« La légitime fierté des protestants »
Quel souvenir garderez-vous de ce grand rassemblement ?
Mon regard est admiratif à la fois de l’organisation monumentale de ces trois jours, et de la possible rencontre sur une plate-forme très large des protestantismes présents. Cette initiative était à la fois culturelle, catéchétique, biblique, théologique avec une dimension officielle, festive et artistique. La manifestation a été réussie car elle a su jouer sur différents registres du langage : du simplement culturel au spécifiquement protestant, en passant par la bible expliquée, des expressions plus sociales, plus humaines de la foi.
Comment avez-vous vécu personnellement cette rencontre ?
J’ai participé au culte final le dernier jour. J’ai vécu l’apogée de ce rassemblement au milieu des 10 000 personnes présentes. J’ai beaucoup aimé la cohérence de cette cérémonie malgré la diversité des intervenants présents : prédicateurs, pasteurs. Tous étaient réunis et voulaient affirmer au fond la base de leur foi protestante de manière joyeuse et enthousiaste. Le chant et la musique ont joué un rôle important comme les enseignements de qualité qui étaient existentiels et pas simplement intellectuels ou purement bibliques. Les protestantismes présents sont parvenus à exprimer une cohérence. Il y avait chez les protestants une fierté légitime d’avoir réussi à se rencontrer et plus particulièrement dans le cadre spécifique alsacien.
Cette rencontre était aussi l’un des temps forts du 500e anniversaire de la naissance de Calvin. Que peut-on retenir de l’homme ?
Calvin a cherché à exprimer sa foi le mieux possible dans la langue qui était la sienne. Je vois toujours chez lui la conversion personnelle, spirituelle dont on parle souvent, mais aussi la conversion intellectuelle et culturelle qui allait de pair avec sa conversion pastorale profonde.
Calvin a une façon de concevoir la Parole, la doctrine de l’Église des premiers siècles. Il a un certain sens de l’Église. Je pense qu’il a voulu que le message du Salut soit perçu par la culture française qui commençait à naître de telle manière qu’elle soit accessible et dégagée de la main mise d’une autorité ou institution ecclésiale trop forte. En ce sens, il est à la fois proche de beaucoup d’inspirations de la culture contemporaine et loin d’une conception catholique mais pas si éloigné qu’on veut le lui faire dire.
Calvin a enrichi le christianisme par sa réflexion, ses ouvrages, sa manière d’envisager la liturgie. Il a compris qu’une sorte de cœur de la foi chrétienne s’exprime dans une parole et deux sacrements majeurs. Au fond, il a insisté sur l’aspect formation des personnes avec des prédications bien faites comprises par le peuple afin qu’il ait accès culturellement à la foi. Dans cette optique, Calvin a porté son attention à la formation des pasteurs et à la qualité de leurs prédications. Il a ainsi créé des instituts de formation pour les personnes qui voulaient cultiver leur foi.
Quels sont les rapports de l’Église catholique avec les protestants dont la présence est forte et historique en Alsace ?
Le dialogue est fort, riche et régulier et même pour ainsi dire stimulant. Les deux communautés témoignent de la volonté de poser des gestes communs. Ainsi à Bischheim, nous avons une fête de l’épiphanie commune à tous les enfants chrétiens de la ville. Des contacts de travail sont noués pour connaître la vie pastorale des paroisses respectives ou pour exprimer une parole commune à l’occasion de Noël ou face à un événement particulier. Il peut arriver aussi que nous ayons des célébrations en commun mais nous n’allons pas jusqu’à la Cène ou l’Eucharistie. Nous respectons cette règle. Chaque église présente localement sur le terrain reste solidaire de la grande Église dont elle fait partie.