Avons-nous vraiment de quoi nous réjouir ? Réponse du père Pierre-Hervé Grosjean

Peut-on vraiment se réjouir ?  La question peut sembler assez étonnante mais elle vaut la peine d’être posée, alors que la liturgie de ce 3ème dimanche de l’Avent nous invite à la joie. On parle du « dimanche de Gaudete », du premier mot latin de l’introït ou chant d’entrée : « Gaudete…Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous ! ». On comprend que cette joie est liée à l’approche du jour de Noël et de la venue du Seigneur. Mais dans un monde éprouvé, au cœur des souffrances qui marquent nos vies et la vie de tant de nos contemporains, avons-nous le droit vraiment de nous réjouir ? Il pourrait y avoir en effet quelque chose de décalé, d’indélicat, à manifester notre joie quand tant d’autres peinent et sont éprouvés.

Il me semble que cela nous invite à approfondir ce qu’est cette joie chrétienne, cette « joie dans le Seigneur ». Parce que justement notre monde est aussi un monde blessé, marqué par la souffrance de tant de nos frères, parce que nos vies sont éprouvées d’une façon ou d’une autre… notre joie n’est pas et ne sera jamais une joie superficielle, exubérante, insouciante. La joie chrétienne est souvent mêlée aux larmes. Elle n’empêche pas les larmes, elle vient les éclairer. Notre joie de chrétiens n’est pas une naïveté, ni une fuite des difficultés de ce temps, ni un aveuglement sur nos péchés. Elle est au contraire possible au cœur même de ces difficultés parce qu’elle est fondée sur la certitude que le Seigneur est présent à nos côtés. Il vient nous rejoindre dans ce que nous vivons, d’heureux ou de difficile. Avec Lui, nous sommes assurés que le mal n’aura pas le dernier mot. C’est la joie de Noël : Dieu est proche. Et celle de Pâques : Dieu est victorieux. C’est la joie immense et consolante de savoir que Dieu est fidèle à ses promesses, et que le dernier mot lui appartiendra toujours : ce sera pour nous appeler à la Vie. Joie d’être assuré que rien ne pourra nous séparer de Lui, si nous nous laissons aimer. Joie de nous savoir relevés et pardonnés.

Notre joie de chrétiens n’est pas non plus une indifférence au malheur des autres. Même quand nous sommes dans un moment heureux, notre joie n’oublie pas ceux qui peinent. Nous restons capables de pleurer avec ceux qui pleurent, désirant les consoler et leur partager cette joie intérieure qui nous habite. Cette joie qui est d’abord un don de Dieu, une participation à sa joie ! Nous voulons tant que tous puissent la connaître, cette joie de se savoir aimés de façon inconditionnelle par un Dieu tout proche. C’est de cette joie-là dont il nous faut devenir les serviteurs.

Enfin, cette joie chrétienne reçue et vécue ici-bas, comme toutes nos joies légitimes, nous préparent à une joie plus grande encore : celle du Ciel. Au Ciel – et seulement au Ciel – notre joie sera parfaite. Plus aucune larme ne viendra s’y mêler. Nous serons enfin dans une amitié parfaite avec le Seigneur, en sa présence, et nous verrons Celui que nous avons cherché. Joie des retrouvailles avec ceux qui nous ont précédé, joie de la rencontre avec Celui qui nous a aimés et sauvés. Joie des pèlerins qui parviennent au bout de leur chemin. Joie du veilleur qui voit l’aube se lever. Nous sommes faits pour cette joie-là, nous sommes appelés à en être les témoins, les serviteurs et les prophètes pour ce monde qui cherche la joie vraie.

Père Pierre-Hervé Grosjean
Curé de Montigny-Voisins le Bretonneux, Yvelines