Les Caritas et les Églises défendent le droit à l’alimentation
Organisée par le Secours Catholique – Caritas France en partenariat avec la Conférence des évêques de France, une rencontre s’est tenue à Paris dans le cadre de la Campagne mondiale pour le droit à l’alimentation intitulée « Une seule famille humaine, de la nourriture pour tous ». Par Chantal Joly
S’il existe « une mondialisation des échanges qui peut broyer les plus faibles » comme l’a souligné d’emblée Mgr Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, Président du Conseil pour la Solidarité, il existe pour la contrer une mondialisation des intelligences et des consciences. Et l’Église universelle y est spécialement engagée au nom d’ « une fraternité sans frontières ».
L’amphithéâtre de la Maison des évêques de France en offrait du reste, mardi 9 septembre, une belle illustration. Près de 150 personnes, dont les représentants de 14 pays d’Afrique (et parmi eux des évêques du Kenya réunis avec le Conseil Permanent de l’épiscopat français), ont réfléchi aux moyens d’informer et d’agir, ici et sur le continent africain, pour « démocratiser » la sécurité alimentaire.
L’expertise des paysans et des populations
Un chiffre résume l’ampleur du fléau : 1 milliard d’humains souffrent de la faim. Mais si ce scandale anti-évangélique n’est pas nouveau, les analyses évoluent. Ainsi la soirée a prôné ce que vivent de plus en plus d’ONG et les Églises : la parole donnée aux premiers concernés ; en l’occurrence les plus vulnérables. « Comme pour tous les problèmes sérieux qui affectent l’humanité, les experts mettent au cœur du débat ce qui ne devrait pas l’être, à savoir les produits alimentaires alors qu’on devrait évoquer les hommes et les femmes », a déclaré Mgr Paul Ouedraogo, Président de la conférence des évêques Burkina-Niger. « Même si ce ne sont pas des ingénieurs agronomes, ils connaissent leurs productions, leurs besoins », a renchéri Alain Robert Moukouri, Secrétaire général de Caritas Congo, précisant qu’il fait partie d’une « génération qui a fait l’expérience d’aller à l’école sans manger ». « Que les populations choisissent ce qu’elles veulent produire et consommer » a plaidé Isidore Ouedraogo, Secrétaire exécutif de Caritas Burkina-OCADES, rappelant que « pour le Sahélien, la nourriture est une bénédiction de Dieu, c’est la valeur la plus précieuse de la famille ». Quant à Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, il déclare via une vidéo enregistrée : « Les organisations paysannes sont marginalisées alors qu’elles devraient peser de par leur expertise sur la prise de décisions ». Les intervenants ont donc insisté sur le rôle majeur des Caritas et des Conférences épiscopales pour servir « d’interface » entre les organisations citoyennes et les gouvernants.
Dignité et contribution au bien commun
Bien d’autres sujets ont été évoqués tels que la financiarisation de l’agriculture, l’exploitation des terres pour les agrocarburants au détriment des cultures locales, l’invasion des produits, outils, engrais et semences d’exportation ou encore les exodes de populations à cause des guerres qui laissent les terres non cultivées.
Plutôt que dans une course à la productivité via l’agriculture industrielle, l’avenir réside donc dans l’agro-écologie, meilleure pour la santé, créatrice d’emplois et réduisant la dépendance vis à vis de l’Occident. « Le modèle de l’agriculture familiale, ce n’est pas par nostalgie ou romantisme vert mais c’est justifié économiquement, politiquement et éthiquement », a commenté le Père Antoine Sondag, Directeur du Service National de la Mission Universelle de l’Église (SNMUE). Il a conclu les échanges sur l’Enseignement social de l’Église et les notions de dignité, de destination universelle des biens et de contribution au bien commun de la société ; ce qui est dit dans l’encyclique Centesimus Annus (1991) sur la condition ouvrière pouvant être aussi une référence pour les « travailleurs de la terre ».