Lettre ouverte de Mgr Billé au Président de Volkswagen
Paris, le 4 février 1998
Monsieur le Président
du Groupe VOLKSWAGEN FRANCE
11, avenue de Boursonne
02600 VILLERS COTTERETS
Monsieur le Président,
L’entreprise Volkswagen fait actuellement la promotion d’une nouvelle voiture à l’aide d’une campagne de publicité. Elle utilise délibérément des images et des formules caractéristiques de la foi chrétienne. De nombreux croyants ressentiront comme un offense grave une telle instrumentalisation des symboles de leur foi, instrumentalisation contre laquelle je tiens à protester avec vigueur.
L’entreprise Volkswagen aurait-elle besoin, pour promouvoir la vente et la qualité intrinsèque de ses voitures, de franchir ainsi les limites du plus élémentaire respect ? Pour autant que je sache, toutes les firmes automobiles sont attentives à protéger leurs modèles des méfaits de la contrefaçon ou de la délinquance industrielles. Comment se fait-il que l’une d’elles ose ainsi s’emparer de ce qui ne lui appartient pas ? Il y a en effet un langage des signes, des symboles qui, aux yeux de tous, appartiennent à la foi chrétienne. Ils sont certes à la disposition de tous, mais pas pour en faire n’importe quoi. Le problème n’est pas que vous vouliez vendre vos voitures : c’est votre métier, un métier à travers lequel vous rendez à la société un service parmi d’autres. Le problème est que, pour cela, vous détourniez de leur sens et de leur finalité des images et des mots dont la portée est telle qu’elle ne peut pas être mise au service de buts commerciaux, si légitimes soient-ils.
Que le veuillent ou non les publicitaires auxquels vous avez fait appel, il est des représentations qui font violence à la foi chrétienne et agressent ceux qui la vivent, mais aussi un certain nombre de ceux qui, sans la vivre, pressentent qu’il y a des frontières à ne pas franchir. Dans l’événement auquel renvoie toute évocation de la dernière Cène, – qui est dernier repas du Christ avant sa mort, acte fondateur par lequel il a institué l’Eucharistie – , beaucoup d’hommes et de femmes trouvent un sens à leur existence et une aide pour leur vie : on ne peut pas impunément travestir cet événement. Certes, une affiche comme celle qui renvoie au dernier repas du Christ, pourrait sembler constituer comme un clin d’œil inoffensif à la foi chrétienne : en fait, elle rabaisse celle-ci au rang d’artifice publicitaire et la rend dérisoire.
En tout cas, au nom de la responsabilité qui est la mienne, j’interviens auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris, afin d’ouvrir un débat devant la Justice et obtenir la juste réparation du préjudice subi par les chrétiens.
En restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma meilleure considération.
+ Louis-Marie BILLÉ
Président de la
Conférence des Evêques de France
Président de l’Association
Croyances et Libertés