A l’initiative de l’Œuvre d’Orient, une table ronde a réuni plusieurs responsables religieux en Orient et un expert en droit d’asile, le 23 novembre 2009, à Paris. Au cœur de cette rencontre, la sensible question de la place des chrétiens en Irak.
L’Irak ne fait plus aujourd’hui les gros titres de l’actualité internationale. En dépit d’une certaine amélioration, la situation de ce pays n’en reste pas moins préoccupante et encore loin de la normalité. Ce constat concerne aussi la population. La rencontre du 23 novembre organisée à Paris par l’Œuvre d’Orient a pointé la situation actuelle de ces hommes et ces femmes et plus particulièrement des chrétiens. Les échanges font ressortir une véritable confrontation de points de vue entre les différents participants : Mgr Louis Sako,
archevêque de Kirkuk (Irak) (photo), Mgr François Yakan,
vicaire patriarcal chaldéen de Turquie, Otmar Oehring, directeur du département Droits de l’homme à Missio et expert en droit d’asile, et Mgr Philippe Brizard, directeur général de l’Œuvre d’Orient. L’
archevêque de Kirkuk a ainsi témoigné d’un optimisme mesuré mais réel : « des progrès sont visibles concernant la sécurité, la démocratie, les emplois, les salaires. Il reste aujourd’hui entre 350 000 et 400 000 chrétiens entre Bagdad et le nord de l’Irak. Ils mènent une vie normale : travaillent, vont à l’école. Et ce, même si la situation n’est pas stable. » Son ressenti contraste avec le fatalisme de Mgr Yakan : « Nous accueillons beaucoup de réfugiés et je me demande s’il y en a encore en Irak et s’ils y ont encore leur place. » Les différents chiffres énoncés par chacun participent également au trouble concernant la situation.
Créer des conditions dignes
La question du sort des réfugiés reste également au cœur du débat. Le retour en Irak de ces chrétiens ayant trouvé asile en Turquie, en Syrie, et dans les autres pays limitrophes est-il envisageable ? Non si l’on en croit Otmar Oehring : « La situation touche un problème de dignité humaine. On ne peut pas imaginer que ces personnes retournent dans un pays où ils ont tellement souffert ! ». « En 2008, nous avons aidé trente-deux familles à revenir en Irak mais elles n’y sont restées que quelques mois. Il n’y a plus d’avenir là-bas pour celles-ci », remarque pour sa part Mgr Yakan. Un avis que ne partage pas Mgr Sako pour qui la situation s’améliore. En dépit des problèmes qui restent encore nombreux, notamment de sécurité, l’espoir est réel. « Dans mon diocèse cinquante familles sont parties, dix sont revenues. Les chrétiens eux-mêmes doivent concrétiser cet espoir en prenant une place dans la société, estime l’archevêque de Kirkuk. Les chrétiens peuvent revenir mais il faut créer des conditions dignes. » Autre motif d’espoir pour l’archevêque de Kirkuk, les élections législatives de janvier qui vont donner lieu à une campagne électorale. « Tout bouge ! », se réjouit Mgr Sako. Finalement, seule la perspective du synode sur l’Église au Moyen-Orient annoncée par Benoît XVI parvient à faire l’unanimité. On est « heureux d’une telle occasion ». Il s’agit d’une « grande chance pour ces Églises », s’accordent les intervenants.