Chrétiens dans la révolution numérique, des chantiers pour l’Église | Documents épiscopat

Les différents auteurs de ce Documents Episcopat nous font entrer dans l’univers informatique et numérique par une multitude de portes et offrent des clefs de compréhension pour saisir une réalité protéiforme. Internet, média total et l’IA peuvent aussi servir à l’évangélisation. La présence des chrétiens sur ce « 6e continent » représente un chantier considérable pour maintenir une spontanéité vivante et nourrir l’espérance.

Édito de Mgr Bruno Feillet

Alors que je m’approchais de l’ordinateur familial, ma petite nièce de quatre ans me rattrape pour me dire : « Laisse, Tonton, je t’explique. » Outre la familiarité de l’expression et plus encore la dimension plaisante du propos, il y avait là tout le décalage entre deux générations.

Si j’avais acquis mon premier ordinateur à la fin de mes études, ma nièce quant à elle, était née dans l’univers du numérique. Elle est une digital native comme on dit outre-Atlantique. C’est un truisme que de dire combien l’avènement de l’ordinateur dans les familles, la popularisation du smartphone, la production massive d’applications plus ou moins utiles, le rapport homme-machine, et tant d’autres choses encore liées au monde informatique et numérique ont bouleversé notre société et notre compréhension de nous-mêmes.

Travaillant pour des professeurs de séminaire en Afrique, j’avais été surpris d’apprendre que dans les villages, si on pouvait manquer d’eau, on n’allait pas travailler au champ sans emporter son portable que l’on glissait dans son vêtement. C’est aussi vrai, à d’autres égards, pour les personnes qui vivent dans la rue, chez nous en France, ou pour les migrants. Le dernier objet que l’on abandonne, c’est le portable. C’est lui qui permet d’être joint et de conserver un certain lien social. Avant d’être l’objet d’une réflexion, le numérique est d’abord une expérience. Et l’ouvrage que vous tenez entre vos mains témoigne d’un certain nombre d’entre elles.

Les différents auteurs de ce Documents Épiscopat, « Chrétiens dans la révolution numérique, des chantiers pour l’Église », nous font entrer dans cet univers par une multitude de portes et offrent par là des clefs de compréhension pour saisir, tant que faire se peut, une réalité protéiforme qui ne quittera plus le parcours de l’humanité. Qu’elle soit anthropologique, philosophique, sociétale, biblique, théologique, catéchétique, ou encore fruit d’une relecture d’expérience éducative de rue avec ATD, chacune de ces approches apportent sa contribution à une vision d’ensemble.

Des lectures que j’ai pu faire dans les livres ou les revues auxquelles j’ai pu être abonné, je retiens tout d’abord que le monde informatique, puis numérique, vient flatter notre désir de toute-puissance. Il n’est pas une publicité en ce domaine qui ne vantait la capacité de stockage, la rapidité du traitement des données ou encore la puissance du logiciel. Utiliser ces outils, c’était devenir puissant soi-même. Du moins, on nous le faisait croire. Les machines ne renvoyaient qu’une image de la faiblesse humaine. Si on ne parvenait pas à obtenir ce que l’on voulait de l’ordinateur, c’était la faute des hommes. Soit les ingénieurs n’avaient pas su construire ou programmer correctement, soit les utilisateurs ne savaient se servir de ce qui était mis à leur disposition. Longtemps la règle qui voulait que les ordinateurs doublent de puissance tous les dix-huit mois s’est vérifiée.

La facilité de la manipulation et la difficulté à rétablir la vérité est un signe de notre époque

Il ne faut pas ignorer non plus la confiance a priori que l’utilisateur porte à ce qui lui est présenté sur son écran. Puissance, calculs mathématiques, qualité de la présentation, et bien d’autres astuces donnent un « vernis scientifique » et donc une apparence vraisemblable à ce qu’on lit et voit. Le monde du numérique ne nous apprend pas l’esprit critique comme on l’a appris à l’époque des études livresques où l’on savait vérifier les sources et la crédibilité des auteurs. Quand bien même nous serions prévenus de l’habileté des moteurs de recherche à nous fournir les informations que nous attendons, il n’est pas si facile que cela de vérifier si une image a été trafiquée ou pas, rapportée à une situation ou à une date réelle ou pas. Le monde des fake news est un véritable fléau. L’apparition de sites de vérification des informations et d’émissions diverses pour remettre à l’endroit la vérité en est un signe éminent. La facilité de la manipulation et la difficulté à rétablir la vérité est un signe de notre époque. Il faut espérer qu’avec l’expérience, une maturité sur la véracité des données se fera jour.

Enfin, il faut considérer que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, internet se présente comme un média total. J’en­tends par là un média qui associe le texte, le son, l’image, le film, l’interactivité. Autrement dit, ce sont presque tous les sens qui sont sollicités simultanément. Vue, ouïe, affectivité. Ce n’est pas banal. Les dernières inventions qui nous mettent devant les yeux des outils dont l’image excède notre champ visuel augmentent encore ces effets d’immersion dans un monde virtuel aux effets pourtant très réels. Lorsque l’on est devant un écran d’ordinateur dans une pièce, il y a encore le cadre qui nous maintient dans notre réalité. Ce ne sera plus le cas avec les nouveaux « outils ».

Pour autant, internet reste un média et comme tout média, il peut aussi servir à l’évangélisation. L’Église ne s’y est pas trompée. Le site du Vatican est un des plus visité au monde. Il nous faut apprendre à être présent sur ce « sixième continent ». Avec cette nouveauté qu’il n’y a pas d’instance de régulation sur le Net.

Il n’y a pas de diocèse sur les réseaux. Bravo, néanmoins, aux auda­cieux qui s’approprient les codes qui permettent à tous ceux qui y naviguent de trouver des ressources pour une vie humaine et spirituelle à travers des sites, des vidéos sur TikTok, des tweet-homélies, des retraites spirituelles… L’Église a constam­ment utilisé les moyens de communication de son temps.

Depuis les voies romaines utilisées par saint Paul jusqu’aux bandes passantes d’internet, les chrétiens ont toujours trouvé comment faire passer le message du Christ, Fils de Dieu incarné, mort et ressuscité pour notre salut. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête.

Mgr Bruno Feillet,
évêque de Séez

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