Mgr Defois : « Faire revivre les discours des Journées mondiales de la Paix »
Monseigneur Gérard Defois, archevêque émérite Lille (1) a publié en juin 2020 : « Messages de la Journée Mondiale de la Paix » en quatre tomes : Paul VI (1963-1978), Jean-Paul II (1978-2005), Benoit XVI (2005-2013) et François (2013). Initiée en 1968 par le Pape Paul VI, la Journée mondiale de la Paix est célébrée chaque année le 1er janvier. Cet ancien secrétaire général de la Conférence des évêques de France et président émérite des Commissions Justice et Paix pour l’Europe (2009-2012) a analysé – pendant le confinement – les enjeux des cinquante-deux discours papaux.
ENTRETIEN
Vous venez de publier un ouvrage – en quatre tomes – intitulé : « Messages de la Journée de la Paix ». Des messages annuels publiés en faveur de la paix dans le monde. Quelle est la genèse de ce projet ? Quelles portées ces discours papaux ont-ils eu auprès du public ?
De par mes quarante années d’expérience en tant que Secrétaire général de la Conférence des évêques de France, recteur de l’Université catholique de Lyon, et Président de Justice et Paix, j’ai toujours été sensibilisé aux messages de la « Journée Mondiale de la Paix », diffusés chaque année par le Saint-Siège de 1968 à 2020. Les papes proposaient une analyse des conditions de la paix, du dialogue et de la fraternité. Ces discours ont eu un écho relativement faible. Cette vision de la responsabilité de l’Église dans la vie internationale méritait pourtant d’être soulignée. Mon objectif est aujourd’hui de faire revivre ces textes auprès du grand public.
Comment avez-vous procédé méthodologiquement ?
L’éditeur s’est d’abord rapproché de la librairie éditrice du Vatican qui nous a autorisé la reproduction des textes. J’ai ensuite relu et analysé cinquante-deux discours publiés entre 1968 et 2020. J’ai replacé les discours dans le contexte historique mondial, au niveau politique, économique, et religieux. J’ai mis en lumière l’année précédant la diffusion du message pour que le lecteur puisse comprendre les enjeux du message.
Qui est à l’origine de la Journée mondiale de la Paix ?
Le 1er septembre 1964, Raoul Follereau, fondateur de l’œuvre qui lutte contre la lèpre et la pauvreté écrivait une lettre à Monsieur U Thant, Secrétaire général de l’ONU pour lui demander « que toutes les nations présentes à l’ONU décident que chaque année, à l’occasion d’une Journée Mondiale de la Paix elles prélèveront sur leur budget respectif ce que leur coute un jour d’armement, et le mettront en commun pour lutter contre les famines, les taudis et les grandes endémie qui déciment l’humanité. » Paul VI a relayé cet appel en décembre 1964. La première campagne de la Journée mondiale de la Paix a été instituée le 8 décembre 1967, le jour de l’Immaculée conception. En tant qu’artisan de paix, Paul VI a signé son premier message le 1er janvier 1968. Il invitait les responsables politiques à commencer l’année par la Journée de la Paix. Il s’inscrit ainsi dans le sillage de l’encyclique de saint Jean XXIII « Pacem in terris », paru le 11 avril 1963.
Les discours suivent l’actualité de la politique internationale et la géopolitique des conflits. Quel regard portez-vous sur les discours ? Constatez-vous une évolution ?
Le monde est en perpétuelle évolution. Les circonstances géopolitiques ont été très différentes après la chute du Mur de Berlin en novembre 1989. Nous sommes passés d’une opposition entre les deux blocs de la Guerre Froide (Est-Ouest) aux problématiques de tensions idéologiques et aux menaces terroristes, théâtre de conflits au Moyen-Orient.
Comment les papes ont-ils laissé – chacun à leurs manières – des empreintes dans l’histoire ?
Chaque pape a une sensibilité différente. Parce qu’ils ont un vécu différent. Mais ils ont tous été éprouvés par le terrorisme. Le pape Paul VI a connu les bombardements de Rome en 1943. C’est le premier pape à être allé à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en octobre 1965. Le pape Jean-Paul II s’est positionné contre le communisme dont il a souffert. Il a apporté une voix dans la vie internationale. Le Pape Benoît XVI a vécu son adolescence dans les années 1930 dans le contexte du nazisme, et le pape François a vécu le totalitarisme blanc en Argentine dans les années 1970. Ces sensibilités ont évolué au point de leur permettre de réinventer continuellement la responsabilité de l’Eglise et la charité dans les relations internationales.
Quels points communs ont tous ces discours ?
Les notions de : « bien commun » et de « justice » reviennent à plusieurs reprises. Les papes ont confiance dans les institutions internationales. L’Organisation des Nations Unies (ONU) a permis au Vatican d’être observateur ou même d’être participant. En 1971, l’Etat du Vatican a été appelé à l’initiative du monde soviétique à participer à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), à Helsinki. Cela a permis de mettre au cœur des discussions la notion des Droits de l’Homme, et de soutenir l’action de Vaclav Havel, dissident tchécoslovaque. L’Eglise a apporté une réflexion et s’est engagée dans un contexte difficile où la société est souvent bloquée dans ses conflits.
Références du livre
Messages de la Journée Mondiale de la Paix, quatre tomes, présentés et commentés par Mgr Gérard Defois, Président émérite des Commissions Justice et paix pour l’Europe, Saint-Léger éditions, juin 2020.
(1) Gérard Defois a également été archevêque de Sens-Auxerre et de Reims.