Le diocèse de Chambéry met en pratique Laudato Si’
Pionnier d’une écologie qui n’est pas déconnectée de l’économie, Philippe Vachette, 69 ans, membre de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX), ancien élève de l’agronome écologiste René Dumont, a été choisi par Mgr Ballot, évêque de Chambéry, pour impulser une équipe pouvant aider à des actions respectueuses de l’environnement. Par Chantal Joly
On suppose que vous avez dû être heureux de la parution de l’encyclique du pape François sur l’écologie.
J’ai fait plus que m’en réjouir. La grande avancée de ce texte est de montrer les deux faces d’un même combat, avec la cohérence qui existe entre la lutte contre les dégradations faites à la planète et la lutte contre les inégalités. Cette vision me parle d’autant plus que j’ai toujours conduit ma vie professionnelle sous ces deux influences : la macroéconomie réaliste et l’utopie écologique, à travers notamment mon ancienne entreprise d’insertion en déchetterie, puis bureau d’études ou encore la co-fondation de l’agence Écomobilité. Pour en revenir à Laudato Si’, son paragraphe 194 me plaît particulièrement lorsque le Pape affirme : « Un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne peut pas être considéré comme un progrès ».
Vous attendiez-vous à cette nomination ? Quelle responsabilité précise Mgr Ballot vous a-t-il confiée ?
La surprise n’a pas été totale dans la mesure où, avec mon épouse, nous avions lancé au sein de la communauté de vie chrétienne CVX un atelier « Chrétiens coresponsables de la Création » qui visait déjà à réduire l’empreinte écologique. Je la qualifierais de surprise positive. C’est le prêtre de ma paroisse qui m’a « dénoncé ». Dans ce domaine, notre évêque, que caractérise un solide bon sens paysan, se montre relativement autant visionnaire que missionnaire. La mission qu’il a confié à notre équipe, en mars 2015, est très précise : à la lumière de l’encyclique Laudato Si’ réduire l’empreinte écologique des activités des communautés chrétiennes. Je traduis : diminuer les tonnes de CO2 émises, les matières premières consommées, donc produire moins de déchets.
On a beaucoup commenté, loué, applaudi Laudato Si’. Sentez-vous, dans votre diocèse, une mobilisation des communautés chrétiennes pour la mettre en œuvre ?
Que ce soit dans le compost ou la finance éthique, mieux vaut être un pratiquant qu’un théoricien. Pour Laudato Si’, l’objectif est donc moins d’en parler que d’agir. Or c’est une autre paire de manches car si tout le monde est d’accord pour reconnaître que c’est une formidable encyclique, renoncer au confort de sa voiture pour se rendre, par exemple, à une réunion à 1,5 km en vélo ou en covoiturage ou chercher une alternative à un achat de 70.000 € pour une chaudière en raison de trois messes célébrées en hiver, ce n’est pas encore devenu un réflexe. Mais la Savoie possède dans le domaine de l’environnement plutôt un bon terreau, avec des élus bien formés aux économies d’énergie et à une saine gestion des terres agricoles. Les choses avancent – certes pas assez vite – mais elles avancent.
Comment vous êtes-vous organisé ? Quels sont les projets déjà réalisés ou en cours ?
Nous avons d’abord constitué une équipe de copains, composée à 60 % de retraités et à 40 % d’actifs – 60 % d’hommes pour 40 % de femmes – dans laquelle se trouvent de vrais pointures, comme dans le photovoltaïque ou la rénovation thermique. Le 17 octobre 2015, Mgr Ballot a animé une réunion avec une centaine de délégués de paroisses ou de mouvements. Depuis, notre groupe diocésain baptisé « Laudate Savoie » suit divers projets, tout en répondant à des demandes. Déjà une vingtaine de paroisses se sont dotées de vaisselle non jetable. L’idée que les prêtres insérés dans le péri-urbain se déplacent en scooters électriques fait son chemin. Nous avons surtout la chance d’avoir à la maison diocésaine un économe et un gérant qui ont une vraie envie d’avancer. Ils ont impulsé le compostage des déchets de cuisine et planifié l’isolation des combles, ils sont comptoir de change pour notre monnaie locale (l’élef) et bientôt une partie du parc qui entoure le bâtiment sera reconverti en jardins partagés.
Quels sont les défis que vous vous fixez ?
Animer à terme un réseau permanent de correspondants dans chaque paroisse et mouvement et pouvoir travailler de plus en plus avec les communautés protestantes et évangéliques avec qui nous préparons la fête de St François d’Assise (4 septembre, NDLR). C’est l’un des points qui me motive.
Un référent diocésain à l’écologie intégrale
Le pôle “Écologie et Société” de la Conférence des évêques de France, piloté par Elena Lasida, qui vise à faire connaître et vivre l’encyclique Laudato Si’, a invité chaque diocèse à désigner un référent diocésain à l’écologie intégrale et à créer pour l’aider un poste de service civique, en vue de constituer un réseau national. Par ailleurs, il mobilise en vue du « Mois de la Création », du 1 septembre au 4 octobre 2016. Une fiche avec des pistes diverses sera proposée prochainement aux paroisses et mouvements.