Brother d’Arnaud Fournier Montgieux

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 10 novembre 2021 à propos du Film : « Brother » d’Arnaud Fournier Montgieux.

Voici un film trop court pour nos habitudes (moins d’1h20), au genre mal défini (documentaire ? récit ?), aux  petits moyens. La trame se résume à rien : une caméra, un quartier, une chronologie minimale (quelques  souvenirs, quelques offices religieux, deux allusions à l’incendie de Notre-Dame). Il ne prétend ni nous faire  la leçon ni même nous apprendre quoi que ce soit. Courez-y.

Face caméra, des membres de la communauté des Franciscains du Bronx, au premier rang desquels le jeune  François, Parisien catapulté par la providence dans la banlieue de Newark, cherchent à dire ce qu’ils vivent.  Cela tombe bien : ils ne sont pas bavards, les mots sont hésitants, moins importants que les regards ; les  phrases apparemment quelconques, souvent suspendues, témoignent d’une écoute plus profonde,  ponctuées d’expressions inoubliables.

On pourrait parler de transparence, mais il n’y a rien à cacher, même si des faiblesses parfois affleurent ou  se devinent. Il s’agit plutôt d’éprouver ce qui est montré, au double sens de ressentir et de vérifier. En  renonçant à tout, ces hommes ne quittent pas le monde ; en choisissant l’essentiel, ils le trouvent dans les  situations les plus banales. Les visages que nous contemplons de face ne nous scrutent pas, mais nous font  accéder à un regard intérieur.

Aussi déconcertés que le spectateur, les frères et ceux qui les entourent (ou qu’ils entourent, mais la  différence est ténue), dépouillés de toute prétention, émerveillés de la vie si précaire qui leur est donnée,  nous font humblement entrer dans l’action de grâces. La misère la plus noire, les destins les plus cassés non  seulement n’entament pas l’espérance, mais la font surgir.

Non qu’il y ait une solution aux problèmes innombrables qui les assaillent, non qu’ils prétendent « améliorer  les choses », mais ils veulent les vivre unis, autour du Christ. La communauté fidèle aux chants du bréviaire  devient un havre pour ceux que la société ignore. À travers ces vies qui se disent, la vie se donne à entendre.  Le centralien, le musicien, le tueur, le drogué, le clochard deviennent des personnes. Pascal, Thomas,  Raphaël, Betsy, Roberto, Ryan, Richard, Kevin, Cheryl et les autres. Se découvrant frères, ils puisent à cette  fraternité qui les dépasse en leur donnant d’être eux-mêmes.

Un film précieux, notamment par les temps qui courent. Ces visages mis à nu, ces destinées totalement  exposées et accédant ainsi à une communion réelle démasquent très littéralement nos prétentions et nos  hypocrisies. Cette pauvreté-là ne renonce pas à la beauté artistique (de la peinture, de la musique), ne fait  pas l’impasse sur les sens, ne divise pas les contemporains en catégories. Tout en témoignant, de par la date  de son tournage, du monde d’avant la grande peur actuelle, le film atteste que le meilleur moyen de vivre  l’angoisse est de la traverser de l’intérieur. À la fin, sans savoir de quoi l’avenir sera fait, tout se révèle nourri  de la liturgie de Pâques, depuis le rap et la guitare jusqu’aux cerisiers en fleurs. Avec la poésie du grand écran,  qui va au-delà de toute fiction.

Si vous voyez ce film, vous ne deviendrez (peut-être) pas franciscain, vous n’irez sans doute pas en Amérique,  mais vous aurez envie de vivre. Malgré tout, à cause de tout. La vraie joie est humble, comme le Ressuscité.

Denis Dupont-Fauville

 

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