« Avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS ». Frères et sœurs, quelle grâce d’entendre résonner dans l’évangile en ce jour le JE SUIS divin de Jésus qui a pour nous déjà comme un parfum de Résurrection ! Ce JE SUIS exprime la solidité et la pérennité de Celui en qui nous avons mis notre foi. Nous aimons ses déclinaisons à travers l’évangile selon saint Jean : « je suis le pain de la vie », « je suis la lumière du monde », « je suis la résurrection et la vie », et, dans la finale de l’évangile selon saint Matthieu : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps », sorte de déploiement du nom de l’Emmanuel : Dieu avec nous, tous les jours et pour toujours. Avec ce JE SUIS, nous sommes, à quelques heures de la Semaine Sainte, auprès du buisson ardent, au seuil de la mission libératrice de Moïse. JE SUIS nous envoie vers nos frères et sœurs pour que nous les entraînions sur le chemin de la libération pascale.

« [Abraham] a vu [mon jour], et il s’est réjoui ». Abraham, l’homme de l’appel, l’homme de la foi, l’homme de l’Alliance, l’homme de la bénédiction, a vu le jour de Jésus. « Le Seigneur dit à Abram : ‘Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai’ ». Le voilà donc ce pays mystérieux : c’est le jour de la divinité du Christ manifestée, le jour de la Résurrection, dans lequel Jésus nous fait entrer par l’heure de sa passion. Ce jour, nous aussi, comme Abraham, nous le voyons dans le clair-obscur de la foi. Ce jour nous fait exulter dans l’espérance, comme Abraham a exulté, et davantage encore puisque, dans le Christ, il nous est pleinement révélé. Hommes de l’Alliance nouvelle et éternelle, vraiment éternelle parce que toujours nouvelle, nous contemplons bel et bien les fruits que le Père donne à son Fils, nouvel Abraham, de porter à l’infini.

« Toi qui n’as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! » L’évangile selon saint Jean, nous le savons, est construit comme un long procès de Jésus. C’est face aux interrogations, aux interrogatoires, que Jésus approfondit la Révélation qui parviendra à son point culminant quand il sera « élevé de terre », dans la douleur en vue de la gloire. Notre foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, JE SUIS avec nous, notre joie de croire à sa résurrection sont constamment remises en cause, par les interrogatoires du monde et ces coups de boutoir que constituent, nos découragements, nos colères, nos infidélités, c’est-à-dire nos manques de droiture et nos manques de foi. Mais demeure le JE SUIS de Jésus, « Avant qu’Abraham fût, moi, JE SUIS », le JE SUIS du triomphe assuré de l’Alliance éternelle.

Béni soit Dieu pour la solidité éternelle de l’amour de Jésus ! Béni soit Dieu pour la joie de sa résurrection ! Béni soit Dieu pour la puissance de son Alliance malgré tout ce qui semble y porter atteinte mais en révèle en fait la fécondité toujours plus grande que ce que nous percevons et imaginons ! Béni soit Dieu pour la fragilité de l’eucharistie en laquelle la solidité du salut se donne de manière inaltérable ! Amen !