Parler du célibat au séminaire, par le père Luc Crépy
Suite aux affaires récentes de mœurs, la question de l’équilibre affectif et sexuel des prêtres catholiques a été soulevée par bon nombre de médias, mais aussi par de nombreux chrétiens s’interrogeant sur le célibat demandé aux prêtres par l’Eglise. Beaucoup de regards se tournent alors vers les séminaires se demandant comment la question du célibat y est abordée et comment les candidats au sacerdoce se préparent à un tel état de vie.
Il est clair que l’on n’entre pas au séminaire simplement pour devenir célibataire (!), mais pour devenir prêtre, pour servir le Christ et les autres par amour… ou, pour le moins, pour discerner un appel fort à donner sa vie à Dieu… Il s’agit d’une réponse généreuse d’adultes jeunes – et moins jeunes – qui désirent donner sens à leur existence dans le choix libre et volontaire de se mettre au service de l’Eglise. Bien sûr, la question du célibat n’est pas absente de leur décision de quitter des études, un métier, un réseau de relations pour entrer au séminaire. La plupart de ceux qui frappent à la porte d’un séminaire savent bien qu’ils renoncent à s’engager dans un projet de vie conjugale et ont déjà réfléchi, pour une part, à ce qu’implique un tel renoncement.
Le temps du séminaire va permettre de mûrir le projet de vie sacerdotale dans toutes ses dimensions – humaines, intellectuelles, spirituelles, pastorales – avec bien sûr une attention particulière à la dimension affective et relationnelle des candidats. Il s’agit, pour chacun et pour l’Eglise, de vérifier si l’appel à devenir prêtre donne ou non une plénitude de sens à celui qui choisit d’y répondre. Le travail de discernement et de formation au séminaire cherche alors à approfondir comment le célibat, et les renoncements qu’il implique, s’intègrent dans le projet de devenir prêtre. Si le célibat demeure quelque chose d’extérieur à ce projet – comme un « boulet » lourd qu’on traîne difficilement -, c’est sans doute qu’il vaut mieux vivre autrement sa vie de baptisé.
Un bon lieu pour comprendre cette intégration du célibat dans un projet qui le dépasse est la lecture des évangiles où le Christ, tout donné à sa Mission et cherchant à faire la volonté du Père, intègre son état de vie célibataire dans tout ce qu’il fait. Le célibat du Christ ne se comprend pas comme quelque chose d’extérieur à lui (il en parle d’ailleurs très peu), mais comme un élément pleinement inséré dans toutes les activités de son ministère. Le célibat du Christ prend sens dans la Mission qu’il mène, dans le don qu’il fait de lui-même.
S’engager dans une vie conjugale (préparation au mariage) ou dans une vie sacerdotale vécue dans le célibat (séminaire) demande d’oser réfléchir en profondeur à la sexualité (domaine qui ne se réduit pas aux seules relations sexuelles) et d’apprendre une certaine maîtrise de soi. Dans l’existence humaine, la sexualité est quelque chose de bon et de beau, mais aussi quelque chose de complexe, et parfois même source de violence et de domination. Dans sa quête de bonheur, chacun est invité à un travail d’humanisation de sa sexualité en lui donnant du sens et en la construisant, jour après jour, d’une manière libérante, et pour soi et pour les autres. C’est ce qu’on appelle la chasteté. La sexualité, pour un célibataire comme pour des époux, est un équilibre toujours à construire, tout au long de sa vie.
Les années de séminaire permettent aux futurs prêtres d’acquérir des éléments psychologiques, humains et spirituels nécessaires à une meilleure connaissance de soi, à une certaine lucidité sur leurs forces et leurs fragilités. Au cours de la formation, chacun fait librement le choix ou non d’accueillir le célibat comme le don de soi au sein du projet de vie que constitue le ministère de prêtre.
Père Luc Crépy