Homélie du dimanche 7 novembre 2021
32e dimanche du Temps ordinaire
Références bibliques:
Première lecture « Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l’apporta à Élie » 1 R 17, 10-16
Psaume Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur ! Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10
Deuxième lecture « Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude » He 9, 24-28
Évangile « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres » Mc 12, 38-44
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Comme les autres évangiles synoptiques, celui de Luc et celui de Matthieu, Marc place le jugement prononcé par Jésus l’égard des scribes juste avant la Passion. Ce qui n’est pas sans raison.
MEFIEZ-VOUS DES SCRIBES.
Matthieu amplifie la mise en garde des disciples en prenant à parti les scribes et les pharisiens hypocrites. (chapitre 23). L’enseignement de Jésus s’était ouvert par la proclamation des Béatitudes qui annoncent la proximité du Royaume. Il s’achève par le jugement de ceux qui se sont fermés à l’Evangile et donc au Royaume. « Aux bienheureux » de Matthieu 5, correspond presque nombre pour nombre, les « malheureux » de Matthieu 23.
Chez Marc, comme chez Luc, le propos est plus sommaire. Jésus s’adresse seulement aux scribes. Cette expression indique un rapport avec les Saintes Ecritures. Les scribes étaient les interprètes de la Loi et constituaient, de ce fait, un pouvoir considérable depuis que les prophètes s’étaient tus. On l’a vu dimanche dernier lorsque le scribe, bienveillant, passe du livre du Deutéronome, au livre du Lévitique et conclut par un citation du prophète.
Les scribes étaient bien représentés au Conseil Suprême du Judaïsme, le Sanhédrin. A côté des « Anciens » et des prêtres, particulièrement les familles des Grands-prêtres, ils travailleront à l’arrestation et à la condamnation de Jésus. Pas tous, certes, car il existait des exceptions. Le scribe de dimanche dernier « n’était pas loin du Royaume de Dieu. » (Marc 12. 43)
Et puis, avec la complicité de Judas, ils pourront mettre leur dessein à exécution. Ils vont juger Jésus. Mais ils sont déjà jugés par lui : « Ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. »
ILS AFFECTENT DE PRIER
La description que fait Marc de l’attitude des scribes n’est pas dans ses habitudes qui sont souvent des descriptions sobres et simples. On voit le spectacle. Mais ce n’est pas sur cela que porte le jugement de Jésus. C’est sur leur mensonge. Au moment où ils devraient vivre devant Dieu la plus grande authenticité, ils affectent la prière. « Tu aimes la vérité au fond de l’être, chante le psaume 51, Instruis-moi des profondeurs de la sagesse. » (Psaume 51.8)
Dieu seul peut mettre la vérité au cœur de l’homme. Du moins faut-il que celui-ci tourne son cœur vers lui et reconnaisse qu’il n’est pas établi dans la vérité. Cette prière ostentatoire et prolongée, cette mise en scène aux premiers rangs utilisée comme moyen de prestige, toutes ces attitudes deviennent un moyen de prestige et non pas une attitude profonde devant Dieu. A l’inverse, la veuve, en mettant peu de choses, donne le tout d’elle-même.
Jésus demande de ne pas s’abriter derrière un prétexte religieux pour refuser ce qui est dû par amour, à Dieu comme aux hommes nos frères. C’est une manière de pervertir la Loi de Dieu que de s’en servir pour se soustraire à toute dette envers les hommes. Et la première dette, c’est de donner l’amour fraternel. Saint Vincent de Paul le rappelait à ses religieuses. Le plus bel acte de piété envers Dieu, c’est d’abord de servir les plus pauvres.
Nul ne peut se soustraire à ce qu’il doit, pas même vos impôts, leur dit Jésus. Puisque vous acceptez le système romain, rendez à César ce qui est à César. (chapitre 12)
ILS DEVORENT LE BIEN DES VEUVES
Dimanche dernier, c’est-à-dire quelques versets plus haut dans l’Evangile de Marc, Jésus a rapproché en un tout indissociable les deux commandements : amour de Dieu et amour du prochain.
Aujourd’hui, ceux qu’il juge, ces scribes, nient Dieu de tout leur cœur, de toute leur intelligence et de toute leur force. Ils n’aiment qu’eux-mêmes et trouvent l’imagination ostentatoire suffisante pour jouer les apparences de l’amour qu’ils sont censés porter à Dieu.
Mais ils n’aiment pas non plus leur prochain. Leurs richesses et leurs honneurs ne sont pas des gestes innocents. Ils sont nourris des biens dévorés aux pauvres. Ils les volent et sont ainsi condamnés parce qu’ils oublient un précepte de la Loi : « Tu ne voleras pas. » Mais aussi, indirectement, ils oublient le précepte le plus fondamental dans les relations humaines : « Tu ne tueras pas. »
Jésus s’inscrit ainsi dans la ligne des prophètes qui s’en prennent à la richesse, non parce qu’ils sont des sages détachés des bien de ce monde, mais parce que ces prophètes, comme Jésus, y voient le produit ou la cause de la violence : « Ils dévorent. »
Elie avait porté la condamnation de Dieu contre Achab et Jézabel parce qu’ils s’étaient servis de leur pouvoir pour s’emparer d’une vigne (1 Rois 21). Jésus, à plusieurs reprises met en garde ses apôtres contre les tentations du pouvoir opposé au service (Marc 10. 43) . Ces scribes utilisent eux aussi leur pouvoir religieux, à leur profit.
L’ARGENT N’EST PAS INDIFFERENT
Jésus n’a jamais méprisé les riches. Il ne les rejette pas, il les appelle à vivre selon une autre échelle de valeurs, ce qui les rendra plus libres, vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de toute sollicitation. Il ne pose pas la pauvreté matérielle comme une condition inéluctable. Il demande la pauvreté du cœur. « Là où est ta richesse, là sera ton cœur. » (Luc 12. 34)
Ceux qu’il appelle sont invités à la pauvreté, ou plus exactement au détachement. En positif, c’est Lévi, au chapitre 2. En négatif, c’est l’homme qui avait de grands biens. (chapitre 10). La séduction permanente de la richesse étouffe la graine de la Parole de Dieu. (chapitre 4)
Le Christ, devant le trésor du Temple, reste en méditation, en observation. Il voit ceux qui donnent beaucoup, mais pas d’eux-mêmes. Il voit ceux qui donnent peu, mais, en réalité, ils donnent beaucoup, parce qu’ils sont pauvres de moyens matériels, mais non pas pauvres de cœur. La veuve de Sarepta, avec le prophète Elie nous le rappelle dans la lecture du livre des Rois.
En fait, l’argent n’est jamais indifférent. La femme qui brise le flacon d’albâtre pour verser le parfum sur la tête de Jésus, utilise sa richesse pour honorer d’avance celui qui subira la Passion. Jésus lui rend hommage, malgré les sentiments indignés de l’assistance. Or nous savons ce que valent les indignations des disciples. Elles masquent leur jalousie ou l’endurcissement de leur cœur. (Marc 10. 41)
A l’inverse, avec Judas, c’est finalement pour de l’argent que la Parole de Dieu faite chair, Jésus, sera livrée, étouffée, mise à mort. Le motif de la condamnation ne fut pas de cet ordre, de la part des scribes et des pharisiens. Mais c’est le goût de l’argent qui est intervenu comme cause immédiate de l’arrestation et de la Passion. De même, pour nous, tout autant que l’arrivisme, il constitue un obstacle, souvent infranchissable, dans notre agir envers Dieu et envers nos frères. Il devient une entrave sous le prétexte qu’on ne peut se priver du nécessaire.
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« Eloigne de nous tout ce qui nous arrête afin que, sans aucune entrave ni d’esprit, ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté. » (Prière d’ouverture de ce dimanche)
« Heureux les pauvres de cœur ! Le Royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu 5. 3)