Aujourd’hui, nous sommes à un rendez-vous. Nous évêques, lorsque nous avons rencontré des personnes victimes d’abus, ce fut un rendez-vous avec la vérité, une vérité difficile et douloureuse. C’est l’honneur du disciple de Jésus Christ, d’oser la vérité. A vos côtés depuis deux jours, frères et sœurs membres des groupes de travail, nous avons conscience d’un rendez-vous avec la vérité. Une vérité à discerner. Une vérité à vivre. Une vérité à embrasser. « La vérité vous rendra libre ! »

600 ans avant Jésus-Christ, le prophète Jérémie debout, face au Temple de Jérusalem, s’était écrié : « la vérité a péri ! » (Jr 7, 28).

Jérémie accompli son ministère au cœur d’une crise majeure pour le peuple Hébreu. L’exil. La crise est multiple : crise politique d’une nation corrompue, crise internationale d’un petit état menacé par les empires puissants qui les entourent. Crise spirituelle d’une religion essoufflée.

Sa vive conscience de la sainteté du Temple lui fait pousser un cri : « la vérité a péri ». « La vérité s’est perdue, elle a disparu de leur bouche » (Jr 7, 28). C’est la dissociation dramatique entre l’accomplissement du culte au Temple, et la justice dans les relations sociales. / Jérémie dénonce le grave disfonctionnement du culte au temple de Jérusalem, qui entretenait la bonne conscience, mais ne conduisait pas à la conversion. / La vérité a péri : dissociation entre la prière et le lien social. Dissociation entre les paroles et les actes. Pourtant, c’est le même Dieu qui est à l’œuvre dans la liturgie et qui est à l’œuvre dans les relations entre les hommes. Faire mentir cette cohérence, voilà qui est insupportable pour le prophète.

C’est cette même dissociation que Jésus dévoile chez ses interlocuteurs (Jn 8). Cette fois-ci, leur bonne conscience ne leur vient pas du Temple, mais de leur filiation avec Abraham : « nous sommes la descendance d’Abraham, nous n’avons jamais été esclaves de personne » (Jn 8, 33), affirment les juifs. « Je sais que vous êtes la descendance d’Abraham, répond Jésus, pourtant vous cherchez à me tuer parce que ma parole de trouve pas sa place en vous ! ». Jésus détecte le point de résistance, il est en-lui-même la Parole de Dieu, le Verbe ! « Vivante est la Parole de Dieu… elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit… elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12). Fils éternel du Père, il est lui-même la Parole vivante envoyée du sein du Père : « C’est de Dieu que je suis sorti ! Et que je viens ».

Comme il le fit pour les juifs, soyons convaincus qu’il nous adresse aujourd’hui cette parole, au cœur de nos travaux et de nos collaborations : « Si vous demeurez fidèles à ma Parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaitrez la vérité, et la vérité vous rendra libres ». Oui Seigneur, nous croyons que tu es présent parmi nous. Aujourd’hui tu te donnes. Aujourd’hui tu te livres. Aujourd’hui tu libères. Tu es notre force. Tu es le chemin. Tu es la vérité. Tu es la vie.

Frères et sœurs, des 9 groupes de travail, vous êtes venus parmi nous accomplir un travail de vérité. Collectivement nous sommes en recherche. Coopérateurs de la vérité. Ouvrons-nous radicalement à la Parole de Dieu ! Qu’elle pénètre les articulations et les moelles, la distinction de l’âme et de l’esprit, les pensées du cœur. Qu’elle féconde nos relations, nos collaborations. Qu’à la lumière de la vérité, la communauté chrétienne reçoive une purification et une sanctification. Que le Christ soit glorifié. Béni soit son Nom. Amen !

+ Renauld de Dinechin
Evêque de Soissons, Laon et Saint Quentin