La voie royale, film de Frédéric Mermoud

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 30 août 2023, n°30 à propos de La voie royale, film de Frédéric Mermoud

La voie royale est un film honorable. Il suit le parcours d’une lycéenne qui accède aux classes préparatoires en sciences de l’ingénieur au Lycée René Descartes de Lyon (oui, ce n’est pas Le Parc !). Plusieurs des lecteurs de cette fiche connaissent les classes prépa, ou bien en ont été les élèves, les aumôniers, ou encore, pour l’équipe de l’OFC, y enseignent.

Le film donne une image juste de ces classes et de leurs particularités. Arrivée parce que très bonne élève en mathématiques de son lycée, et encouragée par son professeur, le personnage principal de La voie royale Sophie Vasseur, déchante, comme il se doit. Elle va devoir surmonter le découragement pour se dire qu’elle est capable d’aller au bout de ce qu’elle a entrepris.

Ce film n’est pas le seul montrant cette réalité des études de haut niveau. On peut mentionner La crème de la crème, dans une école de commerce (film plus faible), ou encore Première année de Thomas Lilti pour médecine (bon film).

Nous suivons le parcours de Sophie Vasseur qui sort d’un lycée d’une petite ville rurale et dont les parents et le frère aîné, sont éleveurs. Comme lui fera remarquer, en toute bonne conscience, la mère d’un ami de cours, c’est bien qu’il y ait de la « diversité », même en prépa ! Le film parle de la classe prépa, mais aussi de déterminisme social, et encore des difficultés du monde agricole dont le système fait dépendre les paysans des subventions et non du produit de leur travail.

Sophie se trouve projetée dans un autre monde ; elle profite d’une amitié privilégiée d’une élève bien plus brillante, Diane. Les professeurs sont montrés avec justesse, exigeants, très exigeants, cassant les illusions du bon élève de terminale, et ne proposant qu’un seul chemin, un seul moyen : le travail.

Cependant, ce qui fait la différence, pour les élèves, ce n’est pas le bachotage mais la capacité à créer, inventer, à sortir des cadres tout en les respectant. Souvent, les élèves qui s’y déploient sont ceux qui savent aussi consacrer du temps à autre chose qu’aux cours, aux colles et au travail ; par exemple, ceux qui fréquentaient l’aumônerie (il n’en est pas du tout question dans le film ; la question religieuse semble totalement étrangère aux jeunes et à tous ceux qui les entourent) ; ici, c’est une activité théâtrale qui pour Diane, jusqu’à – mauvais exemple – la détourner de la prépa (mais il y a aussi une histoire amoureuse en jeu… « prépa maquée, prépa manquée ! »).

La détente principale des étudiants, c’est de fumer un joint. Combien, je le constate de plus en plus, dans les productions culturelles contemporaines, l’usage de la drogue est devenu chose courante et ordinaire. Quel que soit le milieu social, qui n’a pas sa petite réserve de shit à portée de main et y trouve ordinairement son bien-être. Voici un sujet qui demanderait à être plus réfléchi. Cependant, les bonnes vieilles méthodes demeurent : le recours à des médicaments dopant accompagne des élèves (je me souviens que des élèves me parlaient d’un enseignant qui en fournissait même une liste !).

Sophie Vasseur, marque sa différence ; celle-ci est sociale, on l’a écrit, mais surtout elle s’exprime dans ce qui la motive. Elle n’a pas choisi « la voie royale », c’est son professeur qui l’y a conduite. Alors qu’elle est interrogée sur ce qu’elle souhaite tenter au terme de la prépa, elle ne sait pas ; alors, autant s’ouvrir toutes les portes, ce sera X.

Il y a bien entendu une part d’irréalisme idéaliste dans le film, elle sera admise à Polytechnique, mais après avoir quitté la prépa au terme de la 1ère année et choisi la fac – une candidature externe – et le soutien, pour le travail, d’un de ses amis (celui dont la mère…). Idéalisme encore : plutôt que le pouvoir et l’argent, ce qui motive une élève lors d’un grand oral, Sophie entend « prendre sa part au changement du monde », et s’en donner le plus de compétences et de capacités possibles.

La voie royale n’est sans doute pas un chef d’œuvre, il est filmé assez plan-plan, sans grande recherche de mise en scène, cependant, il présente un milieu que l’on connaît ou pas, il interroge aussi sur la place qu’une jeune peut chercher à se donner.

Enfin, je dois souligner la belle justesse de tous les acteurs, des jeunes en particulier, citons Suzanne Jouannet qui joue Sophie, et Marie Colomb, Diane, mais aussi les adultes, les parents, Maryline Canto et Antoine Chappey (on les sait de très bons acteurs), et enfin une enseignante de physique, Maud Wyler. A quelques jours de la rentrée, La voie royale nous plonge dans le bain !

+ Pascal Wintzer

Archevêque de Poitiers

 

N.B. Décidément, cet été aura vu la sortie d’excellents films et d’autres assez bons. On peut ainsi recommander Les algues vertes de Pierre Jolivet. Sous le mode d’une enquête journalistique rapportée avec rythme et soutenant l’attention, ce film-dossier, au bon sens de ce terme, dénonce avec conviction le modèle d’agriculture industrielle mis en place après 1945 avec le Plan Marshall (tracteurs, engrais, pesticides, remembrement) et ses conséquences sur la nature et les populations (ici, il s’agit des algues vertes qui proliférèrent dans les Côtes d’Armor).

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