« La dimension spirituelle des enfants » par Mgr Herbreteau

Mgr Hubert Herbreteau

Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen, membre du Conseil pour la Pastorale des enfants et des jeunes, balaye les grandes étapes du développement de l’enfant pour repérer ses recherches. Analyse extraite du livret « Osons l’Aventure intérieure » de l’Action Catholique des Enfants (ACE).
À chaque étape du développement de l’enfant, correspond une quête, une recherche de sens. Voici quelques repères sur le questionnement des enfants et des adolescents. Pour comprendre la vie spirituelle des enfants et des jeunes, il est bon de commencer par une vue panoramique, mais il est nécessaire aussi de découvrir la vie au quotidien. Il faut alors de la patience pour entrer dans un univers parfois déroutant, et établir une sorte de complicité avec ces enfants et ces jeunes. Être attentif à leur joie de grandir, s’étonner de leur curiosité intellectuelle, prendre au sérieux leur désir d’aimer et d’être aimé, les aider dans leurs angoisses et leur mal de vivre, accompagner leur découverte de Dieu. Tout cela concerne la vie spirituelle.
 

Les 6-8 ans : un besoin de sécurité et une aspiration à l’autonomie

Les 6-8 ans ne sont plus les tout-petits de la maternelle et ils ne sont pas encore les grands de l’école primaire. C’est un âge charnière, qui se traduit par un besoin de protection dans le cocon familial, mais aussi par une attitude d’explorateur. Curieux de tout, très actifs dans les discussions, ils aiment prononcer les « pourquoi ». Paradoxalement, ils sont à la fois conformistes (« ma maîtresse a dit ») et à la fois indépendants dans leurs goûts et leurs jeux.

Leur vie spirituelle est marquée par un besoin de se rassurer auprès d’adultes en qui ils ont confiance. Nombreuses sont leurs interrogations sur ce qui se passe après la mort, sur l’éventualité d’une guerre mondiale ou même sur la mésentente voire le divorce des parents.

L’enfant de 6-8 ans vit dans l’instant. Un mûrissement intérieur se réalise. Ainsi les grandes questions sur la vie, l’amour, le mal, la mort surgissent au quotidien, souvent formulées de la même manière. Un important travail souterrain s’accomplit. Confrontée à ces grandes questions, leur conception de Dieu est magique. Pour eux, il suffit de prier très fort pour être exaucé. Dieu est tou t-puissant et peut donc changer le cours des événements.
 

Les 8-11 ans : la sortie du cercle familial et la découverte des amis

La relation des enfants de cet âge avec les adultes change beaucoup. L’enfant sait qu’il peut faire plier la volonté des parents, avec un peu de ruse et de stratégie. Pour obtenir une permission, il commence par se faire cajoler. Son désir d’expansion le conduit à « quitter les jupes » de sa mère pour retrouver les amis.

Désormais, la petite bande prend beaucoup d’importance. A travers les jeux, l’intérêt pour les feuilletons de la télévision ou pour la bande dessinée, apparaît une conception dualiste de l’univers. Il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants. La règle du jeu doit être respectée. Le méchant mérite une punition sinon c’est une injustice. L’image de Dieu juste et bon est prédominante. C’est aussi parfois un Dieu avec qui l’on marchande. L’enfant promet de faire des efforts à condition qu’en retour, Dieu lui obtienne telle ou telle faveur.

La vie spirituelle se manifeste dans ce désir de grandir et d’élargir le réseau de relations, dans l’éveil au sens moral (importance de la loi, mais aussi transgression des interdits), dans la confiance en l’ami. Celui-ci est parfois trop idéalisé. Ce qui produit un profond désarroi lorsque surviennent les petites trahisons, les conflits, les jalousies.

Au cours de cette période de relative tranquillité, avant les turbulences de l’adolescence, les éducateurs peuvent mettre l’accent sur les activités où tout le corps est concerné (mouvements, chants, repas, sommeil). Le jeu, par exemple, est nécessaire à la détente, mais il est aussi un acte spirituel par lequel se réalise aussi bien un éveil de l’esprit que l’ouverture à d’autres personnes.
 

Les 12-15 ans : les adieux à l’enfance et le doute

Vers 12-15 ans, naissent les premiers grands conflits avec les parents, les premières escarmouches mère/fille sur des détails de la vie quotidienne : la manière de s’habiller ou de se coiffer, le désordre dans la chambre…

L’adulte est souvent désemparé par des adolescents pleins de contradictions, tantôt dans un profond mutisme et tantôt dans le bavardage. De leur côté, les conceptions religieuses évoluent. Certes, vers 12 ans apparaît encore le discours d’évidence au sujet de Dieu (on ne remet pas en cause l’existence de Dieu). Le doute commence cependant à s’insinuer. Au moment de la préparation du sacrement de confirmation, il n’est pas rare d’entendre des jeunes de 13-14 ans exprimer des interrogations : « Est-ce que Jésus m’oublie parfois ? Pourquoi Dieu laisse-t-il le mal se répandre dans le monde ? ».

Au moment où le corps se transforme profondément, où des angoisses conduisent à un état dépressif, des aspects insoupçonnés de la vie spirituelle sont à considérer. Ainsi, l’expérience de la fragilité et de la vulnérabilité permet de découvrir un autre visage de Dieu. Le Dieu tout-puissant de la petite enfance est remplacé par un Dieu proche qui s’intéresse au sort des humains. Dans le même temps, les 12-15 ans savent que la liberté est toujours marquée par des influences et des conditionnements.

Il est difficile de conclure sur la vie spirituelle des 12-15 ans.

La vision panoramique était nécessaire. Resterait à affiner le propos en tenant compte des milieux sociaux, mais aussi de la différence entre les garçons et les filles.

Mgr Hubert Herbreteau
Evêque d’Agen
Membre du Conseil pour la Pastorale des enfants et des jeunes

Source : « Osons l’Aventure intérieure » – Spiritualité de l’Action Catholique des Enfants (2010)

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