Quand l’urgence climatique nous pousse à plus de justice

POURNY Michel Colloque PXLe 21 mars 2015, les 200 participants au colloque organisé par Pax Christi à l’Institut catholique ont pu mesurer les enjeux de la COP21, cette conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Il y a urgence, mais c’est aussi, pour l’espérance chrétienne,  un « kairos planétaire », un moment favorable pour la créativité en vue de changer nos modèles économiques et nos modes de vie.

Animé par Dominique Lang, avec son dynamisme habituel,  et sous la présidence de Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi France,  ce colloque a bénéficié de la présence de Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims et chargé de suivre les questions d’environnement au sein du Conseil Famille et Société de la Conférence des évêques de France.

Avec beaucoup de clarté, Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et membre du GIEC, a présenté ce que l’on sait sur l’effet de serre et les dérèglements climatiques. Il n’y a aucun doute sur l’origine humaine des évolutions récentes. L’ampleur des changements climatiques provoqués est du même ordre de grandeur que pour les dernières glaciations, mais les variations de températures seront cent fois plus rapides, donc l’adaptation plus difficile. Beaucoup des conséquences prévues (sécheresses, accidents météo, montée du niveau des océans…) vont frapper des populations pauvres qui ont émis peu de gaz à effet de serre. Son interpellation finale sur les droits de l’enfant a touché juste : que sommes-nous en train de détruire pour nos enfants ?

Quel chemin parcouru, depuis cette journée du 6 juin 2009 des cahiers de Saint Lambert rassemblant humanitaires et écologistes chrétiens ! C’était une première expérience de rencontre féconde entre une tradition de fraternité sociale bien ancrée chez les catholiques et le petit nouveau, militant pour la protection de la Création. Autour de l’idée de justice climatique, Sébastien Dechamps du Secours Catholique et Olivier Nouaillas journaliste écologiste, ont montré combien ces deux dimensions complémentaires s’étaient articulées. A l’injustice intergénérationnelle, s’ajoute l’injustice que les plus affectés par les changements climatiques en sont les moins responsables. Alors, tous les courants se coalisent avant la COP21, bien conscients qu’il sera moins cher de financer les efforts préventifs que de réparer les dégâts en actions humanitaires ou techniques. On voit ainsi émerger l’idée qu’une solidarité mondiale devient obligatoire.

Entre le combat désespéré contre une catastrophe prévisible et l’optimisme aveugle dans les solutions technico-économiques, la table ronde a montré que les chrétiens étaient porteurs, avec d’autres, d’une troisième voie. Car la crise actuelle est un temps de créativité sociale ; comme dit Bernd Nilles,   « c’est  la créativité de ceux qui réalisent des alternatives face à l’échec du système économique », rappelant le slogan : « system change, not climate change ! ». « L’enjeu, c’est d’être fidèle au projet créateur de Dieu », rappelle Mgr Marc Stenger, « car il y a une solidarité foncière entre le Cosmos et l’Humanité ». C’est bien l’idée du « kairos planétaire » exprimée par le Conseil Famille et Société de la Conférence des Evêques de France : le moment opportun pour bâtir un monde commun. Et l’expression de Martin Kopp « l’enjeu de Paris, c’est une rampe de lancement pour l’enthousiasme » a marqué l’assemblée.

Après l’exposé documenté de Maureen Jorand, du CCFD, sur la souveraineté alimentaire menacée par la faim à travers les dérives du climat, le théologien Fabien Revol nous a projeté dans le grand avenir : quelle fin pour le monde ? A la lumière de l’Ecriture, la théologie chrétienne nous ouvre une magnifique perspective : « la gloire de Dieu habitera notre terre ». A l’inverse des apocalypses profanes ou du catastrophisme écologique qui nous montre les signes avant-coureurs des cataclysmes, afin qu’ils ne se produisent pas, l’apocalypse chrétienne, nous présente des signes tragiques qui sont le rappel que la Parousie arrivera réellement : la vie de la création sera la vie de Dieu. Mais il nous faut rester vigilants et actifs car, s’appuyant sur St Paul, Fabien Revol exprime le défi : « la création ne sera pas sauvée sans nous ».

C’est donc bien un regard d’espérance et d’enthousiasme que Dominique Greiner, rédacteur en chef au journal « La Croix » et théologien,  proposa à l’assemblée dans sa relecture finale. La communauté mondiale se regarde, confrontée au besoin d’un accord universel qui s’appuiera sur des pratiques sociales nouvelles et qui respectera la création. A nous de mettre notre vie en cohérence avec cet appel de Jésus dans St Marc : «proclamez l’Evangile à toutes les créatures ».

Jean-Hugues Bartet
 Directeur du département environnement et modes de vie