Le magazine Ultreïa : À la rencontre de la diversité culturelle et religieuse
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du 27 mars 2018 sur « Ultreïa ».
Ultreïa ! est un élégant magazine atypique, tant par son rythme de parution trimestriel, que par son objet : la spiritualité dans toutes les religions, plus une ouverture sur la philosophie et l’ethnologie. Avec une présentation soignée, un papier de qualité, de nombreuses illustrations et photos, la reproduction d’enluminures et dessins, chaque livraison se présente comme un bel objet que l’œil a plaisir à parcourir.
Le titre, qui rappelle le mot des pèlerins du chemin de saint Jacques, est déjà tout un programme : aller plus haut et plus loin, jusqu’au bout du chemin. La ligne éditoriale, supervisée par Bernard Chevilliat, se veut respectueuse de chaque religion. Les différences ne sont pas gommées, elles sont présentées lucidement, sans a priori. Les contributeurs sont des auteurs connus, des spécialistes dans leur domaine respectif, qui ont à cœur de partager leur savoir. Les textes sont abordables pour le néophytes, mais néanmoins très bien documentés, et les articles sont généralement suivis de quelques références bibliographiques. La première livraison de 2018 offre un intérêt tout particulier car elle contient un dossier consacré aux ermites, qui aborde le désert et le choix de solitude. « Pourquoi se retirer du monde ? », interroge le titre en couverture.
Plusieurs auteurs étaient invités à présenter l’une ou l’autre tradition, et sans surprise le christianisme se taille la part du lion. Christian Bobin, grand prix catholique de littérature en 1993, ouvre le dossier avec quatre « lettres de la forêt » inédites :« Une fleur m’a parlé du soleil vers lequel elle tournait le visage : regarde-le, celui-là. Ne le perds pas même en dormant. Fais comme moi : pas une seconde sans l’adorer » (Lettre I). Le ton est donné. Suit une étude de Christiane Jordis sur Chusa, un sage confucéen du XIXe siècle, lu en contrepoint avec la poésie de François Cheng. Jean Moncelon propose ensuite un bref portrait de Marie-Madeleine Davy, célèbre pour ses recherches sur la mystique rhénane. Puis un article sur l’expérience de la marche dans le désert signé par la voyageuse Blanche de Richemont, très pénétrée de l’exemple de Ma
Ananda Moyi, la fameuse mystique hindoue bien connue des carmélites. Jacques Keryell, grand spécialiste du monde arabe, propose ensuite un article sur la mystique chrétienne au désert. Il y partage son expérience personnelle, où la solitude humaine ouvre l’âme au divin :« Lors de longs séjours au désert on découvre ou redécouvre la banale et parfaite réalité de notre néant devant ces immensités horizontales et verticales ; mais on peut aussi y percevoir plus profondément quelle est notre dépendance vis-à-vis d’un Être dont nous savons – par Jésus – qu’il est notre père. »
Gabriel Arnou-Laujeac propose ensuite une réflexion sur la figure du renonçant dans la tradition hindoue.Puis Michel Jourdan, connu pour ses différents ouvrages sur la solitude, aborde la figure de l’ermite hésychaste dans laquelle se retrouvent aussi bien les moines orthodoxes éthiopiens que divers auteurs contemporains comme Jean Onimus. Ismaël Diadé Haïdara relit la vie de Théodore Monod à travers son expérience du désert et de la « bienheureuse frugalité ». Enfin Frère Gilles Baudry, le moine poète qui areçu de nombreux prix pour son œuvre, partage ses réflexions personnelles sur « l’offrande monacale ». Une très belle série de photos du Sahara vient compléter cet ensemble qui est à la fois une invitation à la recherche intérieure, et une rencontre avec la diversité culturelle et religieuse.
Les 210 pages du magazine, exemptes de publicité, contiennent encore plusieurs perles, parmi lesquelles une brève vie de Catherine de Sienne signée par Christiane Rancé, et illustrée par des photos des lieux. À
noter aussi un calendrier 2018 des grandes fêtes chrétiennes qui a le mérite de préciser les dates des catholiques et des orthodoxes.
À plus d’un titre, la revue Ultreïa ! offre un panorama ouvert et intelligent sur la diversité culturelle et religieuse. Suivant le mot de Florence Quentin qui signe l’éditorial, elle invite « l’habitant du désert à se tenir dans un état d’écoute ».