10. Un pays en attente, riche de tant de possibles
Il est frappant de constater combien nos concitoyens aspirent, parfois confusément, à autre chose. Beaucoup se désolent de voir notre pays comme enlisé dans un état d’esprit qui ne permet pas de le voir retrouver élan et unité. Le désamour des Français pour la manière avec laquelle s’exerce la politique ne signifie pas pour autant un désintérêt pour les enjeux de la vie en société, mais plutôt l’aspiration à de nouvelles formes d’engagement citoyen[1]. Retrouver la vraie nature du politique et sa nécessité pour une vie ensemble suppose de s’y disposer, de le choisir, de le permettre. Cela ne tombera pas du ciel ou par l’arrivée au pouvoir d’une personnalité providentielle. C’est le travail et la responsabilité de tous. Chacun à sa place constitue un élément du tissu national, et nous devons tous évaluer notre comportement. C’est à un changement d’attitudes et de mode de pensée qu’il faut nous rendre disponibles.
Notre pays est généreux mais il est en attente. Il est par exemple l’un des pays européens où la vie associative est la plus développée. Il a en son sein des capacités et des énergies qui voudraient pouvoir se libérer et se mettre au service de l’intérêt général. Pour cela, il est temps que notre pays se retrouve. Partout fleurissent des initiatives citoyennes, des désirs de parole (qu’il s’agisse des Veilleurs, des Cercles du silence, du phénomène des Nuits debout…). Elles sont parfois maladroites, inexpérimentées, instrumentalisées… mais elles manifestent toutes un désir de vivre et d’être écoutées. Elles sont souvent en rapport avec ce qui se cherche dans notre société autour de nouveaux modes d’existence. Sur le terrain du dialogue des cultures, nombreux sont les groupes et associations nouvelles, comme Coexister, qui travaillent avec énergie pour empêcher des oppositions et blocages culturels, et qui croient que la rencontre est non seulement possible mais féconde pour notre vie en société. Sur un autre plan, nous sentons bien que les enjeux écologiques et environnementaux sont en train de transformer en profondeur nos conceptions de la vie en société, et nous tournent vers des attitudes de simplicité, de sobriété, de partage. C’est bien ce que l’an dernier a voulu dire le Pape François dans sa lettre-encyclique Laudato si’ qui a eu un écho bien au-delà des catholiques[2]. Il fait le lien entre crise sociale, crise écologique et crise spirituelle, appelant à repenser nos modes de vie en société. Ces mutations sont sans doute contraignantes mais sont pour un bien personnel et collectif durable, à condition de les porter et de les envisager ensemble. Là encore, nombreux sont ceux qui cherchent, expérimentent, se lancent dans de nouvelles manières de vivre.
Les nouvelles questions d’aujourd’hui nous obligent à réfléchir et agir. Elles peuvent se révéler une chance pour nous dire quelle société nous voulons. Sur tous ces sujets, il nous faut, à tous les niveaux, que nous reprenions le temps de la parole et de l’écoute pour éviter que le dernier mot ne reste à la violence.
[1] Cf. le sondage Viavoice-La Croix, mai 2016 où 60 % des Français disent s’intéresser à la politique.
[2] Lettre-encyclique du Pape François Laudato Si’ sur la sauvegarde de la maison commune, 24 mai 2015, accessible en ligne sur le Site du Vatican.
Pistes pour échanger
- Quelles initiatives : politiques, associatives, religieuses… locales ou nationales… vous semblent aller dans le bon sens ?
- Pensez-vous que notre pays, notre société vit un profond changement et se trouve à un tournant ?
Table des matières
« Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique »
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France aux habitants de notre pays
- Retrouver le politique
- Une société en tension
- Ambivalences et paradoxes
- Un contrat social à repenser
- Différence culturelle et intégration
- L’éducation face à des identités fragiles et revendiquées
- La question du sens
- Une crise de la parole
- Pour une juste compréhension de la laïcité
- Un pays en attente, riche de tant de possibles