Mauvais genres

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 31 août 2022, n° 26 à propos de mauvais genres

Mauvais genres

Plusieurs connaissent certainement l’émission Mauvais genre de François Angelier diffusée le samedi soir sur France Culture. Il y est question des « genres » que sont le polar, le fantastique, d’autres genres encore plus limites.

La période estivale est l’occasion de donner un peu de temps à ces genres qui rencontrent l’attrait du public, de recommander quelques romans, quelques films qui ressortissent de ces catégories.

A côté de la littérature « blanche », le roman policier occupe une place importante sur les tables des libraires. Il est très divers dans ses propositions, depuis le roman à énigme, type Agatha Christie, jusqu’au « polar » qui privilégie la description sociologique d’un milieu. La « série noire » de Gallimard en est une belle expression.

On peut conseiller trois romans policiers récemment parus en éditions de poche. D’abord deux auteurs qui ne sont plus à présenter, qui manient un réel art de l’intrigue et du suspense. Franck Thilliez avec 1991. Ce roman rapporte la première enquête d’un de ses héros, le policier Sharko. Comme souvent, l’intérêt du roman comme du film policier réside dans la « qualité » du méchant ; Hitchcock a théorisé ceci. Ici, « le » méchant répond à toutes les attentes, il est bien « dérangé ». L’autre roman est de Bernard Minier, La chasse. Ce roman ne néglige pas de porter un regard sur la société française confrontée à ses violences et ses tensions. L’un et l’autre sont publiés chez Pocket. Ces deux auteurs sont bien connus des lecteurs de policiers, ils ne les décevront pas. On pourra aussi découvrir un nouvel auteur, avec un livre plus original, La république des faibles de Gwenaël Bulteau (Editions 10/18). Le livre se situe dans le Lyon populaire de la Croix-Rousse au tournant du XXe siècle, en pleine affaire Dreyfus, alors que l’antisémitisme s’exprime sans complexe.

En matière de genre policier, le cinéma n’est pas en reste. Le mois de juillet voit les écrans accueillir quelques films intéressants. On citera d’abord La nuit du 12 de Dominik Moll. Ce dernier est à l’aise dans ce genre, depuis son premier succès public Harry un ami qui vous veut du bien. Je citerais aussi le film qui précède celui qui sort actuellement : Seules les bêtes. Un excellent suspense qui noue peu à peu des éléments dont on ne sait pas d’abord ce qu’ils ont en commun. La nuit du 12 suit un groupe d’enquêteurs qui recherche l’auteur d’un féminicide. Ici, pas d’énigme, mais des portraits de policiers, de suspects, et, en creux, de la victime dont la vie se déploie peu à peu. Excellent film.

On pourra aussi découvrir un film réalisé par un iranien en exil Ali Abbasi, Les nuits de Mashhad ; tout comme Decision to leave du coréen Park Chan-wook, film qui a obtenu le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes ; enfin, un film espagnol, As bestas, de Rodrigo Sorogoyen. Trois films qui font voyager dans des univers et des pays plus ou moins proches. Avec le film de Dominik Moll ils appartiennent à ce vaste genre du film policier, mais ils en montrent la grande diversité de facettes. On peut s’interroger quant à l’intérêt du grand public, dont votre serviteur, pour le genre policier. Même si la qualité d’un livre comme d’un film de réside pas dans son genre – combien de séries policières indigentes pour tout de même quelques perles – mais dans la manière dont ceci est écrit et traité. Le genre policier soutien l’intérêt des lecteurs et des spectateurs. Il met en quête, pas tant d’une solution – là c’est le roman à énigme – mais de la vérité des protagonistes comme des milieux qu’il dépeint. Il peut ainsi aiguiser les capacités de recherche, d’écoute, de discernement.

La littérature comme le cinéma sont grands lorsqu’ils prennent ceux à qui ils s’adressent pour des personnes en capacité d’avancer par elles-mêmes, autrement dit quand ils savent davantage suggérer que dire voire souligner. Comme un pèlerinage, devant un livre ou un écran, ce qui compte c’est le chemin plus le terme. Certes, celui-ci ne doit pas décevoir, mais, lorsqu’il est puissant, il ouvre plus de questions qu’il ne donne de réponses.

S’il fallait suggérer « le » grand film qui illustre ceci de la meilleure manière, ce serait Mulholland drive de David Lynch. DVD, Blu-Ray et plateformes permettent de le voir ou de le revoir.

+ Pascal Wintzer Archevêque de Poitiers

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