Mgr Simon : « Les catholiques sont appelés à avoir de la personnalité »

Alors que s’achève son mandat de vice-président de la Conférence des Evêques de France, Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont, revient sur les grands sujets de société.
 

Quelle attitude les chrétiens peuvent-ils adopter sur les questions de société ?

Simon Hippolyte - Clermont

Continuons à être vigilants sur la législation mais on ne peut pas rester tout le temps en train de contester une loi. En ce qui concerne le mariage, la nouvelle législation en France ne change rien pour les catholiques. La loi de séparation de 1905 entre l’Eglise et l’Etat garantit que chaque Eglise, chaque communauté religieuse s’organise selon ses propres lois. C’est donc à l’Eglise catholique qu’il revient de déterminer les conditions liées au sacrement du mariage. J’ai envie de dire à tous les catholiques : « Soyez exemplaires dans votre façon de vivre le mariage ! » Que la manière dont les catholiques le vivent donne envie à tout le monde de découvrir le mystère fondateur de l’alliance entre les époux chrétiens. Il ne faut pas attendre la préparation au sacrement mais en amont, découvrir la portée de l’Evangile pour réussir sa vie dans tous les domaines – spirituel, sacramentel, sexuel, relationnel. Mon souci est que dans la société actuelle, les adolescents ne semblent pas avoir la possibilité d’échanger beaucoup sur ces questions et de se former en référence à l’Evangile. Je le vois avec les groupes de confirmands que je rencontre. Il existe une attente implicite. Il faudrait que dans l’Enseignement catholique, les aumôneries et les mouvements, on prenne très au sérieux cette formation. En France, on traite des problèmes séparément : alcoolisme, drogue, suicide. Pour moi, ces symptômes traduisent un mal-être intérieur. Tout un travail serait nécessaire.

Les adultes ont les mouvements de spiritualité, les groupes de partage. Internet permet de découvrir des textes, des modules. On n’échappera pas à la nécessité d’une formation dans les domaines de la vie affective, personnelle, relationnelle. C’est vrai dans tous les domaines de l’existence. Il serait souhaitable d’avoir des lieux de partage et de formation sur la pensée sociale de l’Eglise. Il y a 40 ans, le marxisme-léninisme avait une force d’intimidation intellectuelle en France : il s’est effondré ! La doctrine sociale de l’Eglise, qui lui a résisté, mériterait d’être davantage prise en considération. Il y a des chantiers de formation tout à fait passionnants, à condition qu’on se donne les moyens et la durée. C’est un effort sur le long terme.
 

Et après « Diaconia 2013 » qui vise à (re)mettre le service du frère au cœur de la vie chrétienne ?

Je suis frappé de voir qu’y compris dans des associations non confessionnelles, je rencontre des gens que je connais : des catholiques engagés dans leur paroisse ou dans un mouvement. Je ne suis pas pessimiste : au vu de la qualité et de la variété des actions portées par des catholiques, soit dans la société civile, soit dans des municipalités – il y a une dimension politique à cela – je n’invite pas forcément à en rajouter mais à prendre le temps de célébrer ces engagements, de façon à faire le lien entre les trois dimensions de la vie chrétienne : enseigner et comprendre (la formation), le service (l’engagement) mais aussi la célébration. La force de Diaconia est d’avoir cherché à réconcilier les trois composantes de la vie chrétienne : les engagements sont le déploiement de la charité qui vient du Christ. Les paroisses pourraient mettre en valeur ce qui est vécu dans les associations confessionnelles (CCFD-Terre Solidaire, Secours Catholique, Société Saint-Vincent-de-Paul…) mais aussi les responsabilités portées dans la vie professionnelle, associative, politique.
 

On va reparler de la recherche sur l’embryon, de la fin de vie, de la famille…

Je crois que les catholiques s’habituent à penser que nous sommes dans une société de plus en plus païenne. Il y règne beaucoup d’idolâtrie : de l’immédiateté, de la consommation, du libéralisme absolu. Il faut prendre du recul par rapport à cela. Il ne s’agit pas de se replier sur un communautarisme qui serait malsain mais d’avoir une colonne vertébrale personnelle pour être capable de faire des choix et d’en rendre compte. Les catholiques n’ont pas à avoir peur. Quand on a des convictions fortes et qu’on sait pourquoi , on peut se faire respecter. Les catholiques sont appelés à avoir de la personnalité. C’est plutôt une bonne nouvelle !
 
« C’est original d’être catholique en France »

« Ce n’est pas la présidence qui travaille, c’est la Conférence ! » précise Mgr Simon, heureux d’avoir contribué à sa vie en tant que vice-président, de 2007 à 2013. S’il reconnaît « une part d’abnégation » à être au service de la Conférence des évêques de France, il souligne le travail de remontée des questions pour qu’elles soient entendues. Un des grands chantiers à poursuivre, selon lui, est celui de la réhabilitation du ministère de prêtre diocésain, auquel il est très attaché. « Il y a des synergies à créer entre les moyens de communication, poursuit-il. Internet est une grande promesse car il existe une affinité entre Internet et la communion catholique, qui est à la fois personnelle et universelle ». Il évoque aussi des progrès à faire quant à la place des femmes dans l’Eglise – une question à poser correctement pour pouvoir y répondre avec justesse. « Aujourd’hui , l’Eglise se retrouve du côté de la liberté de penser. C’est original d’être catholique en France. Ne soyons pas blasés : nous pouvons espérer d’autres surprises » affirme-t-il en pensant au déclin du marxisme-léninisme.

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