Dans les Foyers de Charité, enseigner les ignorants
Ancien Père du Foyer de Charité de Tressaint, Mgr Hervé Gosselin, nouvel évêque d’Angoulême, explique comment Marthe Robin (1902-1981) a eu à cœur d’enseigner les ignorants et comment les retraites spirituelles concrétisent cette œuvre de Miséricorde spirituelle.
Comment comprendre « enseigner les ignorants » ?
Même en tant qu’évêque aujourd’hui, je suis ignorant des choses de la foi. C’est un mystère tellement grand que nous n’avons jamais fini de le comprendre. Ce n’est ni péjoratif ni méprisant de dire que nous sommes ignorants. C’est quelque part avancer vers la Vérité. Plus je sais, plus je sais que je ne sais pas, donc je cherche. Marthe Robin dit qu’avoir la foi, c’est chercher Dieu. Le manque et l’ignorance sont positifs, parce qu’ils nous mettent en marche. Cela fait de nous des chercheurs de Dieu. Pour moi, c’est cela être véritablement croyant. Dans une retraite, il n’y a pas ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. L’Eglise est en recherche. Mais c’est vrai qu’on constate une réelle ignorance chez des personnes de très bonne volonté, y compris des jeunes, qui ignorent complètement le comportement à avoir dans une église, qui n’ont pas eu la catéchèse de base. Parfois il faut reprendre même avec des adultes des choses qui nous paraissent très élémentaires. Dans le domaine de la vie spirituelle, nous avons besoin d’être enseignés. Cela demande une certaine humilité. Je pense que c’est essentiel que les communautés chrétiennes comprennent que nous avons besoin d’être formés en permanence. Si ma foi ne se nourrit pas, je finis par la trouver obsolète et dépassée. On ne peut pas faire l’économie, à un moment, de réfléchir sur sa foi. Dans les Foyers de charité, je disais souvent aux retraitants : « Vous arrivez avec des questions, j’espère que vous trouverez quelques réponses mais à la fin de la retraite, vous aurez peut-être plus de questions qu’au début. Et c’est plutôt bon signe ! »
Comment les Foyers proposent-ils de vivre cette œuvre de Miséricorde ?
Les Foyers de Charité pourraient s’appeler « Foyers de Miséricorde », dans la mesure où la charité comprend la Miséricorde. Je pense que dans l’intuition de Marte Robin, l’objectif d’une retraite spirituelle dans un Foyer de charité est véritablement de permettre d’être enseigné et conduit, afin que tous ceux qui viennent fassent l’expérience de l’amour de Dieu. Cela passe par l’accueil d’une communauté, par le silence, pour une dimension d’intériorité, par les enseignements. En effet, la part des enseignements pendant les retraites est conséquente car on a besoin de comprendre pour croire. Il est dit dans l’Evangile que Jésus enseignait longuement ses disciples. Je pense qu’en enseignant à partir de la Parole de Dieu, on a besoin d’éléments de réflexion, de méditation. Il y a une Vérité qui se propose aujourd’hui, une vérité de foi, mais il faut qu’elle soit annoncée.
De quels fruits spirituels avez-vous été témoin ?
Des vies un petit peu bouleversées par ce que les retraitants découvraient. Ce qu’on découvre est de nature à remettre quelqu’un debout. Souvent je demandais aux retraitants s’ils avaient trouvé ce qu’ils cherchaient. Parfois ils restaient dans leur axe et trouvaient quelques réponses, parfois le centre d’intérêt avait bougé. Les questions qu’ils se posaient n’étaient plus le problème, devenaient secondaires par rapport à ce qu’ils avaient découvert. Ce déplacement-là est essentiel. On peut bouger dans nos convictions qui parfois nous enferment. Nous sommes faits pour vivre au grand air, comme dit le pape François. Parfois les adultes qui ne font pas l’effort de formation, de temps spirituels, restent sur des acquis et finissent par se raidir sur ce qu’ils croient. Ils ne sont pas capables de rendre compte de leur foi et en même temps, se sentent agressés si on les remet en cause. Ils se privent de beaucoup.
Comment Marthe Robin a-t-elle eu à cœur d’enseigner les ignorants ?
Marthe Robin insistait beaucoup, justement, sur cette dimension de connaissance de la foi. La Miséricorde pour moi, c’est introduire dans le Mystère, par les enseignements comme par la liturgie. Dans les Foyers de charité, on voit l’effet du Seigneur, immédiatement, par Sa Miséricorde. Pour moi, ce n’est pas uniquement parce que Je te pardonne tes péchés mais c’est parce que Je vais te révéler l’amour que J’ai pour toi. Ca change une vie ! Le pardon est capital mais le fond même, c’est l’amour de Dieu. Quand Marthe Robin disait : « Que tous ceux qui me quittent, me quittent consolés quand ils pleurent, relevés quand ils sont accablés, heureux pour des jours par le souvenir d’une parole, d’un regard, d’un sourire », c’est la fonction d’un Foyer de charité, à travers une parole d’encouragement, d’enseignement. Parce que je ne savais pas, maintenant je sais. Et parce que je sais, je crois !
Une retraite spi… pour qui ?
« Une retraite n’est pas un luxe pour catholiques engagés » rappelle Mgr Gosselin. Les Foyers de charité proposent ainsi une « retraite fondamentale » sur 6 jours. « Certaines personnes n’y connaissent rien, témoigne-t-il. Elles font une expérience forte de l’amour de Dieu. Et cela passe par la connaissance. La foi, ce n’est pas uniquement la raison. Il faut que l’intelligence soit traversée par la grâce. Plus on cherche, plus on voit qu’on a des raisons de croire. C’est ça qui est formidable ! »