Quand l’enfant se fait attendre, éclairage de Mgr Perrier

Parmi les quatre conditions nécessaires pour qu’un mariage soit véritable, l’Église catholique place la volonté des conjoints de mettre au monde des enfants. À ses yeux, il ne s’agit pas d’une exigence proprement chrétienne mais d’un aspect constitutif du mariage lui-même, quelles que soient les convictions des deux fiancés.

D’autre part, pendant longtemps, la venue au monde des enfants a été vue comme prioritaire dans le mariage par rapport à l’harmonie du couple. Récemment, ces deux perspectives ont été mieux articulées l’une sur l’autre. Mais la première perspective demeure : les enfants. Cependant, la stérilité du couple n’annule pas plus le mariage que le manque d’harmonie qui peut s’instaurer entre les deux conjoints.

Rien d’étonnant donc si un couple vit douloureusement l’absence d’enfants. Absence vécue, sans doute, différemment par la femme et par l’homme. Certaines femmes cherchent à devenir mères sans s’attacher à un homme.

Source : Simples questions sur la foi

Un exemple dans la Bible

Comme pour la naissance d’un enfant handicapé, le premier lieu de la souffrance doit être aussi le premier lieu de dialogue : le couple lui-même. Le médecin ou le psychologue dira que l’échec vient de l’un ou de l’autre des conjoints. La tentation pourrait être alors d’en vouloir à l’autre : par sa faute, vous ne pourriez pas vous réaliser pleinement, comme père ou comme mère.

La Bible nous offre un exemple de cette situation. L’homme s’appelait Elqana. Il avait deux femmes. La première lui avait donné de nombreux enfants. Mais l’autre était stérile. C’est pourtant elle qu’il aimait. Elle s’appelait Anne. Anne pleurait beaucoup. Elle ne mangeait même plus. Alors son mari Elqana lui dit : « Anne, pourquoi pleures-tu et ne manges-tu pas ? Pourquoi ton coeur est-il triste ? Est-ce que je ne vaux pas pour toi mieux que dix fils ? » (I Samuel 1, 8). L’histoire ne dit pas si Anne fut consolée par la parole, gentille mais peut-être maladroite, de son mari. En tout cas, elle devint mère du prophète Samuel.

Face à la science

Le couple stérile cherchera, évidemment, à connaître les causes. Il multipliera les consultations, les traitements, les opérations si nécessaire. Ils iront peut-être jusqu’à une tentative de procréation assistée. L’Église catholique n’y est pas favorable, sans condamner cette pratique avec la même rigueur que l’avortement.

Quelle différence entre la médecine et la chirurgie d’une part, la procréation médicalement assistée d’autre part ? Les premières ont pour résultat, si elles réussissent, de permettre une relation conjugale féconde. L’Église ne peut que les encourager et souhaiter qu’elles deviennent de plus en plus performantes.

La Procréation médicalement assistée, elle, est une manipulation, par un tiers, qui remplace la relation conjugale. Il ne s’agit plus de guérir la nature mais de la supplanter. L’Église pense qu’il est dangereux de jouer ainsi aux apprentis-sorciers. L’expression « faire un enfant » est plus que laide. Dans le cas de la procréation médicalement assistée, elle devient hélas assez exacte. La langue courante parle déjà de «production d’embryons » : ne devrions-nous pas avoir honte de ce que nous disons ?

Limites et alternatives

D’autres motifs confirment l’Église catholique dans sa position : le taux de réussite assez faible, qui amène de très nombreuses déceptions (mais on peut dire que la technique s’améliorera) ; le sort des embryons surnuméraires ; l’investissement affectif exagéré sur l’enfant ainsi conçu et qui a toutes les chances de rester unique.

La réticence de l’Église ne l’empêche pas de reconnaître le courage de ces couples qui consentent à de tels efforts pour transmettre la vie. Mais elle conteste qu’en rigueur de termes, il y ait un véritable « droit à l’enfant ». Même désiré, l’enfant est toujours une surprise.

La réflexion sur cette question met à jour un paradoxe de notre temps. Le système de santé mobilise des sommes importantes pour quelques naissances tout en remboursant l’avortement. Pourquoi cette contradiction ? Parce que l’enfant n’est pas considéré pour lui-même. En fait, seuls les parents, les adultes, sont pris en considération. L’État se plie à leurs désirs puisque la science donne les moyens de les satisfaire.

Aucune situation n’est sans issue. L’adoption en est une et il est heureux que la législation tende à alléger les procédures, tout en restant prudente. Bien d’autres couples ont pu s’investir, séparément ou ensemble, pour de grandes causes humanitaires ou pour répondre aux malheurs familiaux de personnes proches.

La transmission de la vie est un don de Dieu. Il est admirable. Mais nous ne sommes pas seulement des maillons dans la chaîne de la vie. Certaines personnes restent célibataires sans l’avoir voulu : leur vie peut être aimante. Certains couples restent stériles : leur vie peut être féconde. Mais cette fécondité viendra d’une souffrance surmontée. À l’entourage de faire attention à cette souffrance et à ne pas rouvrir par des paroles ou des actes maladroits, des blessures toujours ouvertes.