Fin de vie : un modèle de société se dessine
A la Maison médicale Jeanne Garnier (Paris 15ème), le 9 mars 2015, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, a rendu hommage aux personnels en soins palliatifs, rappelé l’urgence de les développer en France. Avec le Père Bruno Saintôt, le Dr Jean-François Richard et le Père Brice de Malherbe, il a présenté « Fin de vie, un enjeu de fraternité » (Ed. Salvator), fruit du travail du Groupe de travail sur la fin de vie. L’Eglise catholique veut préserver le pacte social.
Mgr Pierre d’Ornellas : « Il y a urgence à développer les soins palliatifs »
L’archevêque de Rennes, président du Groupe de travail sur la fin de vie (lancé par la conférence épiscopale en octobre 2014), a d’abord regretté que la Loi Leonetti de 2005 ne soit pas appliquée, pour des raisons de budget. Il a aussi mis en garde contre le risque de légiférer suite à des cas particuliers très médiatisés : « Le « cure » ne suffit pas, le « care » mérite une réflexion ». Il a également salué le travail des soignants et des bénévoles en soins palliatifs. « Fraternité », c’est la grande absente de notre devise républicaine, selon lui. Pour Mgr d’Ornellas, « Il ne peut y avoir de suicide assisté en France car nous sommes le pays des droits de l’Homme ».
Dr Jean-François Richard : « L’axe à privilégier est de soulager la souffrance »
A l’heure actuelle, si la douleur est « réfractaire à tout traitement », le Président de la CME a expliqué que la sédation « profonde » est mise en place. Quand le pronostic vital est engagé, se posent les questions du maintien de la vie et de l’acharnement thérapeutique. Or le projet de loi prévoit l’arrêt de l’ensemble des traitements. « Il faut réfléchir à cette simultanéité » préconise-t-il. De plus, lorsque le patient ne peut plus s’exprimer, il plaide en faveur d’une concertation des équipes médicales sur le choix de la sédation. Il insiste alors sur l’importance de la formation des soignants et sur les recommandations de bonnes pratiques, absentes du projet de loi.
Père Bruno Saintôt, SJ : « Un vote pour un modèle de soins et un modèle de société »
Pour le jésuite responsable du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres, le projet de loi invite à réfléchir à la conception de la relation médecin-malade et au rapport du malade à la fragilité et à la mort. « Ce n’est pas une relation client/fournisseur » rappelle-t-il. Pas de médecine sans une « alliance thérapeutique » dans laquelle le médecin, en accompagnateur, s’engage pour le bien de la personne. S’il pense que les directives anticipées « peuvent permettre un dialogue sur la vie et la mort », quand l’existence est fragilisée, « c’est plus dur et cela demande beaucoup de tact de la part des soignants ». Il insiste pour que l’on puisse prévoir la révision des directives car celles-ci dépendent du contexte de soins mais aussi du « regard social ». Celles-ci « ne doivent pas être totalement opposables » car sinon, cela reviendrait à nier le jugement et la responsabilité du médecin.
Père Brice de Malherbe : « Il faut préserver l’équilibre de la loi Leonetti »
Le Directeur du département Ethique et Santé du pôle recherche du Collège des Bernardins a souligné que la loi Leonetti permettait une décision du patient avec le professionnel de santé. Mais « l’essentiel va au-delà de la nouvelle proposition de loi », estime-t-il, puisqu’il est question d’un « meilleur mourir ». En lien avec les demandes de sédation, il est revenu sur la nécessité de respecter la compétence du médecin. Il a mis en garde contre un « document formel » pour les directives anticipées, encouragé le dialogue avec le médecin traitant et la collégialité entre soignants. Evoquant l’alliance thérapeutique, il a redit l’importance du « principe de proportionnalité » entre le bénéfice et le risque thérapeutiques. « La revendication du suicide assisté briserait le pacte social » a-t-il déclaré. Il revient à la société de se donner les moyens de mieux prévenir les situations de détresse qui aboutissent à cette demande.