De son visage émanait une lumière intérieure que je ne peux pas oublier. Elle vous prenait les mains comme une grand-mère. Sans les retenir pour elle mais pour vous donner de l’élan » se souvient-il. Aujourd’hui il en est convaincu : « Elle est mère au sens qu’elle est allée vers la vie dans des profondeurs où l’on pensait qu’elle n’existait plus. C’est ça une mère : quelqu’un qui croit envers et contre tout, même là où la mort est proche. C’est aussi une mère des profondeurs, par son expérience spirituelle. Et pourtant, c’est une mère lumineuse, toujours avec le sourire et une volonté de joie. Son sourire exprime la certitude que, même dans l’obscurité la plus totale, Jésus est joie ».