Quelques films qui font du bien

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 15 novembre 2023, n°42 à propos de quelques films qui font du bien.

Quelques films qui font du bien

En cette période où l’espérance en l’humanité relève d’un vrai combat spirituel, il est bienfaisant de recevoir le témoignage de grands cinéastes qui expriment qu’un espoir est encore possible.

Pour l’un et l’autre des réalisateurs dont il va être question, cet espoir réside dans les « gens de peu », les déclassés, les relégués.

Le dernier festival de Cannes avait sélectionné les derniers films d’auteurs qui sont des « classiques », au bon sens de ce terme, des artistes qui n’ont rien à prouver mais qui déclinent les projets qu’ils portent tant pour leur art que pour la société.

Aki Kaurismäki a sorti sur les écrans français Les feuilles mortes. On retrouve sa patte : les couleurs passées, l’alcool qui coule largement, des zones urbaines abandonnées, une musique d’un rock suranné, et surtout des personnages qui ne brilleraient guère aux yeux de ces influenceurs qui pensent orienter le cours de l’histoire. Cependant, à la différence de la plupart de ses films dont on peine à situer l’époque (on penserait spontanément aux années 1950), le cinéaste finlandais indique que son film se déroule dans notre présent ; plusieurs fois son héroïne écoute la radio, et il y est question de l’agression russe contre l’Ukraine.

Pourtant, en dehors de cette notation explicite, nous pourrions nous croire encore dans des temps d’avant-hier. N’y a-t-il pas là comme un choix délibéré ? Celui d’être cet antimoderne qui, pas la simplicité d’une histoire, un décor qui se démarque des standards contemporains, choisit une position de retrait voire refus du modèle social présenté comme désirable ? On ne peut pas pactiser avec une société de l’image, du paraître, du classement, de la compétition… s’y inscrire, même en la dénonçant, c’est se perdre. Ne reste-t-il alors que le chemin par lequel on choisit de vivre ailleurs, en dehors ? C’est, me semble-t-il, le choix de Kaurismäki, celui qu’il poursuit à travers chacun de ses films, et sans doute aussi le style de vie qu’il a choisi.

Quant à l’histoire que narre Les feuilles mortes, il s’agit cette fois-ci d’une histoire d’amour, simple, modeste, belle surtout.

Avec The old oak, Ken Loach (87 ans), nous offre sans doute son dernier film, en tout cas c’est ce qu’il laisse entendre.

Loach est ancré dans la réalité contemporaine, il ne se résigne pas aux injustices criantes qu’elle génère et entretient. Comme son confrère finlandais, il choisit les lieux oubliés, délaissés, ici une petite ville du Nord de l’Angleterre, loin des lieux de pouvoir qui décident mais se gardent bien d’assumer ou de supporter les conséquences de ces décisions. Nous sommes en 2016 et la ville accueille des réfugiés syriens – Chelsea et Westminster se gardent bien de faire de même sera-t-il dit –. Des pauvres viennent vivre au milieu d’autres pauvres, ces villes minières qui ont combattu, sans succès, la politique Thatchérienne.

Ken Loach, et son habituel scénariste Paul Laverty sont des combattants : ils dénoncent directement, sans chercher la nuance, des politiques perverses qui conduisent des pauvres à s’opposer à d’autres pauvres et à voir en eux la cause de leur malheur, ils sont ainsi dispensés d’adresser quelque reproche que ce soit aux vrais responsables et décideurs.

Loach a l’art de proposer de beaux portraits, de caractériser ses personnages, s’appuyant sur l’excellence de maints acteurs britanniques. Ici, TJ, son héros, est un homme dont le cœur et la vie sont à l’image du pub qu’il tient et qui est le centre de l’action : tout est défraichi, plus aucun entretien n’est fait, il n’y a qu’à attendre que tout s’effondre ou disparaisse. L’arrivée de réfugiés syriens, dont une jeune-femme, volontaire, dynamique, photographe, lui redonner l’énergie vitale, retrouvant celle qui avait animé les mineurs pendant les grandes grèves des années 1980, et dont les photos ornent les murs de l’arrière-salle du pub, inutilisée depuis vingt ans, et qui va revivre comme lieu de fraternité, de solidarité, entre ces populations délaissées qui comprennent que c’est en s’unissant qu’elles résistent au système plutôt qu’en cultivant une méfiance réciproque, voire la détestation. Tous n’entreront pas dans ce projet, mais la fin du film porte un espoir de fraternité pas toujours présent dans les films de Ken Loach.

Voici deux films qui font du bien, qui émeuvent par la vérité de leurs protagonistes, qui veulent nous aider à penser que ce ne sont pas toujours les cyniques qui l’emportent. On aimera retrouver dans l’un et l’autre de ces films le rôle central joué par un chien, ils offrent un beau soutien à leurs maîtres.

« Les derniers mots de Jésus ce n’est pas d’aimer Dieu, c’est d’aimer l’homme. Car il ne s’agit plus maintenant de s’évader de la terre, de feindre et d’imaginer un ciel derrière les nuages ; il s’agit de réaliser en nous et de découvrir dans les autres un infini qui est inconnaissable s’il ne se réalise pas en nous. […]

Ce que l’expérience nous apprend, c’est que la foi la plus difficile, c’est la foi en l’homme. Il faut pour cela une espèce d’héroïsme. Beaucoup sans doute s’imaginent qu’ils ont foi en Dieu parce qu’ils cherchent une dispense de croire en l’homme » Maurice Zundel, Un autre regard sur l’homme. Editions du Jubilé, 2005, p. 197.

Pascal Wintzer, OFC

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