Mgr Pierre Claverie (1938-1996)

Faire du dialogue une « vertu » exigeante de vérité

Mgr Pierre Claverie 1938-1996

Évêque d’Oran de 1981 jusqu’à son assassinat en 1996, ce dominicain pied-noir d’origine a œuvré, par le dialogue et l’amitié, pour une Algérie plurielle et fraternelle.

Né à Bab El Oued, dans un quartier d’Alger, mais peu éveillé à un autre monde que celui de son milieu immédiat, Pierre Claverie écrira plus tard : « Je suis passé complètement à côté du peuple musulman alors qu’il constituait les neuf dixièmes de mon environnement humain. J’ai pu vivre vingt ans dans ce que j’appelle maintenant une « bulle coloniale » sans même voir les autres. »
À l’âge de vingt ans, il quitte Alger pour faire des études à Grenoble. Tenté par le militantisme de « l’Algérie française», il connaît une notable conversion et rentre au noviciat des dominicains de Lille. Il y rencontre des confrères ouverts et écoutants, porte sur son passé et son avenir un autre regard qui, peu à peu, lui fera reconnaître dans les Algériens des amis et des frères. Après plusieurs années passées au Saulchoir, il désire retourner en Algérie, mais autrement. « Ce n’est qu’à mon retour en Algérie, en 1967, que j’ai découvert, au-delà des terroristes, des personnes. J’ai eu, j’ai toujours des amis musulmans. »
Sa soif d’engagement se concrétise : il prend la responsabilité du Centre diocésain d’Alger. Succédant au P. Henri Teissier, il continue de faire de ce lieu une porte grande ouverte sur le monde algérien. Nommé évêque d’Oran, il dira dans son homélie d’ordination le 2 octobre 1981 : « Mes frères et amis algériens, je vous dois à vous aussi d’être ce que je suis aujourd’hui. Vous aussi vous m’avez accueilli et porté dans votre amitié. Je vous dois d’avoir découvert l’Algérie qui était pourtant mon pays, mais où j’ai vécu en étranger toute ma jeunesse. Avec vous, en apprenant l’arabe, j’ai surtout appris à parler et à comprendre le langage du cœur, celui de l’amitié fraternelle où communient les races et les religions ». Sa ligne est tracée. Il connaît alors un rayonnement pastoral et évangélique sans précédent, se dépense sans compter, ouvert à toute rencontre, donnant des conférences, écrivant toujours dans un grand souci de vérité.

« Le maître mot de ma foi est aujourd’hui le dialogue, non par tactique ou par opportunisme, mais parce que le dialogue est constitutif de la relation de Dieu aux hommes et des hommes entre eux ». Jamais il ne se départira de cette attitude fondamentale. Il fera du dialogue une « vertu » exigeante de vérité, de lucidité, de courage risqué. Ses prises de parole et ce courage le conduiront jusqu’au bout de son respect et de son amour de l’autre. Il meurt assassiné à Oran, le 1er août 1996, mêlant son propre sang avec celui de son fidèle chauffeur Mohammed dont il avait confié à un proche : « Tu vois, rien que pour un homme comme Mohammed, ça vaut la peine de rester dans ce pays, même au risque de sa vie. »

Mgr Claude Rault
Évêque de Laghouat-Ghardaia (Algérie)

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