L’encyclique de la sobriété

sobriété écologique

La crise écologique nous renvoie à la finitude des ressources de la planète, et interroge l’hybris du modèle croissanciste, qui refuse toute idée de limite.

Heureux les sobresDans Laudato Si’, François nous invite à retrouver le sens des limites, par le choix de la sobriété, élément constitutif de la conversion écologique. Il prolonge l’appel lancé depuis longtemps par le Magistère catholique à un « un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer[1] », en misant sur de nouveaux styles de vie.

Au cœur de la conversion écologique

Sous la plume de François, le terme sobriété apparaît sept fois dans l’encyclique. Dès l’introduction, la sobriété de saint François d’Assise est proposée en exemple (11). Au chapitre 6, Education et spiritualité écologiques, la sobriété, est associée à un retour à la simplicité (222), et à la redécouverte d’une autre vertu oubliée, l’humilité (224). François entre en sobriété par sa dimension spirituelle. La sobriété (autolimitation volontairement choisie) fait partie de l’héritage spirituel chrétien (222). Elle permet de se libérer de l’attachement aux biens matériels. Elle se fait chemin de bonheur : par deux fois elle devient heureuse en nous libérant de l’obsession consumériste pour nous rendre disponibles pour la relation à Dieu, au frère, à la création, et d’abord à soi-même. « Aucune personne ne peut mûrir dans une sobriété heureuse, sans être en paix avec elle-même » (225). Le discours de François se fait très proche des promoteurs contemporains de la décroissance et de la simplicité.  « Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie » (223).

Une vertu et une norme

La sobriété, nouveau nom de la vertu de tempérance, est devenue contre-culturelle : face à la crise écologique, il faut la redécouvrir. Pour désintoxiquer l’individu hypermoderne, hédoniste et narcissique, et l’extraire du paradigme productiviste et consumériste (215), la pratique personnelle et sociale de la sobriété est nécessaire. Elle suppose un processus d’apprentissage, qui relève d’une éthique des vertus et mobilise les ressources spirituelles de la personne. Sans ce travail éducatif, les dispositifs législatifs et réglementaires mis en place pour limiter les mauvais comportements et soutenir les bonnes pratiques resteront trop peu efficaces (211). Par son action en profondeur sur les racines de nos comportements et de nos attitudes, la conversion personnelle à l’autolimitation volontaire constitue une première étape de la transformation écologique. Par sa dimension sociale, la vertu de sobriété engage les relations avec les hommes et avec la nature, et par conséquent notre contribution à la vie des institutions économiques et sociales.

Pour répondre à leurs cris, il nous faut reconstruire notre modèle économique et social

C’est une réponse nécessaire mais partielle devant l’urgence et la gravité de la situation. Elle doit être soutenue et complétée par une remise en cause des structures. « Les pauvres et la terre implorent ». Pour répondre à leurs cris, il nous faut reconstruire notre modèle économique et social en le fondant sur la sobriété, et pas seulement énergétique. Ce sont toutes les dimensions de nos modes de vie qu’il faut reconsidérer au filtre de la sobriété, dans une vision intégrale de l’écologie, articulant justice sociale et justice écologique. Laudato Si’ ouvre ce vaste chantier.

Heureux les sobres, ils sauvegardent la maison commune !

Loïc Laîné, diacre

[1] Conférence des évêques de France, Groupe de travail écologie et environnement. Enjeux et défis écologiques pour l’avenir. Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2012.

D’où vient cet article ?

Il est tiré du dernier numéro (février 2023) Courrier mission et migrations. Le regard que porte le Service National Mission et Migrations permet de proposer comme un rapport d’étapes sur les migrations entraînées par les changements climatiques. Réflexion théologique, action auprès des déplacés, formation, alerte : nos communautés en France et dans le monde ne sont pas inactives !

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