Le catholicisme minoritaire ?
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC 2016, n°9) de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, et président de l’OFC, à propos du livre de Jean Duchesne, « Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à la mode » (Ed. Desclée de Brouwer).
On lira avec intérêt le dernier livre que Jean Duchesne, fidèle et efficace collaborateur de l’OFC, vient de publier aux Editions Desclée de Brouwer : Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à la mode.
[…] L’essai qu’il a publié fait un salutaire procès à un catholicisme qui aurait intégré, en France, son statut de minorité, créatrice ou pas. Certes, se dire minoritaire ou s’estimer tel attire à soi la vigilance des protecteurs des espèces en voie de disparition ; cette attitude conduit également à repérer et à dénoncer les brimades dont cette minorité se dit victime, conduisant à une mortifère comptabilité victimaire : c’est à qui affichera le plus de blessures et de dénigrements.
Bien entendu, la présence du catholicisme, évaluée par exemple en fonction de la participation à la messe dominicale, n’est plus ce qu’elle était – ici encore, on en reste au dénombrement. Pourtant, « en attendant de rebondir (peut-être), le catholicisme ne peut pas se contenter d’être minoritaire, parce qu’il déborde largement du cadre des institutions et des pratiques ecclésiales » p. 91.
Le catholicisme ne se comprend ni ne se vit comme une communauté qui ferait nombre, soit avec d’autres communautés religieuses, voire avec les sociétés dans lesquelles l’Eglise et ses membres sont présents. Se définir ainsi conduit alors à revendiquer le respect dû à une minorité ou bien à espérer retrouver ou trouver un statut majoritaire qui conduirait les sociétés et les Etats à faire leurs des lois religieuses.
Cette attitude s’apparente à une sorte de compréhension de catholicisme par lui-même qui copie l’islam, oubliant ou niant le propre du christianisme.
Le catholicisme pâtit de son obsession d’un islam en progression, il calque ses modes de pensée et applique à lui-même des principes de compréhension qui ne lui sont pas propres, jusqu’à présenter le carême comme « le ramadan des chrétiens ».
Pour Jean Duchesne, « l’obsession de l’islam, [par les pays occidentaux], peut être reconnue comme un signe de myopie : on ne voit que ce qui vient à domicile contester une supériorité présumée universelle. Mais à l’horizon, qui n’est plus si loin à l’heure de la ‘’mondialisation’’, les résistances à la sécularisation occidentale sont bien plus nombreuses et variées, sans être moins déterminées » p. 17.
Il est alors de première urgence que les catholiques trouvent ou retrouvent une connaissance de leur foi qui ne leur soit pas dictée de l’extérieur, soit par les modes de pensée de l’islam, soit, et c’est sans doute encore plus décisif en France, par une laïcité qui, fille de Loi Le Chapelier, voit tout groupe comme un danger potentiel pour la République, au sens où le groupe, la religion en l’occurrence, chercherait d’abord ses intérêts propres avant ceux de l’ensemble de la société. Or, « les catholiques ne constituent pas une minorité. Ils n’ont pas une idéologie qui donne réponse à tout ni une solution toute faite à chaque problème. Si l’on regarde au niveau le plus spéculatif, l’Eglise n’a pas de philosophie spécifique ni unique : elle a reçu la pensée hébraïque bien sûr ; mais elle a aussi emprunté au Grecs (platonisme, aristotélisme, stoïcisme même), et la synthèse thomiste du Moyen Âge n’a pas empêché au XXe siècle l’ouverture à la phénoménologie » p. 80.
« L’adhésion de foi ne se résume pas à l’appartenance à une institution. Ce n’est pas une absorption complète dans un ensemble clos, interdisant d’autres engagements ou les rendant facultatifs. On n’entre pas dans la communauté des croyants pour ne plus en sortir […].
Pour que la qualité catholique ne signifie pas la réclusion volontaire dans une espèce de ghetto, il faut, au moins dans l’image donnée ou dans la perspective du témoignage, qu’elle n’apparaisse pas exclusive d’investissements personnels dans d’autres domaines » p. 86.
Encore une fois, le risque est de se laisser contaminer par des critères qui n’ont rien de bibliques, même s’ils s’y expriment, mais toujours pour être condamnés, rappelons-nous que le grand péché de David fut d’opérer le recensement du peuple.
Les catholiques doivent se défaire de la question du nombre, ils peuvent aussi se garder des critères géographiques, se réjouissant ou se désolant, c’est selon, d’être du centre ou de la périphérie.
Ne nous y trompons pas, lorsque Balthasar appelait à un « retour au centre », c’est du coeur dont il parlait. « Quoi qu’on fasse, on n’est ainsi jamais loin du ‘’coeur du monde’’ où tout se situe. L’intériorité ne marginalise pas plus que l’amour dont le propre est de s’ouvrir et de sortir de soi. Et pour aller vers les ‘’périphéries’’, comme y invite le pape François, il faut, sous peine de s’égarer, rester en contact avec le centre » p. 113.
« Au bout du compte, être majoritaire ou pas n’a d’importance que relative et passagère. Il s’agit bien plutôt de se découvrir non pas minoritaires mais mineurs, en tant qu’enfants du Père des cieux. Et ce n’est pas l’élite d’une petite confrérie cooptée qu’il oeuvre sans cesse à rassembler, mais une fraternité à sa mesure infinie » p. 126.
Mgr Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers