Instruction « Donum Vitae »
Donum Vitae est l’instruction romaine de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur « Le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation ». Elle donne l’avis de l’Église sur les méthodes de procréation artificielle. Elle a été écrite par le cardinal Joseph Ratzinger et son secrétaire Alberto Bovone et approuvée par le Pape Jean-Paul II le . C’est un document fondamental pour l’éthique de l’Église catholique romaine de l’assistance médicale à la procréation.
Préliminaires
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a été interrogée par des Conférences épiscopales, des évêques, des théologiens, des médecins et hommes de science, sur la conformité avec les principes de la morale catholique des techniques biomédicales permettant d’intervenir dans la phase initiale de la vie de l’être humain et dans les processus mêmes de la procréation. La présente Instruction, fruit d’une vaste consultation, et en particulier d’une attentive évaluation des déclarations de divers épiscopats, n’entend pas rappeler tout l’enseignement de l’Église sur la dignité de la vie humaine naissante et de la procréation, mais offrir — à la lumière des précédents enseignements du Magistère — des réponses spécifiques aux principales questions soulevées à ce propos.
L’exposition est ordonnée de la manière suivante : une introduction rappellera les principes fondamentaux, de caractère anthropologique et moral, nécessaires pour une évaluation adéquate des problèmes et pour l’élaboration des réponses a ces demandes, la première partie aura pour objet le respect de l’être humain à partir du premier moment de son existence la seconde partie affrontera les questions morales posées par les interventions de la technique sur la procréation humaine, dans la troisième partie seront présentées quelques orientations sur les rapports entre loi morale et loi civile à propos du respect dû aux embryons et fœtus humains * en relation avec la légitimité des techniques de procréation artificielle.
***
Les termes de « zygote », « pré-embryon », « embryon» et« fœtus » peuvent indiquer, dans le vocabulaire de la biologie des stades successifs du développement d’un être humain. La présente Instruction use librement de ces termes, en leur attribuant une identique importance éthique, pour désigner le fruit — visible ou non — de la génération humaine depuis le premier moment de son existence jusqu’à sa naissance. La raison de cette utilisation ressort du texte même (cf. I, 1).
Introduction
1. La recherche biomédicale et l’enseignement de l’Eglise
Le don de la vie que Dieu, Créateur et Père, a confié à l’homme, impose à celui-ci de prendre conscience de sa valeur inestimable et d’en assumer la responsabilité. Ce principe fondamental doit être placé au centre de la réflexion, pour éclairer et résoudre les problèmes moraux soulevés par les interventions artificielles sur la vie naissante et sur les processus de la procréation.
Grâce au progrès des sciences biologiques et médicales, l’homme peut disposer de ressources thérapeutiques toujours plus efficaces, mais il peut aussi acquérir des pouvoirs nouveaux, aux conséquences imprévisibles, sur la vie humaine dans son commencement même et à ses premiers stades. Divers procédés permettent maintenant d’agir non seulement pour assister, mais aussi pour dominer les processus de la procréation. Ces techniques peuvent permettre à l’homme de « prendre en main son propre destin », mais elles l’exposent aussi «à la tentation d’outrepasser les limites d’une raisonnable domination de la nature»1. Si elles peuvent constituer un progrès au service de l’homme, elles comportent aussi des risques graves. Aussi beaucoup lancent-ils un urgent appel pour que soient sauvegardés, dans les interventions sur la procréation, les valeurs et les droits de la personne humaine. Les demandes d’éclaircissements et d’orientations ne proviennent pas seulement des fidèles, mais aussi de ceux qui, de toute façon, reconnaissent à l’Église, « experte en humanité »2, une mission au service de la « civilisation de l’amour »3 et de la vie.
Le Magistère de l’Eglise n’intervient pas au nom d’une compétence particulière dans le domaine des sciences expérimentales ; mais, après avoir pris connaissance des données de la recherche et de la technique, il entend proposer, en vertu de sa mission évangélique et de son devoir apostolique, la doctrine morale qui correspond à la dignité de la personne et à sa vocation intégrale, en exposant les critères de jugement moral sur les applications de la recherche scientifique et de la technique, en particulier pour tout ce qui concerne la vie humaine et ses commencements. Ces critères sont le respect, la défense et la promotion de l’homme, son « droit primaire et fondamental » à la vie4, sa dignité de personne dotée d’une âme spirituelle, de responsabilité morale5, et appelée à la communion bienheureuse avec Dieu. L’intervention de l’Eglise, même en ce domaine, s’inspire de l’amour qu’elle doit à l’homme, en l’aidant à reconnaître et à respecter ses droits et ses devoirs. Cet amour s’alimente aux sources de la charité du Christ : en contemplant le mystère du Verbe Incarné, l’Eglise connaît aussi le «mystère de l’homme »6 en annonçant l’Évangile du salut, elle révèle à l’homme sa dignité et l’invite à découvrir pleinement sa vérité. L’Eglise rappelle ainsi la loi divine pour faire œuvre de vérité et de libération. C’est en effet par bonté — pour indiquer le chemin de la vie — que Dieu donne aux hommes ses commandements et la grâce pour les observer ; et c’est encore par bonté – pour les aider à persévérer dans la même voie — que Dieu offre toujours à chacun son pardon. Le Christ a compassion pour nos fragilités Il est notre Créateur et notre Rédempteur. Que son Esprit ouvre les âmes au don de la paix de Dieu et à l’intelligence de ses préceptes !
***
1 Jean Paul II, Discours aux participants au 81e Congrès de la Société Italienne de Médecine interne et au 82e Congrès de Chirurgie Générale, 27 octobre 1980 : ASS 72 (1980) 1126.
2 Paul VI, Discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies, 4 octobre 1965, 1: ASS 57 (1965) 878 ; Enc. Populorum Progressio, 13 : ASS 59 (1967) 263.
3 Paul VI, Homélie durant la Messe de clôture de l’Année Sainte, 25 décembre 1975 : ASS 68 (1976) 145 ; Jean-Paul II, Enc. Dives in Misericordia, 30 : AAS 72 (1980) 1224.
4 Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 390.
5 Cf. Déclaration Dignitatis Humanae, 2.
6 Const. past. Gaudium et Spes, 22 Jean-Paul II, Enc. Redemptor Hominis, 8 : AAS 71 (1979) 270-272.
2. La science et la technique au service de la personne humaine
Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance « homme et femme il les créa » (Gen. 1, 27), leur confiant la tâche de « dominer, la terre » (Gen. 1, 28). La recherche scientifique de base comme la recherche appliquée constituent une expression significative de cette seigneurie de l’homme sur la création. La science et la technique, précieuses ressources de l’homme quand elles sont mises à son service et en promeuvent le développement intégral au bénéfice de tous, ne peuvent pas indiquer à elles seules le sens de l’existence et du progrès humain. Étant ordonnées à l’homme, dont elles tirent origine et accroissement, c’est dans la personne et ses valeurs morales qu’elles trouvent l’indication de leur finalité et la conscience de leurs limites.
Il serait donc illusoire de revendiquer la neutralité morale de la recherche scientifique et de ses applications d’autre part, les critères d’orientation ne peuvent pas être déduits de la simple efficacité technique, de l’utilité qui peut en découler pour les uns au détriment des autres, ou pis encore, des idéologies dominantes. Aussi la science et la technique requièrent-elles, pour leur signification intrinsèque même, le respect inconditionné des critères fondamentaux de la moralité ; c’est-à-dire qu’elles doivent être au service de la personne humaine, de ses droits inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu7.
Le rapide développement, des découvertes technologiques rend plus urgente cette exigence de respect des critères rappelés la science sans conscience ne peut que conduire à la ruine de l’homme. « Notre époque, plus encore que les temps passés, a besoin de cette sagesse pour rendre plus humaines ses nouvelles découvertes. Il y a un péril effectif pour l’avenir du monde, à moins que ne surviennent des hommes plus sages8. »
***
7 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 35.
8 Const. past. Gaudium et Spes, 15 ; cf. aussi Paul VI, Enc. Populorum Progressio, 20 : AAS 59 (1967) 267. Jean-Paul II, Enc. Redemptor Hominis, 15 : AAS 71 (1979) 286-289. Exhort. apost. Familiaris Consortio, 8 : AAS 74 (1982) 89.
3. Anthropologie et interventions dans le domaine biomédical
Quels critères moraux doit-on appliquer pour éclairer les problèmes posés aujourd’hui dans le cadre de la biomédecine ? La réponse à cette demande suppose une juste conception de la nature de la personne humaine dans sa dimension corporelle.
En effet, c’est seulement dans la ligne de sa vraie nature que la personne humaine peut se réaliser comme une « totalité, unifiée9» ; or cette nature est en même temps corporelle et spirituelle. En raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d’organes et de fonctions ; il ne peut être évalué de la même manière que le corps des animaux, mais il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s’exprime à travers lui.
La loi morale naturelle exprime et prescrit les finalités, les droits et les devoirs qui se fondent sur la nature corporelle et spirituelle de la personne humaine. Aussi ne peut-elle pas être conçue comme normativité simplement biologique, mais elle doit être définie comme l’ordre rationnel selon lequel l’homme est appelé par le Créateur à diriger et à régler sa vie et ses actes, et, en particulier, à user et à disposer de son propre corps10.
Une première conséquence peut être déduite de ces principes une intervention sur le corps humain ne touche pas seulement les tissus, les organes et leurs fonctions, mais elle engage aussi à des niveaux divers la personne même, elle comporte donc une signification et une responsabilité morales, implicitement peut-être, mais réellement. Jean-Paul II rappelait avec force à l’Association Médicale Mondiale : «Chaque personne humaine, dans sa singularité absolument unique, n’est pas constituée seulement par son esprit, mais par son corps. Ainsi, dans le corps et par le corps, on touche la personne humaine dans sa réalité concrète. Respecter la dignité de l’homme par conséquent à sauvegarder cette identité de l’homme corpore et anima unus, comme le dit le Concile Vatican II (const. Gaudium et Spes, n.14, 1). C’est sur la base de cette vision anthropologique que l’on doit trouver des critères fondamentaux pour les décisions à prendre s’il s’agit d’interventions non strictement thérapeutiques, par exemple d’interventions visant a l’amélioration de la condition biologique humaine11 »
Dans leurs applications, la biologie et la médecine concourent au bien intégral de la vie humaine lorsqu’elles viennent en aide à la personne, atteinte de maladie et d’infirmité, dans le respect de sa dignité de créature de Dieu. Nul biologiste ou médecin ne peut raisonnablement prétendre décider de l’origine et du destin des hommes au nom de sa compétence scientifique. Cette norme doit s’appliquer d’une façon particulière dans le domaine de la sexualité et de la procréation, où l’homme et la femme mettent en œuvre les valeurs fondamentales de l’amour et de la vie.
Dieu, qui est amour et vie, a inscrit dans l’homme et la femme la vocation à une participation spéciale à son mystère de communion personnelle et à son œuvre de Créateur et de Pere12. C’est pourquoi le mariage possède des biens spécifiques et des valeurs d’union et de procréation sans commune mesure avec celles qui existent dans les formes inferieures de la vie. Ces valeurs et significations d’ordre personnel déterminent du point de vue moral le sens et les limites des interventions artificielles sur la procréation et l’origine de la vie humaine. Ces interventions ne sont pas à rejeter parce qu’artificielles. Comme telles, elles témoignent des possibilités de l’art médical Mais elles sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine, appelée à réaliser la vocation divine au don de l’amour et au don de la vie.
***
9 Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris Consortio, 11: AAS 74 (1982) 92.
10 Cf Paul VI, Enc. Humanae Vitae, 10 : AAS 60 (1968) 487-488.
11 Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 393.
12 Cf Jean-Paul II Exhort. Apost. Familiaris Consortio, 11 : AAS 74 (1982) 91-92 ; cf aussi Const. Past. Gaudium et Spes, 50.
4. Critères fondamentaux pour un jugement moral
Les valeurs fondamentales relatives aux techniques de procréation artificielle humaine sont au nombre de deux : la vie de l’être humain appelé à l’existence et l’originalité de sa transmission dans le mariage. Le jugement moral sur les méthodes de procréation artificielle devra donc être formulé en référence à ces valeurs.
La vie physique, par laquelle commence l’aventure humaine dans le monde, n’épuise assurément pas en soi toute la valeur de la personne, et ne représente pas le bien suprême de l’homme qui est appelé à l’éternité. Toutefois elle en constitue d’une certaine manière la valeur « fondamentale », précisément parce que c’est sur la vie physique que se fondent et se développent toutes les autres valeurs de la personne13. L’inviolabilité du droit à la vie de l’être humain innocent «depuis le moment de la conception jusqu’à la mort»14 est un signe et une exigence de l’inviolabilité même de la personne, à laquelle le Créateur a fait le don de la vie
Par rapport à la transmission des autres formes de vie dans l’univers, la transmission de la vie humaine a une originalité propre, qui dérive de l’originalité même de la personne humaine. «La transmission de la vie humaine a été confiée par la nature à un acte personnel et conscient et comme tel soumis aux très saintes lois de Dieu ces lois inviolables immuables doivent suivre des méthodes qui peuvent être licites dans la transmission de la vie des plantes et des animaux15».
Les progrès de la technique ont aujourd’hui rendu possible une procréation sans rapport sexuel, grâce à la rencontre in vitro des cellules germinales précédemment prélevées sur I’homme et la femme. Mais ce qui est techniquement possible n’est pas pour autant moralement admissible. La réflexion rationnelle sur les valeurs fondamentales de la vie et de la procréation humaine est donc indispensable pour formuler l’évaluation morale à l’égard de ces interventions de la technique sur l’être humain dès les premiers stades de son développement.
***
13 Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration sur l’avortement provoqué, 9 : AAS 66 (1974) 736-737.
14 Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 390.
15 Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, III : ASS 53 (1961) 447.
5. Enseignements du magistère
Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée, car l’homme est sur terre l’unique créature que Dieu a « voulue pour lui-même»16 et l’âme spirituelle de tout homme est « immédiatement créée » par Dieu17 ; tout son être porte l’image du Créateur. La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte « l’action créatrice de Dieu»18 et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin19. Dieu seul est le Maître de la vie, de son commencement à son terme personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent20. La procréation humaine demande une collaboration responsable des époux avec l’amour fécond de Dieu21; le don de la vie humaine doit se réaliser dans le mariage moyennant les actes spécifiques et exclusifs des époux, suivant les lois inscrites dans leurs personnes et dans leur union22.
***
16 Const. Past. Gaudium et Spes, 24.
17 Cf Pie XII Enc. Humani Generis : AAS 42 (15O) 575 ; Paul VI, Solennelle Profession de Foi, 30 juin 1968 : AAS 60 (1968) 436.
18 Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, III : AAS 53(1961) 447 ; cf. Jean-Paul II, Discours aux prêtres participant à un séminaire d’études sur « la procréation responsable », 17 septembre 1983 : Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VI, 2 (1983) 562 ; «A l’origine de toute personne humaine, il y a un acte créateur de Dieu aucun homme ne vient à l’existence par hasard, il est toujours le terme de l’amour créateur de Dieu. » .
19 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 24.
20 Cf. Pie XII, Discours à l’Union Médico-biologique «Saint- Luc», 12 novembre 1944 : discorsi e radiomessaggi, VI (1944-1945).191-192.
21 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 50.
22Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 51: « Lorsqu’il s’agit de mettre en accord l’amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité du comportement ne dépend pas de la seule sincérité de l’intention et de la seule appréciation des motifs mais elle doit être déterminée selon des critères objectifs, tirés de la nature de la personne et de ses actes, critères qui respectent, dans un d’amour véritable, le sens intégral de la donation mutuelle et de la procréation humaine, »
I. Le respect des embryons humains
1. Quel respect doit-on à l’embryon humain, compte tenu de sa nature et de son identité ?
L’être humain doit être respecté — comme une personne — dès le premier instant de son existence.
La mise en œuvre des procèdes de fécondation artificielle a rendu possibles diverses interventions sur les embryons et les fœtus humains. Les buts poursuivis sont de genres divers : diagnostiques et thérapeutiques, scientifiques et commerciaux. De tout cela découlent de graves problèmes. Peut-on parler d’un droit à l’expérimentation sur les embryons humains en vue de la recherche scientifique ? Quelles réglementations ou quelle législation élaborer en cette matière ? La réponse à ces questions suppose une réflexion approfondie sur la nature et sur l’identité propre — on parle même de « statut » — de l’embryon humain.
Pour sa part, dans le Concile Vatican II, l’Eglise a proposé à nouveau à l’homme contemporain son enseignement constant et certain, selon lequel « la vie, une fois conçue, doit être protégée avec le plus grand soin, l’avortement, comme l’infanticide, sont des crimes abominable»23. Plus récemment, la Charte des Droits de la Famille publiée par le Saint-Siège le réaffirmait « La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception24 »
Cette Congrégation connaît les discussions actuelles sur le commencement de la vie humaine, sur l’individualité de l’être humain et sur l’identité de la personne humaine. Elle rappelle les enseignements contenus dans sa Déclaration sur l’avortement provoqué « Des que l’ovule est féconde, se trouve inaugurée une vie qui n’est ni celle du père ni celle de la mère, mais d’un nouvel être humain qui se développe par lui-même Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors. A cette évidence de toujours […] la science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a montré que, dès le premier instant, se trouve fixé le programme de ce que sera ce vivant : un homme, cet homme individuel avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées. Dès la fécondation, est commencée l’aventure d’une vie humaine dont chacune des grandes capacités demande du temps pour se mettre en place et se trouver prête à agir25 » Cette doctrine demeure valable, et est du reste confirmée, s’il en était besoin, par les récentes acquisitions de la biologie humaine, qui reconnaît que dans le zygote* dérivant de la fécondation s’est déjà constituée l’identité biologique d’un nouvel individu humain.
Certes, aucune donnée expérimentale ne peut être de soi suffisante pour faire reconnaître une âme spirituelle, toutefois, les conclusions scientifiques sur l’embryon humain fournissent une indication précieuse pour discerner rationnellement une présence personnelle dès cette première apparition d’une vie humaine : comment un individu humain ne serait-il pas une personne humaine ? Le Magistère ne s’est pas expressément engagé sur une affirmation de nature philosophique, mais il réaffirme d’une manière constante la condamnation morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement n’est pas changé, et il demeure inchangeable26.
C’est pourquoi le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-a-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout humain innocent à la vie.
Ce rappel doctrinal offre le critère fondamental pour la solution des divers problèmes posés par le développement des sciences biomédicales en ce domaine : puisqu’il doit être traité comme une personne, l’embryon devra aussi être défendu dans son intégrité, soigné et guéri, dans la mesure du possible, comme tout autre être humain dans le cadre de l’assistance médicale.
***
23 Const. Past. Gaudium et Spes 51.
24 Charte des Droits de la Famille, publié par le Saint Siege, art. 4 : L’Osservatore Romano, 25 novembre 1983.
25 Congrégation pour la Doctrine de la Foi Déclaration sur l’avortement provoqué 12 : 13 AAS 66 (1974) 738.
* Le zygote est la cellule dérivant de la fusion des noyaux de deux gamètes.
26 Cf Paul VI, Discours aux participants au XXIIIC Congrès national des Juristes Catholiques Italiens, 9 décembre 1972 : AAS 64 (1972) 777.
2. Le diagnostic prénatal est-il moralement licite ?
Si le diagnostic prénatal respecte la vie et l’intégrité de l’embryon et du fœtus humain, et s’il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison individuelle, la réponse est affirmative.
Le diagnostic prénatal peut en effet faire connaitre les conditions de l’embryon et du fœtus quand il est encore dans le sein de sa mère ; il permet ou laisse prévoir certaines interventions thérapeutiques, médicales ou chirurgicales, d’une manière plus précoce et plus efficace.
Ce diagnostic est licite si les méthodes utilisées, avec le consentement des parents convenablement informés, sauvegardent la vie et l’intégrité de l’embryon et de sa mère, sans leur faire courir de risques disproportionnés27. Mais il est gravement en opposition avec la loi morale quand il prévoit, en fonction des résultats, l’éventualité de provoquer un avortement : un diagnostic attestant l’existence d’une malformation ou d’une maladie héréditaire ne doit pas être l’équivalent d’une sentence de mort. Aussi, la femme qui demanderait ce diagnostic avec l’intention bien arrêtée de procéder à l’avortement au cas où le résultat confirmerait l’existence d’une malformation ou d’une anomalie, commettrait-elle une action gravement illicite. De même agiraient contrairement à la morale le conjoint, les parents ou toute autre personne, s’ils conseillaient ou imposaient le diagnostic à la femme enceinte dans la même intention d’en venir éventuellement à l’avortement. Ainsi également serait responsable d’une collaboration illicite le spécialiste qui, dans sa manière de poser le diagnostic et d’en communiquer les résultats, contribuerait volontairement à établir ou à favoriser le lien entre diagnostic prénatal et avortement.
On doit enfin condamner, comme une violation du droit à la vie de l’enfant à naître et comme une atteinte grave aux droits et devoirs prioritaires des époux, toute directive ou programme émanant des autorités civiles, sanitaires, ou d’organismes scientifiques, qui favoriserait en quelque manière la connexion entre diagnostic prénatal et avortement, ou qui inciterait les femmes enceintes à se soumettre à un diagnostic prénatal planifié dans le but d’éliminer les fœtus déjà atteints ou porteurs de malformations ou de maladies héréditaires.
***
27 L’obligation d’éviter des risques disproportionnés indique un respect des êtres humains et la rectitude des intentions thérapeutiques elle implique que le médecin « devra avant tout évaluer attentivement les conséquences négatives éventuelles qu’une technique déterminée d’exploration pourrait avoir sur l’embryon, et (qu’) il évitera de recourir à des procédés de diagnostic dont l’honnête finalité et innocuité substantielle ne présente pas de garanties suffisantes. Et si, comme il arrive Souvent dans les choix humains, un certain risque doit être affronté, il se préoccupera de vérifier s’il est justifié par une urgence vraie du diagnostic et par l’importance des résultats qui seront obtenus en faveur de l’embryon lui-même » (Jean-Paul II, Discours aux participants au Congrès du « Mouvement pour la vie », 3 décembre 1982 : Insegnamenti di Giovanni Paolo II, V 3 [1982] 1512). On doit tenir compte de cette précision sur le « risque proportionné » dans les passages successifs de cette Instruction, toutes les fois qu’y apparaît la même expression.
3. Les interventions thérapeutiques sur l’embryon humain sont-elles licites ?
Comme pour toute intervention médicale sur des patients, on doit considérer comme licites les interventions sur l’embryon humain, à condition qu’elles respectent la vie et l’intégrité de l’embryon et qu’elles ne comportent pas pour lui de risques disproportionnés, mais qu’elles visent à sa guérison, à l’amélioration de ses conditions de santé, ou à sa survie individuelle.
Quel que soit le genre de thérapie médicale, chirurgicale ou d’un autre type, le consentement libre et informé des parents est requis, selon les règles déontologiques prévues dans le cas des enfants. S’agissant d’une vie embryonnaire ou de fœtus, l’application de ce principe moral peut demander des précautions délicates et particulières.
La légitimité et les critères de ces interventions ont été clairement exprimées par Jean-Paul II « Une intervention strictement thérapeutique qui se fixe comme objectif la guérison de diverses maladies, comme celles dues à des déficiences chromosomiques, sera, en principe, considérée comme souhaitable, pourvu qu’elle tende à la vraie promotion du bien-être personnel de l’homme, sans porter atteinte à son intégrité ou détériorer ses conditions de vie. Une telle intervention se situe en effet dans la logique de la tradition morale chrétienne28»
***
28 Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 392.
4. Comment apprécier moralement la recherche et l’expérimentation* sur les embryons et sur les fœtus humains ?
La recherche médicale doit s’abstenir d’interventions sur les embryons vivants, à moins qu’il n’y ait certitude morale de ne causer de dommage ni à la vie ni à l’intégrité de l’enfant à naître et de sa mère, et à condition que les parents aient donné pour l’intervention sur l’embryon leur consentement libre et informé. Il s’ensuit que toute recherche, même limitée à une simple observation de l’embryon, deviendrait illicite dès lors que, à cause des méthodes utilisées ou des effets provoqués, elle impliquerait un risque pour l’intégrité physique ou la vie de l’embryon.
En ce qui concerne l’expérimentation — présupposée la distinction générale entre celle qui a une finalité non directement thérapeutique et celle qui est clairement thérapeutique pour le sujet lui-même —, il faut encore distinguer entre l’expérimentation effectuée sur des embryons encore vivants et l’expérimentation effectuée sur des embryons morts. S’ils sont encore vivants, viables ou non, ils doivent être respectés comme toutes les personnes humaines; l’expérimentation non directement thérapeutique sur les embryons est illicite29.
Aucune finalité, même noble en soi comme la prévision d’une utilité pour la science, pour d’autres êtres humains ou pour la société, ne peut en quelque manière justifier l’expérimentation sur des embryons ou des fœtus humains vivants, viables ou non, dans le sein maternel ou en dehors de lui. Le consentement informé, normalement requis pour l’expérimentation clinique sur l’adulte, ne peut être concédé par les parents, qui ne peuvent disposer ni de l’intégrité physique ni de la vie de l’enfant à naître. D’autre part, l’expérimentation sur les embryons ou fœtus comporte toujours le risque — et même souvent la prévision certaine — d’un dommage pour leur intégrité physique ou de leur mort.
L’utilisation de l’embryon humain ou d’un fœtus comme objet ou instrument d’expérimentation représente un délit à l’égard de leur dignité d’êtres humains ayant droit au même respect que l’enfant déjà né et toute personne humaine. La Charte des Droits de la Famille publiée par le Saint-Siège déclare « Le respect pour la dignité de l’être humain exclut toute espèce de manipulation expérimentale ou exploitation de l’embryon humain30.» La pratique de maintenir en vie des embryons humains, in vivo ou in vitro, à des fins expérimentales ou commerciales est absolument contraire à la dignité humaine.
Dans le cas de l’expérimentation clairement thérapeutique, c’est-à-dire s’il s’agissait de thérapies expérimentales utilisées au bénéfice de l’embryon lui-même comme une tentative extrême pour lui sauver la vie, et faute d’autres thérapies valables, le recours à des remèdes ou à des procédés pas encore entièrement éprouvés peut être licite31.
Les cadavres d’embryons ou fœtus humains, volontairement avortés ou non, doivent être respectés comme les dépouilles des autres êtres humains. En particulier, ils ne peuvent faire l’objet de mutilations ou autopsies si leur mort n’a pas été constatée, et sans le consentement des parents ou de la mère. De plus, il faut que soit sauvegardée l’exigence morale excluant toute complicité avec l’avortement volontaire, de même que tout danger de scandale. Dans le cas des fœtus morts, comme pour les cadavres de personnes adultes, toute pratique commerciale doit être considérée comme illicite et doit être interdite.
***
* Comme les termes « recherche » et « expérimentation » sont fréquemment utilisés d’une manière équivalente et ambiguë, il convient de préciser le sens qui leur est attribué dans le présent document.
1) Par recherche, on entend, tout procédé inductif-déductif visant à promouvoir l’observation systématique d’un phénomène donné dans le champ humain, ou à vérifier une hypothèse découlant des précédentes observations.
2) Par expérimentation, on entend toute recherche dans laquelle l’être humain (aux divers stades de son existence embryon, fœtus, enfant ou adulte) représente l’objet grâce auquel ou sur lequel on entend vérifier l’effet — à ce moment inconnu ou encore mal connu d’un traitement donné (par exemple pharmaceutique, tératogène, chirurgical, etc.)
29 Cf. Jean-Paul II, Discours aux participants à un Congrès de l’Académie Pontificale des Sciences, 23 octobre 1982 : AAS 75 (1983) 37 : «Je condamne de la manière la plus explicite et la plus formelle les manipulations expérimentales faites sur l’embryon humain, car l’être humain, depuis sa conception jusqu’à sa mort, ne peut être exploité pour aucune raison.»
30 Charte des Droits de la Famille, publiée par le Saint-Siège, art. 4/b L’Observatore Romano, 25 novembre 1983.
31 Cf. Jean-Paul II, Discours aux participants au Congrès du «Mouvement pour la vie», 3 décembre1982 : Insegnamenti di Giovanni Paolo II, V, 3 (1982) 1511 : «Toute forme d’expérience sur le fœtus qui pourrait en altérer l’intégrité ou en aggraver les conditions, à moins qu’il ne s’agisse d’une tentative extrême de la sauver d’une mort certaine, est moralement inacceptable. » Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 4 : ASS 72 (1980) 550 : « A défaut d’autres remèdes, il est, licite de recourir, avec le consentement du malade, aux moyens fournis par la médecine la plus avancée, même s’ils sont encore au stade expérimental et ne sont pas de quelques risques. »
5. Comment apprécier moralement l’usage, à des fins de recherche, des embryons obtenus par la fécondation in vitro?
Les embryons humains obtenus in vitro sont des êtres humains et des sujets de droits. Leur dignité et leur droit à la vie doivent être respectés dès le premier moment de leur existence. Il est immoral de produire des embryons humains destinés à être exploités comme un «matériau biologique» disponible.
Dans la pratique habituelle de la fécondation in vitro, les embryons ne sont pas transférés dans le corps de femme ; certains sont détruits. Aussi, comme elle condamne l’avortement provoqué, l’Église interdit également d’attenter à la vie de ces êtres humains. Il faut dénoncer la particulière gravité de la destruction volontaire des embryons humains obtenus « in vitro » par fécondation artificielle ou « fission gémellaire » à de seules fins de recherche. En agissant ainsi, le chercheur se substitue à Dieu et, même s’il n’en a pas conscience, se fait maître du destin d’autrui, puisqu’il choisit arbitrairement qui faire vivre et qui faire mourir, et qu’il supprime des êtres humains sans défense.
Les procédures d’observation ou d’expérimentation qui causent un dommage ou imposent des risques graves et disproportionnés aux embryons obtenus in vitro sont, pour les mêmes raisons, moralement illicites. Tout être humain est à respecter pour lui-même ; il ne peut être purement et simplement réduit à sa valeur d’usage au bénéfice d’autrui.
Il n’est donc pas conforme à la moralité d’exposer délibérément à la mort des embryons humains obtenus « in vitro ». Par le fait qu’ils ont été produits in vitro, ces embryons non transférés dans le corps de la mère, et qualifiés de « surnuméraires », demeurent exposés à un sort absurde, sans qu’il soit possible de leur donner des voies de survie certaines et licitement réalisables.
6. Quel jugement porter sur les autres procédés de manipulation des embryons liés aux « techniques de reproduction humaine » ?
Les techniques de fécondation in vitro peuvent rendre possibles d’autres formes de manipulation biologique ou génétique des embryons humains telles que : les tentatives ou projets de fécondation entre gamètes humains et animaux, et de gestation d’embryons humains dans des utérus d’animaux ; l’hypothèse ou le projet de construction d’utérus artificiels pour l’embryon humain. Ces procédés sont contraires à la dignité d’être humain qui appartient à l’embryon, et en même temps, ils lèsent le droit de toute personne à être conçue et à naître dans le mariage et du mariage32. Même les tentatives ou les hypothèses faites pour obtenir un être humain sans aucune connexion avec la sexualité, par « fission gémellaire », clonage, parthénogenèse, sont à considérer comme contraires à la morale, car elles sont en opposition avec la dignité tant de la procréation humaine que de l’union conjugale.
La congélation des embryons, même si elle est réalisée pour garantir une conservation de l’embryon en vie (« cryoconservation »), constitue une offense au respect dû aux êtres humains, car elle les expose à de graves risques de mort ou d’atteinte à leur intégrité physique ; elle les prive au moins temporairement de l’accueil et de la gestation maternelle, et les place dans une situation susceptible d’offenses et de manipulations ultérieures.
Certaines tentatives d’intervention sur le patrimoine chromosomique ou génétique ne sont pas thérapeutiques, mais tendent à la production d’êtres humains sélectionnés selon le sexe ou d’autres qualités préétablies. Ces manipulations sont contraires à la dignité personnelle de l’être humain, à son intégrité et à son identité. Elles ne peuvent donc en aucune manière être justifiées par d’éventuelles conséquences bénéfiques pour l’humanité future33. Toute personne doit être respectée pour elle-même : en cela consiste la dignité et le droit de tout être humain depuis son origine.
***
32 Nul ne peut revendiquer, avant d’exister, un droit subjectif à venir à l’existence ; toutefois, il est légitime d’affirmer le droit de l’enfant à avoir une origine pleinement humaine grâce à une conception conforme à la nature personnelle de l’être humain. La vie est un don qui doit être accordé d’une manière digne aussi bien du sujet qui la reçoit que des sujets qui la transmettent. On devra également tenir compte de cette précision pour ce qui sera expliqué à propos de la procréation humaine artificielle.
33 Cf. Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de I’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 391.
II. Interventions sur la procréation humaine
Par « procréation artificielle » ou « fécondation artificielle », on entend ici les diverses procédures techniques destinées à obtenir une conception humaine d’une manière autre que par l’union sexuelle de l’homme et de la femme. L’Instruction traite de la fécondation d’un ovule en éprouvette (fécondation in vitro) et de l’insémination artificielle moyennant transfert, dans les organes génitaux de la femme, du sperme précédemment recueilli.
Un point préliminaire à l’appréciation morale de ces techniques est constitué par la considération des circonstances, et des conséquences qu’elles comportent par rapport au respect dû à l’embryon humain. L’extension de la pratique de la fécondation in vitro a nécessité d’innombrables fécondations et destructions d’embryons humains. Aujourd’hui encore, elle présuppose habituellement une surovulation de la femme : plusieurs ovules sont prélevés, fécondés et cultivés ensuite in vitro pendant quelques jours. Habituellement, tous ne sont pas transférés dans les organes génitaux de la femme ; certains embryons, appelés ordinairement « surnuméraires », sont détruits ou congelés, Parmi les embryons implantés, certains sont sacrifiés pour diverses raisons eugéniques, économiques ou psychologiques. Cette destruction volontaire d’êtres humains ou leur utilisation à diverses fins, au détriment de leur intégrité et de leur vie, est contraire à la doctrine déjà rappelée à propos de l’avortement provoqué.
Le rapport entre fécondation in vitro et élimination volontaire d’embryons humains se vérifie trop fréquemment. Ceci est significatif avec ces procédés, aux finalités apparemment opposées, la vie et la mort sont soumises aux décisions de l’homme, qui en vient ainsi à se constituer donateur de vie et de mort sur commande. Cette dynamique de violence et de domination peut n’être pas perçue par ceux-mêmes qui, en voulant l’utiliser, s’y assujettissent. Les données de fait rappelées et la froide logique qui les relie doivent être prises en considération pour un jugement moral sur la FIVETE (fécondation in vitro et transfert de l’embryon) : la mentalité abortive qui l’a rendue possible conduit ainsi, qu’on le veuille ou non, à une domination de l’homme sur la vie et sur la mort de ses semblables, qui peut conduire à un eugénisme radical.
Des abus de ce genre ne dispensent cependant pas d’une réflexion éthique ultérieure et approfondie sur les techniques de procréation artificielle considérées en elles-mêmes ; abstraction faite autant que possible de la destruction des embryons produits in vitro.
La présente Instruction prendra donc en considération tout d’abord les problèmes posés par la fécondation artificielle hétérologue (Il, 13), puis ceux qui sont liés à la fécondation artificielle homologue (II, 46) .
Avant de formuler un jugement éthique sur chacune d’elles, on exposera les principes et les valeurs qui déterminent l’appréciation morale de chacune de ces procédures.
***
* L’Instruction entend, sous la dénomination de Fécondation ou procréation artificielle hétérologue, les techniques destinées à obtenir artificiellement une conception humaine à partir de gamètes provenant d’au moins un donneur autre que les époux qui sont unis en mariage, Ces techniques peuvent être de deux types:
a) FIVETE hétérologue: technique destinée à obtenir une conception humaine par la rencontre in vitro de gamètes prélevés sur au moins un donneur autre que les époux unis par le mariage.
b) Insémination artificielle hétérologue : technique destinée à obtenir une conception humaine par le transfert dans les organes génitaux de la femme du sperme précédemment recueilli sur un donneur autre que le mari.
** L’instruction entend par Fécondation ou procréation artificielle homologue la technique destinée à obtenir une conception humaine à partir des gamètes de deux époux unis en mariage. La fécondation artificielle homologue peut être réalisée par deux méthodes diverses :
a) FIVETE homologue: technique destinée à obtenir une conception humaine par la rencontre in vitro des gamètes des époux unis en mariage.
b) Insémination artificielle homologue : technique destinée à obtenir une conception humaine par le transfert dans les organes génitaux d’une femme mariée du sperme de son mari précédemment recueilli
1. Pourquoi la procréation humaine doit-elle avoir lieu dans le mariage ?
Tout être humain doit être accueilli comme un don et une bénédiction de Dieu. Cependant, du point de vue moral, une procréation vraiment responsable à l’égard de l’enfant à naître doit être le fruit du mariage.
La procréation humaine possède en effet des caractéristiques spécifiques en vertu de la dignité personnelle des parents et des enfants : la procréation d’une personne nouvelle, par laquelle l’homme et la femme collaborent avec la puissance du Créateur, devra être le fruit et le signe de la donation mutuelle et personnelle des époux de leur amour et de leur fidélité34. La fidélité des époux, dans l’unité du mariage, comporte le respect réciproque de leur droit à devenir père et mère seulement l’un par l’autre.
L’enfant a droit d’être conçu, porté, mis au monde et éduque dans le mariage : c’est par la référence assurée et reconnue à ses parents qu’il peut découvrir son identité et murir Sa propre formation humaine.
Les parents trouvent dans l’enfant une confirmation et un accomplissement de leur donation réciproque : il est image vivante de leur amour, le signe permanent de leur union conjugale, la synthèse vivante et indissoluble de leur dimension paternelle et maternelle35.
En vertu de la vocation et des responsabilités sociales de la personne, le bien des enfants et des parents contribue au bien de la société civile ; la vitalité et l’équilibre de société demandent que les enfants viennent au monde au sein d’une famille, et que celle-ci soit fondée sur le mariage d’une manière stable.
La tradition de l’Église et la réflexion anthropologique reconnaissent dans le mariage et dans son unité indissoluble le seul lieu digne d’une procréation vraiment responsable.
***
34 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 50.
35 Cf. Jean-Paul Il, Exhort apost. Famiijaris Consortio, 14 : ASS 74 (1982) 96.
A Fécondation artificielle hétérologue
2. La fécondation artificielle hétérologue est-elle conforme à la dignité des époux et à la vérité du mariage?
Dans la FIVETE et l’insémination artificielle hétérologue la conception humaine est obtenue par la rencontre des gamètes d’au moins un donneur autre que les époux unis dans le mariage. La fécondation artificielle hétérologue est contraire à l’unité du mariage, à la dignité des époux, à la vocation propre des parents et au droit de l’enfant à être conçu et mis au monde dans le mariage et par le mariage36.
Le respect de l’unité du mariage et de la fidélité conjugale exige que l’enfant soit conçu dans le mariage ; le lien entre les conjoints attribue aux époux, de manière objective et inaliénable, le droit exclusif à ne devenir père et mère que l’un par l’autre37. Le recours aux gamètes d’une tierce personne, pour disposer du sperme ou de l’ovule, constitue une violation de l’engagement réciproque des époux et un manquement grave à l’unité, propriété essentielle du mariage.
La fécondation artificielle hétérologue lèse les droits de l’enfant, le prive de la relation filiale à ses origines parentales, et peut faire obstacle à la maturation de son identité personnelle. Elle constitue en outre une offense à la vocation commune des époux appelés à la paternité et à la maternité ; elle prive objectivement la fécondité conjugale de son unité et de son intégrité ; elle opère et manifeste une rupture entre parenté génétique, parenté « gestationnelle » et responsabilité éducative. Cette altération des relations personnelles à l’intérieur de la famille se répercute dans la société civile : ce qui menace l’unité et la stabilité de la famille est source de dissensions, de désordre d’injustices dans toute la vie sociale,
Ces raisons conduisent à un jugement moral négatif sur la fécondation artificielle hétérologue : sont donc moralement illicites la fécondation d’une femme mariée par le sperme d’un donneur autre que son mari, et la fécondation par le sperme du mari d’un ovule qui ne provient pas de son épouse. En outre, la fécondation artificielle d’une femme non mariée, célibataire ou veuve, quel que soit le donneur, ne peut être moralement justifiée.
Le désir d’avoir un enfant, l’amour entre les époux qui souhaitent remédier à une stérilité autrement insurmontable, constituent des motivations compréhensibles ; mais les intentions subjectivement bonnes ne rendent la fécondation artificielle hétérologue ni conforme aux propriétés objectives et inaliénables du mariage, ni respectueuse des droits de l’enfant et des époux.
***
36 Cf. Pie XII, Discours aux participants au VI Congrès International des Médecins Catholiques, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949) 559 : Selon le plan du Dieu Créateur, « l’homme abandonne son père et sa mère et s’unit à sa femme, et les deux deviennent une seule chair » (Gen 2; 24). L’unité du mariage, liée à l’ordre de la création, est une vérité accessible à la raison naturelle. La Tradition et la Magistère de l’Église se réfèrent souvent au livre de la Genèse, soit directement soit à travers les passages du Nouveau Testament qui y font référence : Mt 19, 4-6 ; Mc 10, 5-8 : Ep, 5, 31. Cf. Athénagore, Legatio pro christianis, 33: PG 6, 965-967; S. Jean Chrysostome, In Matthaeum homiliae, LXII, 19, 1: PG 58, 597 S. Léon le Grand, Epist. ad Rusticum, 4: PL 54, 1204; Innocent III, Ep. Gaudemus in Domino : DS 778; IIe Concile de Lyon, IVe Session: DS 860; Concile de Trente, XXIVe Session : DS 1798, 1802 Léon XIII, Enc. Arcanum Divinae Sapientiae : ASS 12 (1879-80) 388-391 ; Pie XI, Enc. Casti Connubii : ASS 22 (1930) 546-547 ; Concile Vatican II, Const. past. Gaudium et Spes, 48 ; Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris Consortio, 19 : AAS 74 (1982) 101-102 ; C.I.C., can. 1056.
37 Cf. Pie XII, Discours aux participants au IVe Congrès International des Médecins Catholiques, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949) 560 ; Discours aux congressistes de l’Union Catholique Italienne des sages-femmes, 29 octobre 1951 AAS 43 (1951) 850 ; C.I.C., can 1134.
3. La maternité « de substitution »* est-elle moralement licite ?
Non, pour les mêmes raisons qui conduisent à refuser la fécondation artificielle hétérologue : elle est en effet contraire à l’unité du mariage et à la dignité de la procréation de la personne humaine.
La maternité de substitution représente un manquement objectif aux obligations de l’amour maternel, de la fidélité conjugale et de la maternité responsable ; elle offense la dignité de l’enfant et son droit à être conçu, porté, mis au monde et éduqué par ses propres parents ; elle instaure, au détriment des familles, une division entre les éléments physiques, psychiques et moraux qui les constituent.
***
*Sous l’appellation de « mère substitutive », l’Instruction entend désigner.
a) la femme qui porte un embryon implanté dans son utérus, mais qui lui est génétiquement étranger, parce qu’obtenu par l’union des gamètes de «donneurs », — avec l’engagement de remettre l’enfant une fois né à la personne ayant commissionné ou stipulé cette gestation :
b) la femme qui porte un embryon à la procréation duquel elle a contribué par le don d’un ovule, fécondé par insémination artificielle avec le sperme d’un homme autre que son mari, — avec l’engagement de remettre l’enfant une fois né à la personne ayant commissionné ou stipulé cette gestation.
B Fécondation artificielle homologue
4. Quel lien est moralement requis entre procréation et acte conjugal ?
a) L’enseignement de l’Église sur le mariage et la procréation humaine affirme « le lien indissoluble que Dieu a voulu, et que l’homme ne peut rompre de sa propre initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation. En fait, par sa structure intime, l’acte conjugal, unissant les époux par un lien très profond, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon les lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme 38». Ce principe, fondé sur la nature du mariage et la connexion intime de ses biens, entraîne des conséquences bien connues sur le plan de la paternité et de la maternité responsables : « C’est en sauvegardant les deux aspects essentiels, union et procréation, que l’acte conjugal conserve intégralement le sens d’amour mutuel et véritable, et son ordination à la très haute vocation de l’homme à la paternité39. »
La même doctrine relative au lien entre les significations de l’acte conjugal et les biens du mariage éclaire le problème moral de la fécondation artificielle homologue, car « il n’est jamais permis de séparer ces divers aspects au point d’exclure positivement soit l’intention procréatrice, soit le rapport conjugal40 ».
La contraception prive intentionnellement l’acte conjugal de son ouverture à la procréation et opère par là une dissociation volontaire des finalités du mariage. La fécondation artificielle homologue, en recherchant une procréation qui n’est pas le fruit d’un acte spécifique de l’union conjugale, opère objectivement une séparation analogue entre les biens et les significations du mariage.
C’est pourquoi la fécondation est licitement voulue quand elle est le terme d’un « acte conjugal » apte de soi à la génération, auquel le mariage est destiné par sa nature et par lequel les époux deviennent une seule chair41 ». Mais la procréation est moralement privée de sa perfection propre quand elle n’est pas voulue comme le fruit de l’acte conjugal, c’est-à-dire du geste spécifique de l’union des époux.
b) La valeur morale du lien intime entre les biens du mariage et les significations de l’acte conjugal se fonde sur l’unité de l’être humain, corps et âme spirituelle42. Les époux s’expriment réciproquement leur amour personnel dans le « langage du corps », qui comporte clairement des « significations sponsales » en même temps que parentales43. L’acte conjugal, par lequel les époux se manifestent réciproquement leur don mutuel, exprime aussi l’ouverture au don de la vie : il est un acte inséparablement corporel et spirituel. C’est dans leur corps et par leur corps que les époux consomment leur mariage et peuvent devenir père et mère. Pour respecter le langage des corps et leur générosité naturelle, l’union conjugale doit s’accomplir dans le respect de l’ouverture à la procréation, et la procréation d’une personne humaine doit être le fruit et le terme de l’amour des époux. L’origine de l’être humain résulte ainsi d’une procréation « liée à l’union non seulement biologique mais aussi spirituelle des parents unis par le lien du mariage44». Une fécondation obtenue en dehors du corps des époux demeure par là même privée des significations et des valeurs qui s’expriment dans le langage du corps et l’union des personnes humaines.
c) Seul le respect du lien qui existe entre les significations de l’acte conjugal et le respect de l’unité de l’être permet une procréation conforme à la dignité de personne. Dans son origine unique, non réitérable, l’enfant devra être respecté et reconnu égal en dignité personnelle à ceux qui lui donnent la vie. La personne humaine doit être accueillie dans le geste d’union et d’amour de ses parents ; la génération d’un enfant devra donc être le fruit de la donation réciproque45 qui se réalise dans l’acte conjugal où les époux coopèrent, comme des serviteurs et non comme des maîtres, à l’œuvre de l’Amour Créateur46.
L’origine d’une personne est en réalité le résultat d’une donation. L’enfant à naître devra être le fruit de l’amour de ses parents. Il ne peut être ni voulu ni conçu comme le produit d’une intervention de techniques médicales et biologiques ; cela reviendrait à le réduire à devenir l’objet d’une technologie scientifique. Nul ne peut soumettre la venue au monde d’un enfant à des conditions d’efficacité technique mesurées selon des paramètres de contrôle et de domination.
L’importance morale du lien entre les significations de l’acte conjugal et les biens du mariage, l’unité de l’être humain et la dignité de son origine, exigent que la procréation d’une personne humaine doive être poursuivie comme le fruit de l’acte conjugal spécifique de l’amour des époux. Le lien existant entre procréation et acte conjugal se révèle donc d’une grande portée sur le plan anthropologique et moral, et il éclaire les positions du Magistère à propos de la fécondation artificielle homologue.
***
38 Paul VI, Enc. Humanae Vitae, 12 : AAS 60 (1968) 488-489.
39 Loc. cit. : ibid. 489.
40 Pie XII, Discours aux participants au IIe Congrès Mondial de Naples sur la fécondité et la stérilité humaine, .19 mai 1956 : AAS 48 (1956) 470.
41 C.I.C. can. 1061. Selon ce Canon, l’acte conjugal est celui par lequel est consommé le mariage si les époux « l’ont posé entre eux de manière humaine ».
42 Cf. Const. pas. Gaudium et Spes, 14.
43 Jean-Paul II, Audience générale, 16 janvier 1980 : Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980), 148-152.
44 Jean-Paul II, Discours aux participants à la 35 Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983 : AAS 76 (1984) 393.
45 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 51.
46 Cf. Const. past. Gaudium et Spes, 50.
5. La fécondation homologue in vitro est-elle moralement licite?
La réponse à cette question est strictement dépendante des principes qui viennent d’être rappelés. Assurément, on ne peut pas ignorer les légitimes aspirations des époux stériles ; pour certains, le recours à la FIVETE homologue semble l’unique moyen d’obtenir un enfant Sincèrement désiré : on se demande si dans ces situations, la globalité de la vie conjugale ne suffit pas à assurer la dignité qui convient à la procréation humaine. On reconnaît que la FIVETE ne peut certainement pas suppléer à l’absence des rapports conjugaux47 et ne peut pas être préférée, vu les risques qui peuvent se produire pour l’enfant et les désagréments de la procédure, aux actes spécifiques de l’union conjugale. Mais on se demande également si, dans l’impossibilité de remédier autrement à la stérilité, cause de souffrance, la fécondation homologue in vitro ne peut pas constituer une aide, sinon même une thérapie, dont la licéité morale pourrait être admise.
Le désir d’un enfant — où du moins la disponibilité à transmettre la vie — est une requête moralement nécessaire à une procréation humaine responsable. Mais cette intention bonne ne suffit pas pour donner une appréciation morale positive sur la fécondation in vitro entre époux. Le procédé de la FIVETE doit être jugé en lui- même, et ne peut emprunter sa qualification morale définitive ni à l’ensemble de la vie conjugale dans laquelle il s’inscrit, ni aux actes conjugaux qui peuvent le précéder ou le suivre48.
On a déjà rappelé que dans les circonstances où elle est habituellement pratiquée, la FIVETE implique la destruction d’être humains, fait contraire à la doctrine citée plus haut sur l’illicéité de l’avortement49. Pourtant, même dans le cas, où toute précaution serait prise pour éviter la mort d’embryons humains, la FIVETE homologue réalise la dissociation des gestes qui sont destinés à la fécondation humaine par l’acte conjugal. La nature propre de la FIVETE homologue devra donc aussi être considérée, abstraction faite du lien avec l’avortement provoqué.
La FIVETE homologue est opérée en dehors du corps des conjoints, par des gestes de tierces personnes dont la compétence et l’activité technique déterminent le succès de l’intervention ; elle remet la vie et l’identité de l’embryon au pouvoir des médecins et des biologistes, et instaure une domination de la technique sur l’origine et la destinée de la personne humaine. Une telle relation de domination est de soi contraire à la dignité et à l’égalité qui doivent être communes aux parents et aux enfants.
La conception in vitro est le résultat de l’action technique qui préside à la fécondation ; elle n’est ni effectivement obtenue, ni positivement voulue, comme l’expression et le fruit d’un acte spécifique de l’union conjugale. Donc dans la FIVETE homologue, même considérée dans le contexte des rapports conjugaux effectifs, la génération de la personne humaine est objectivement privée de sa perfection propre : celle d’être le terme et le fruit d’un acte conjugal, dans lequel les époux peuvent devenir «coopérateurs de Dieu pour le don de la vie à une autre nouvelle personne »50.
Ces raisons permettent de comprendre pourquoi l’acte de l’amour conjugal est considéré dans l’enseignement de l’Église comme l’unique lieu digne de la procréation humaine. Pour les mêmes raisons, le «simple case », c’est à-dire une procédure de FIVETE homologue purifiée de toute compromission avec la pratique abortive de la destruction d’embryons et avec la masturbation, demeure une technique moralement illicite, parce qu’elle prive la procréation humaine de la dignité qui lui est propre et connaturelle.
Certes, la FIVETE homologue n’est pas affectée de toute la négativité éthique qui se rencontre dans la procréation extraconjugale ; la famille et le mariage continuent à constituer le cadre de la naissance et de l’éducation des enfants. Cependant, en conformité avec la doctrine traditionnelle sur les biens du mariage et la dignité de la personne, l’Église demeure contraire, du point de vue moral, à la fécondation homologue in vitro ; celle-ci est en elle-même illicite et opposée à la dignité de la procréation et de l’union conjugale, même quand tout est en œuvre pour éviter la mort de l’embryon humain.
Bien qu’on ne puisse pas approuver la modalité par laquelle est obtenue la conception humaine dans la FIVETE, tout enfant qui vient au monde devra cependant être accueilli comme un don vivant de la Bonté divine et être éduqué avec amour.
***
47 Cf. Pie XII, Discours aux participants au IV Congrès International des Médecins Catholiques, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949), 560 : « Il serait faux de penser que la possibilité de recourir à ce moyen [fécondation artificielle] pourrait rendre valide un mariage entre personnes inaptes à la contracter du fait de l’empêchement d’impuissance ».
48 Une question analogue est traitée par Paul VI, Enc. Humanae Vitae, 14 : AAS 60 (1968) 490-491.
49 Cf. supra, I, 1 sq.
50 Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris Consortio, 14 AAS 74 (1982) 96.
6. Comment apprécier moralement l’insémination artificielle homologue ?
L’insémination artificielle homologue à l’intérieur du mariage ne peut être admise, sauf dans le cas ou le moyen technique ne se substitue pas à l’acte conjugal, mais apparaît comme une facilité et une aide pour que celui-ci rejoigne sa fin naturelle.
L’enseignement du Magistère à ce sujet a déjà été explicité51 : il n’est pas seulement expression de circonstances historiques particulières, mais se fonde sur la doctrine de l’Eglise au sujet du lien entre union conjugale et procréation, et sur la considération de la nature personnelle de l’acte conjugal et de la procréation humaine. « L’acte conjugal dans sa structure naturelle est une action personnelle, une coopération simultanée et immédiate des époux, laquelle, du fait même de la nature des agents et du caractère de l’acte, est l’expression du don réciproque qui, selon la parole de l’Ecriture, réalise l’union en une seule chair52.» Pour autant, la conscience morale «ne proscrit pas nécessairement l’emploi de certains moyens artificiels destinés uniquement soit à faciliter l’acte naturel, soit à faire atteindre sa fin à l’acte naturel normalement accompli53 ». Si le moyen technique facilite l’acte conjugal ou l’aide à atteindre ses objectifs naturels, il peut être moralement admis. Quand, au contraire, l’intervention, se substitue à l’acte conjugal, elle est moralement illicite.
L’insémination artificielle substituant l’acte conjugal est proscrite en vertu de la dissociation, volontairement opérée entre les deux significations de l’acte conjugal. La masturbation, par laquelle on se procure habituellement le sperme, est un autre signe de cette dissociation : même quand il est posé en vue de la procréation, le geste demeure privé de sa signification unitive. « Il lui manque […j la relation sexuelle requise par l’ordre moral, celle qui réalise, « dans le contexte d’un amour vrai, le sens intégral de la donation mutuelle et de la procréation humaine »54. »
***
51 Cf. Réponse du Saint-Office, 17 mars 1897 : DS 3323 ; Pie XII, Discours aux participants au IVe Congrès International des Médecins Catholique, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949) 560 ; Discours aux congressistes de l’Union Catholique Italienne des sages-femmes, 29 octobre 1951 : AAS 43 (1951) 850 ; Discours aux participants au IIe Congrès Mondial de Naples sur la fécondité et la stérilité humaine, 19 mai 1956 : AAS 48 (1956) 471-473 ; Discours aux participants au VIIe Congrès International de la Société Internationale d’Hématologie, 12 septembre 1958 : AAS 50 (1958) 733 ; Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, III : AAS 53 (1961) 447.
52 Pie XII, Discours aux congressistes de l’Union Catholique Italienne des sages-femmes, 29 octobre 1951: AAS 43 (1951) 850.
53 Pie XII. Discours aux participants au IV Congrès International des Médecins Catholiques, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949) 560.
54 Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur certaines questions d’éthique sexuelle, 9 : ASS 68 (1976) 86, qui cite la Const. past. Gaudium et Spes, 51; cf. Décret du Saint-Office, 2 août 1929 : AAS 21 (1929) 490 ; Pie XII, Discours aux participants au XXVIe Congrès de la Société Italienne d’Urologie, 8 octobre 1953 : AAS 45(1953) 678.
7. Quel critère moral proposer quant à l’intervention du médecin dans la procréation humaine ?
L’acte médical ne doit pas être apprécié seulement par rapport à sa seule dimension technique, mais aussi et surtout en relation à sa finalité, qui est le bien des personnes et leur santé corporelle et psychique. Les critères moraux pour l’intervention médicale dans la procréation se déduisent de la dignité des personnes humaines, de leur sexualité et de leur origine.
La médecine, qui se veut ordonnée au bien intégral de la personne, doit respecter les valeurs spécifiquement humaines de la sexualité55. Le médecin est au service des personnes et de la procréation humaine : il n’a pas le pouvoir de disposer d’elles ni de décider à leur sujet. L’intervention médicale est respectueuse de la dignité des personnes quand elle vise à aider l’acte conjugal, soit pour en faciliter l’accomplissement, soit pour lui permettre d’atteindre sa fin, une fois qu’il a été normalement accompli56.
Au contraire, il arrive parfois que l’intervention médicale se substitue techniquement à l’acte conjugal pour obtenir une procréation qui n’est ni son résultat ni son fruit : dans ce cas, l’acte médical n’est pas, comme il le devrait, au service de l’union conjugale, mais il s’en attribue la fonction procréatrice et ainsi contredit la dignité et les droits inaliénables dés époux et de l’enfant à naître.
L’humanisation de la médecine, qui est de nos jours instamment réclamée par tous, exige le respect de la dignité intégrale de la personne humaine, en premier lieu dans l’acte et au moment où les époux transmettent la vie à une personne nouvelle. Il est donc logique d’adresser aussi une pressante demande aux médecins et aux chercheurs catholiques, pour qu’ils témoignent exemplairement du respect dû à l’embryon humain et à la dignité de la procréation. Le personnel médical et soignant des hôpitaux et des cliniques catholiques est invité d’une manière spéciale à honorer les obligations morales contractées, souvent même à titre statuaire. Les responsables de ces hôpitaux et cliniques catholiques, qui sont souvent des religieux, auront à cœur d’assurer et de promouvoir l’observation attentive des normes morales rappelées dans la présente Instruction.
***
55 cf. Jean XXIII, Enc. Mater et Magistra, III : AAS 53 (1961) 447.
56 Cf. Pie XII, Discours aux participants au IV’ Congrès International des Médecins Catholiques, 29 septembre 1949 : AAS 41 (1949) 560.
8. La souffrance provenant de la stérilité conjugale.
La souffrance des époux qui ne peuvent avoir d’enfants ou qui craignent de mettre au monde un enfant handicapé est une souffrance que tous doivent comprendre et apprécier comme il convient.
De la part des époux, le désir d’un enfant est naturel il exprime la vocation à la paternité et à la maternité inscrite dans l’amour conjugal. Ce désir peut être plus vif encore si le couple est frappé d’une stérilité qui semble incurable. Cependant, le mariage ne confère pas aux époux un droit à avoir un enfant, mais seulement le droit de poser les actes naturels ordonnés de soi à la procréatio57.
Un droit véritable et strict à l’enfant serait contraire à sa dignité et à sa nature. L’enfant n’est un dû et il ne peut être considéré comme objet de propriété : il est plutôt un don — « le plus grand58» — et le plus gratuit du mariage, témoignage vivant de la donation réciproque de ses parents. A ce titre, l’enfant a le droit — comme on l’a rappelé — d’être le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa conception.
Toutefois la stérilité, quelles qu’en soient la cause et le pronostic, est certainement une dure épreuve. La communauté des croyants est appelée à éclairer et à soutenir la souffrance de ceux qui ne peuvent réaliser une légitime aspiration à la paternité et à la maternité. Les époux qui se trouvent dans ces situations douloureuses sont appelés à y découvrir l’occasion d’une participation particulière à la Croix du Seigneur, source de fécondité spirituelle. Les couples stériles ne doivent pas oublier que « même quand la procréation n’est pas possible, la vie conjugale ne perd pas pour autant sa valeur. La stérilité physique peut être l’occasion pour les époux de rendre d’autres services importants à la vie des personnes humaines, tels par exemple que l’adoption, les formes diverses d’œuvres éducatives, l’aide à d’autres familles, aux enfants pauvres ou handicapés59. »
De nombreux chercheurs se sont engagés dans la lutte contre la stérilité. Tout en sauvegardant pleinement la dignité de la procréation humaine, certains sont arrivés à des résultats qui semblaient auparavant impossibles à atteindre. Les hommes de science doivent donc être encouragés à poursuivre leurs recherches, afin de prévenir les causes de la stérilité et de pouvoir la guérir, de sorte que les couples stériles puissent réussir à procréer dans le respect de leur dignité personnelle et de celle de l’enfant à naître.
***
57 Cf. Pie XII, Discours aux participants au IIe Congrès Mondial de Naples sur la fécondité et la stérilité humaine, 19 mai 1956 : AAS 48 (1956) 471-473.
58 Const. past. Gaudium et Spes, 50.
59 Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris Consortio, 14 : AAS 74 (1982) 97.
III Morale et loi civile Valeurs et obligations morales que la législation civile doit respecter et sanctionner en cette matiére
Le droit inviolable à la vie de tout individu, humain innocent, les droits de la famille et de l’institution matrimoniale, constituent des valeurs morales fondamentales, car elles concernent la condition naturelle et la vocation intégrale de la personne humaine ; en même temps, ce sont des éléments constitutifs de la société civile et de sa législation.
Pour cette raison, les nouvelles possibilités, technologiques, qui se sont ouvertes dans le champ de la biomédecine, appellent l’intervention des autorités politiques et du législateur, car un recours incontrôlé à ces techniques pourrait conduire à des conséquences imprévisibles et dangereuses pour la société civile. La référence à la conscience de chacun et à l’autodiscipline des chercheurs ne peut suffire au respect des droits personnels et de l’ordre public. Si le législateur, responsable du bien commun, manquait de vigilance, il pourrait être dépouillé de ses prérogatives par des chercheurs qui prétendraient gouverner l’humanité au nom des découvertes biologiques et des prétendus processus « d’amélioration» qui en dériveraient. L’« eugénisme » et les discriminations entre les êtres humains pourraient s’en trouver légitimés ce qui constituerait une violence et une atteinte grave à l’égalité, à la dignité et aux droits fondamentaux de la personne humaine.
L’intervention de l’autorité politique doit s’inspirer des principes rationnels qui règlent les rapports entre la loi civile et la loi morale. La tâche de la loi civile est d’assurer le bien commun des personnes par la reconnaissance et la défense des droits fondamentaux, la promotion de la paix et de la moralité publique60. En aucun domaine de la vie, la loi civile ne peut se substituer à la conscience, ni dicter des normes sur ce qui échappe à sa compétence elle doit parfois, pour le bien de l’ordre public, tolérer ce qu’elle ne peut interdire sans qu’en découle un dommage plus grave. Mais les droits inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la société civile et l’autorité politique : ces droits de l’homme ne dépendent ni des individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession de la société et de l’État ; ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents à la personne, en raison de l’acte créateur dont elle tire son origine.
Parmi ces droits fondamentaux, il faut à ce propos rappeler :
a) le droit à la vie et à l’intégrité physique de tout être humain depuis la conception jusqu’à la mort;
b) les droits de la famille et de l’institution matrimoniale, et, dans ce cadre, le droit pour l’enfant d’être conçu, mis au monde et éduqué par ses parents.
Sur chacun de ces deux thèmes, il convient de développer ici quelques considérations ultérieures.
Dans différents États, des lois ont autorisé la suppression directe d’innocents : dans le moment où une loi positive prive une catégorie d’êtres humains de la protection que la législation civile doit leur accorder, l’État en vient à nier l’égalité de tous devant la loi. Quand l’État ne met pas sa force au service des droits de tous les citoyens, et en particulier des plus faibles, les fondements mêmes d’un Etat de droit se trouvent menacés. L’autorité politique ne peut en conséquence approuver que des êtres humains soient appelés à l’existence par des procédures qui les exposent aux risques très graves rappelés plus haut. La reconnaissance éventuellement accordée par la loi positive et les autorités politiques aux techniques de transmission artificielle de la vie et aux expérimentations connexes rendrait plus large la brèche ouverte par la légalisation de l’avortement.
Comme conséquence du respect et de la protection qui doivent être assurés à l’enfant dès le moment de sa conception, la loi devra prévoir des sanctions pénales appropriées pour toute violation délibérée de ses droits. La loi ne pourra tolérer — elle devra même expressément proscrire — que des êtres humains, fussent-ils au stade embryonnaire, soient traités comme des objets d’expérimentation, mutilés ou détruits, sous prétexte qu’ils apparaîtraient inutiles ou inaptes à se développer normalement.
L’autorité politique est tenue de garantir à l’institution familiale, sur laquelle est fondée la société, la protection juridique à laquelle celle-ci a droit. Par le fait même qu’elle est au service des personnes, la société politique devra être aussi au service de la famille. La loi civile ne pourra accorder sa garantie à des techniques de procréation artificielle qui supprimeraient, au bénéfice de tierces personnes (médecins, biologistes, pouvoirs économiques ou gouvernementaux), ce qui constitue un droit inhérent à la relation entre les époux ; elle ne pourra donc pas légaliser le don de gamètes entre personnes qui ne seraient pas légitimement unies en mariage.
La législation devra en outre proscrire, en vertu du soutien dû à la famille, les banques d’embryons, l’insémination postmortem et la maternité « de substitution ».
Il est du devoir de l’autorité publique d’agir de telle manière que la loi civile soit réglée sur les normes fondamentales de la loi morale pour tout ce qui concerne les droits de l’homme, de la vie humaine et de l’institution familiale. Les hommes politiques devront, par leur action sur l’opinion publique, s’employer à obtenir sur ces points essentiels le consensus le plus vaste possible dans la société, et à le consolider là où il risquerait d’être affaibli et amoindri.
Dans de nombreux pays, la législation sur l’avortement et la tolérance juridique des couples non mariés rendent plus difficile d’obtenir le respect des droits fondamentaux rappelés dans cette Instruction. Il faut souhaiter que les États n’assument pas la responsabilité d’aggraver encore ces situations d’injustice socialement dommageables. Au contraire, il faut souhaiter que les nations et les Etats prennent conscience de toutes les implications culturelles, idéologiques et politiques liées aux techniques de procréation artificielle, et qu’ils sachent trouver la sagesse et le courage nécessaires pour promulguer des lois plus justes et plus respectueuses de la vie humaine et de l’institution familiale.
De nos jours, la législation civile de nombreux États confire aux yeux de beaucoup une légitimation indue à certaines pratiques; elle se montre incapable de garantir une moralité conforme aux exigences naturelles de la personne humaine et aux «lois non écrites» gravées par le Créateur dans le cœur de l’homme. Tous les hommes de bonne volonté doivent s’employer, spécialement dans leur milieu professionnel comme dans l’exercice de leurs droits civiques, à ce que soient réformées les lois civiles moralement inacceptables et modifiées les pratiques illicites. En outre, « l’objection de conscience» face à de telles lois doit être soulevée et reconnue. Bien plus, commence à se poser avec acuité à la conscience morale de beaucoup, notamment à celle de certains spécialistes des sciences biomédicales, l’exigence d’une résistance passive à la légitimation de pratiques contraires à la vie et à la dignité de l’homme.
***
60 Cf. Déclar. Dignitatis Humanae, 7.
Conclusion
Dans ce Document, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, exerçant sa charge de promouvoir et de protéger l’enseignement de l’Église dans une matière aussi grave, adresse un nouvel appel pressant à tous ceux qui, en raison de leur rôle et de leur engagement peuvent exercer une influence positive, pour que, dans la famille et dans la société, soit accordé le respect dû à la vie et à l’amour : aux responsables de la formation des consciences et de l’opinion publique, aux chercheurs et aux professionnels de la médecine, aux juristes et aux hommes politiques. Elle souhaite que tous comprennent l’incompatibilité qui subsiste entre la reconnaissance de la dignité de la personne humaine et le mépris de la vie et de l’amour, entre la foi au Dieu Vivant et la prétention de vouloir décider arbitrairement de l’origine et du sort d’un être humain.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi adresse en particulier un confiant appel et un encouragement aux théologiens et surtout aux moralistes, pour qu’ils approfondissent et rendent toujours plus accessibles aux fidèles les contenus de l’enseignement du Magistère de l’Église, à la lumière d’une anthropologie solide en matière de sexualité et de mariage, dans le contexte de l’approche interdisciplinaire nécessaire. On pourra ainsi comprendre toujours mieux les raisons et la validité de cet enseignement en défendant l’homme contre les excès de son propre pouvoir, l’Église de Dieu lui rappelle les titres de sa véritable noblesse ; c’est seulement ainsi qu’on pourra assurer à l’humanité de demain la possibilité de vivre et d’aimer dans cette dignité et cette liberté qui dérivent du respect de la vérité. Les indications précises données dans la présente Instruction n’entendent donc pas arrêter l’effort de réflexion, mais plutôt en favoriser une impulsion nouvelle, dans la fidélité constante à la doctrine de l’Église.
A la lumière de la vérité sur le don de la vie humaine et des principes moraux qui en découlent, chacun est invité à agir, dans le cadre de la responsabilité qui lui est propre, comme le Bon Samaritain, et à reconnaître aussi comme son prochain, le plus petit parmi les enfants des hommes (cf. Lc 10, 29-37). La parole du Christ trouve ici une résonance nouvelle et particulière : « Ce que vous aurez fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que vous l’aurez fait » (Mt 25, 40).
Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’Audience accordée au Préfet soussigné après la réunion plénière de cette Congrégation, a approuvé la présente instruction et en a ordonné la publication.
A Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 22 février 1987, en la Fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre.
JOSEPH Card. RATZINGER
préfet
ALBERTO BOVONE
Archevêque tit. de Césarée de Numidie
Secrétaire