L’Eglise universelle a quelque chose à dire dans la crise globale

Avec Jean-Paul Redouin, vice-gouverneur de la Banque de France, Dominique Seux, rédacteur en chef France et international du journal « Les Echos », a proposé aux évêques réunis en plénière un éclairage sur la crise économique. Il a encouragé l’Eglise à prendre la parole.
 

Qu’avez-vous pensé de l’invitation des évêques de France ?

J’ai pris cela comme un privilège à titre personnel et comme une bonne nouvelle. Bonne nouvelle, parce que je trouve cela extrêmement positif que, dans la crise actuelle, l’Eglise veuille s’informer précisément, dépasser les choses qu’on peut entendre un peu rapidement dans les médias. Les « corps intermédiaires », donc l’Eglise, ont quelque chose à dire. La crise est l’occasion pour beaucoup de regagner un droit à la parole.
 

Quelles pistes de réflexion avez-vous données ?

J’ai essayé de répondre à un certain nombre de questions que l’opinion se pose, qui sont des questions d’actualité. « Cette crise était-elle inévitable ? Etait-elle prévisible ? » La réponse est que la crise était prévisible à cause des déséquilibres mondiaux. Mais on ne connaissait ni le moment, ni l’heure, ni la forme qu’elle prendrait. Puis j’ai tenté de répondre à la question : « Où en est-on dans la crise ? »Elle va durer et c’est la plus profonde que nous ayons connue depuis 1945, avec des chutes de PIB et de production mondiale qui tournent autour de 4 – 5% : on n’a jamais vu ça. C’est la première crise globale de l’humanité. Avec « Quelles sont les conséquences sociales et politiques de cette crise ? », j’ai évoqué les questions sociales, notamment en terme de chômage, dont l’augmentation va être relativement forte. On parle de 50 millions de chômeurs en plus dans le monde cette année et de l’ordre de 400 000 – 500 000 en France. La crise sociale est difficile pour les entreprises, notamment industrielles, mais elle est aussi politique. Un certain nombre de pays sont fragilisés. Il ne faut pas oublier que les pays en voie de développement sont les plus touchés par cette crise sur les plans économiques et politiques. Ils souffrent infiniment plus que les pays développés. On en parle assez peu. « Est-ce que le système économique est en cause ? » a été mon cinquième point. Pour moi, ce n’est pas tant l’économie de marché qui est en cause mais c’est la non réglementation, la non régulation. On a mondialisé l’économie mais on n’a pas mondialisé les règles de droit. Pour conclure, j’ai tenté de répondre à : « Quand va-t-on sortir de la crise ? »
 

En quoi l’Eglise peut-elle s’impliquer ?

L’Eglise a la chance d’être universelle. Dans la première crise globale de l’humanité, c’est une « chance » pour l’Eglise. Ou plutôt une qualité formidable de l’Eglise qui a quelque chose à dire dans une crise globale. J’ai voulu faire comprendre que l’Eglise doit s’exprimer, non seulement sur le mode compassionnel auprès des personnes, mais aussi sur le système lui-même. Qu’elle n’hésite pas à prendre la parole. L’économie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls économistes !
 

Comment votre auditoire a-t-il reçu vos propos ?

J’ai été impressionné par plusieurs choses. La première, c’est qu’il y a beaucoup de compétences. C’est un domaine très pointu. Je ne m’attendais pas du tout à ce que les questions soient si ciblées : la décroissance, la comptabilité, les paradis fiscaux… La seconde, c’est le désir des évêques dans chaque diocèse de répondre aux problèmes qui se posent, notamment les plans sociaux. Ils se posent sincèrement la question. J’ai insisté sur le fait que le risque actuel est le bouc émissaire. Si les chefs d’entreprise devenaient les boucs émissaires permanents, je pense que ce serait une erreur. Il faut s’adresser à tout le monde, y compris aux acteurs économiques.
 
Une intervention qui s’est poursuivie… à table
Si un temps de questions et de débat avait bien été programmé suite à cet exposé à deux voix, le déjeuner a été l’occasion pour Dominique Seux de prolonger la discussion avec quelques évêques. Information boursière, flux migratoires ou encore politique européenne étaient au cœur des questions. Les évêques ont souligné à quel point les attentes des médias locaux étaient différentes d’un diocèse à l’autre quant à une parole d’Eglise sur la crise.

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