Déclaration de Mgr Renaudin à propos des élections de 2002
Jouer avec la peur et l’insécurité ne peut que dresser personnels de surveillance et personnes détenues dans une défiance réciproque et ainsi exaspérer l’insécurité de la vie carcérale. Personne dans la prison n’aurait à y gagner.
L’évolution des jeunes détenus issus en majorité de l’immigration, que la vie moderne marginalise et que l’opinion sécuritaire stigmatise ; la proportion devenue très importante des personnes incarcérées pour délits ou crimes sexuels ; le nombre de gens atteints de troubles psychologiques graves… tout cela rend la gestion de la prison problématique : l’incarcération très difficile à supporter pour les plus faibles et les tâches de surveillance et de réinsertion particulièrement ingrates. Il s’agit bien sûr de sécuriser tant les surveillants que les personnes détenues, il s’agit aussi, et pour nous surtout, des moyens qu’on donnera aux personnels de faire vraiment et dignement leur métier. Quelle prison veut-on et pour quoi faire ? C’est simpliste et dangereux de demander à la prison d’éliminer celles et ceux qu’on ne veut plus voir dehors.
La vengeance est un poison dangereux qui mine les victimes et leurs familles : nous ne leur rendons pas service en exaspérant la haine de ceux qui ont causé leurs souffrances, voire même anéanti leurs vies. Les victimes n’ont pas besoin d’être les « otages » de nos peurs, elles ont surtout besoin de notre compassion et de notre fraternité.
Les familles des personnes détenues sont elles aussi victimes, elles paient le prix fort de l’incarcération de leurs proches. Il y a une stigmatisation des délinquants qui jette l’opprobre sur leurs familles et rend toute réinsertion plus difficile, voire impossible. Si on veut que celles et ceux qui sortent de prison s’en sortent aussi, il importe qu’ils retrouvent dans leur milieu familial un climat propice à reprendre pied dans la vie.
Nous côtoyons quotidiennement des personnes détenues, nous ne sommes pas envoyés auprès d’eux pour les justifier, eux et leurs actes. Nous voulons rendre compte auprès de ceux que la justice a condamnés et l’opinion publique stigmatisés, qu’un avenir leur reste ouvert : quoi qu’ait pu commettre un homme, Dieu ne l’enferme pas dans son passé et ne désespère jamais de lui. C’est notre manière d’œuvrer à la réinsertion et nous croyons qu’ainsi nous contribuons, modestement mais très efficacement, à la sécurité de tous.
Hervé Renaudin
évêque de Pontoise
Président du comité episcopal Justice et Société
et de l’aumônerie catholique des prisons