Homélie du dimanche 18 avril

Dimanche 18 avril 2021
3e dimanche du Temps pascal

Références bibliques
Lecture des Actes des Apôtres. 3. 13 à 19 : « Vous avez agi dans l’ignorance. »
Psaume 4 : «  Seigneur, que s’illumine ton visage. »
Lettre de saint Jean : 1 Jen 2. 1 à 5 : « Voici comment nous pouvons savoir que nous le connaissons. »
Evangile selon saint Luc. 24. 35 à 48 : « Il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures. »

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 Les textes de ce dimanche doivent être lus selon les termes exacts employés par saint Luc, dans le sens grec de cet auteur qui est grec. C’est ainsi que nous pourrons les méditer et les prier. Sans cela, ils ne nous livrent pas toute leur richesse pour nous-mêmes aujourd’hui qui sommes dans un environnement qui n’ignore pas l’existence de Jésus, mais ne le connaît pas dans l’essentiel de ce qu’il est.

C’est dans ce sens que nous parlons de mé-connaissance, de non-compréhension de nos contemporains, dans cette réalité qu’ils vivent avec un composite de culture chrétienne et de culture païenne.

UN SENS ET NON SEULEMENT UN VOCABULAIRE

Saint Pierre, dans le livre des Actes des Apôtres, dit à ses auditeurs : « Vous avez agi dans l’ignorance » Le terme grec utilisé par saint Luc, a-gnoïan » peur bien sûr se traduire par ignorance, mais aussi et de préférence, par méconnaissance ou non-connaissance. C’est le sens du « a » grec qui est privatif.

Ce que dit saint Pierre prend alors un sens différent, plus nuancé et donc plus riche, selon que l’on préfère l’une ou l’autre signification que porte en lui le terme grec.

De même saint Luc, dans son évangile, nous souligne la manière d’agir de Jésus lors des deux rencontres du Ressuscité avec ses disciples et ses apôtres, au soir de Pâques. Il leur rend possible la compréhension du passé afin de leur permettre de s’approcher du mystère dont ils sont les témoins immédiats, la Passion et la Résurrection. Ils doivent en être ses témoins devant les hommes. Il faut qu’ils les « connaissent » : « La vie éternelle c’est qu’ils Te connaissent, Toi et celui que tu as envoyé. »

Sur le chemin d’Emmaüs que nous rappellent les premières lignes de la lecture de ce troisième dimanche (Luc 24. 25 à 27), le Christ leur donne l’intelligence, ou mieux, la connaissance, la façon de penser, en grec « noos », c’est-à-dire une connaissance profonde, intime, qui leur permet de lire à l’intérieur d’une réalité, ici la réalité du Christ en tant qu personne et sa vie en tant que déroulement d’événements voulus par Dieu.

Quand il leur dit « sans intelligence, lents à croire », ce n’est pas un reproche qui leur adresse. C’est une constatation. Il leur explique les Ecritures depuis Moïse jusqu’aux  prophètes, comme les trois apôtres l’avaient entrevu à la Transfiguration. Il les invité à aller au-delà de leurs vues immédiates. Il les ouvre à ce qui est « hermétique » soit par méconnaissance, soit par « lenteur de cœur. » (Luc 24. 25)

A leur retour, quelques heures plus tard, c’est aux apôtres réunis que le Christ apporte cette même connaissance de l’Ecriture en « leur ouvrant l’intelligence pour la comprendre. » Pour cela, il leur demande de se remémorer, de repasser dans leur mémoire, ce qu’ils ont vécu ensemble, c’est-à-dire la réalité de son incarnation, les faits et gestes qu’il a partagés avec eux. Pour cela, il mange devant eux, devant et non pas avec eux.

C’est un « regard » qu’il leur demande de porter et non un amical partage. « Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplée t que nos mains ont touché. » (1 Jean 1. 1)

Il leur demande aussi de reprendre tout ce qu’il leur a dit. Non pas seulement un souvenir, mais une reprise du sens par un approfondissement et par une mise en synthèse et en corrélation des éléments de sa personnalité humano-divine,  découverts jour après jour. « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais avec vous. » Il leur donne ainsi la signification de la Loi de Moïse , des prophètes et des psaumes, non comme connaissance de textes, mais une connaissance de ce qu’il est. Ils ont à découvrir et à approfondir ce qu’il est et ce qu’il a vécu : le pardon et la réconciliation. En un mot, il est l’Alliance pour toutes les nations.

Après la guérison d’un paralysé à la porte du Temple, Pierre développera le même schéma pour commenter le fait miraculeux. L’étonnement des personnes présentes est grand d’avoir entendu « Au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche. » Comme le Christ l’a fait pour lui et les apôtres au soir de Pâques, Pierre reprend les étapes de la révélation qui conduit au Christ. « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos Pères a donné sa gloire à son serviteur Jésus… Il avait annoncé que le Messie souffrirait… Revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés. » (Actes 3. 13 et ss)

Les agents de la Passion, Judas, les chefs juifs, Pilate, les soldats romains ne sont pas les jouets d’une puissance occulte e machiavélique. Ils sont appelés à la conversion : « Vous étiez dans l’ignorance. » (Actes  3. 17) La résurrection en donne le sens. « Dieu a donné sa gloire. » La résurrection transmet une bonne nouvelle puisqu’elle est la réponse de Dieu au mal qu’entraîne le péché. Et cette réponse, c’est la Vie.

L’INDISPENSABLE RELECTURE

A notre tour, il nous faut lire et entendre avec précision ces paroles de Jésus : « Il fallait que le Christ souffrit pour entrer dans sa gloire. » Elles nous introduisent dans le mystère et nous avons à les reprendre comme saint Pierre, saint Luc ou saint Paul. Ce scandale de la croix qui est sagesse de Dieu exprime la pensée et la pédagogie de Dieu.

Comment en effet reconnaître que le Messie doit souffrir et être mis à mort, alors qu’on attend de lui la cessation de nos maux et la gloire d’un royaume terrestre rétabli ? Quand il est assumé par Dieu, le mal qui est vécu par tous les hommes, se retourne et prend une autre direction.

Il nous faut lire et entendre avec précision. C’est indispensable pour que cesse toute ambiguïté. L’invitation à la foi ne doit pas être confondues avec la provocation à l’absurde.

Le détour par la croix, pour qu’arrive la gloire de Dieu, est peut-être surprenant. Il n’est pas un changement de la part de Dieu. Il n’est pas un échec de Dieu. Dieu assume toutes les limites et de toutes les conséquences de la liberté humaine. C’est par rapport à notre conception de la « puissance » que nous pensons que le détour par la croix est un échec.

Mais, si nous lisons la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes selon le sens divin de la Bible, nous y voyons clairement s’inscrire la figure du Juste persécuté et du Serviteur souffrant (Isaïe 50). L’offrande comme source de bénédiction, la pensée de la mort consentie comme chemin de vie, se trouvent maintes et maintes fois exprimées dans l’Ecriture. C’est par l’offrande de la vie que naît l’enfant, c’est par elle que grandit pour chacun de nous,  l’amour que lui portent sa mère et ses parents.

En Jésus, tout cela est porté à sa perfection, tout est « accompli » Le « il fallait » est significatif de l’adéquation de la vie de Jésus à la réalité humaine en même temps qu’à la réalité du Christ, annoncée au travers des révélations messianiques. (Philippiens 2. 6 à 11)

C’est en puisant dans sa propre histoire que le Peuple de Dieu peut découvrir la fécondité surprenante de l’œuvre de Dieu en Jésus le Christ.

De même, c’est en relisant notre propre histoire que nous découvrons l’œuvre de Dieu et la réponse réelle que nous avons encore à lui donner : une lente et progressive purification, à renouveler et reprendre sans cesse, jusqu’au jour de sa Gloire.

POUR QUE L’HOMME RENCONTRE DIEU

Dans son extrême dénuement, le Christ a dit « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » « Vous étiez dans l’ignorance », reprend saint Pierre.

Nous n’avons pas la mesure des conséquences lointaines que portent nos actions immédiates. Il y a de la part de tous, une « non-connaissance », une connaissance partielle ou erronée. Notre responsabilité ne vient pas seulement du geste que nous avons posé, mais bien plus de notre absence de volonté à pénétrer le sens profond de ce que nous vivons. Nous en avons la libre possibilité. Refuser de mettre notre liberté au service de la vérité engage notre responsabilité.

Nous avons à rejoindre la lumière dans sa plénitude. C’est le terme réel de notre vie puisqu’elle nous conduit inéluctablement au seuil de la lumière divine. (1 Jean 1 à 5)

Il nous faut craindre alors de nous contenter ou de nous satisfaire de notre connaissance partielle des choses de Dieu. « Celui qui dit :’je le connais’ et qui ne garde pas ses commandements est un menteur. La vérité n’est pas en lui. Celui qui garde sa parole dans la vérité possède en lui l’amour de Dieu »… atteint vraiment la perfection de l’amour de Dieu selon d’autres traducteurs qui marquent ainsi la plénitude de l’être même de Dieu que nous pouvons atteindre.

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Nous ne devons donc ne jamais être satisfait d’une connaissance imparfaite. Dieu attend de nous une recherche inlassable de la Vérité qu’il nous a transmise en Jésus-Christ. C’est cette vérité qui nous rend libre « Consacre-les dans la Vérité ». (Jean 17. 17)

Parce qu’il nous faut toujours craindre les certitudes qui sont issues de nos points de vue humains, il nous faut les dépasser dans la foi.« Celui qui fait la vérité vient vers la lumière. » (Jean 3. 21)

« Il leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des Ecritures. »… « Tu es à l’origine d’un si grand bonheur ! Qu’il s’épanouisse en joie éternelle ». (Prière sur les offrandes de ce dimanche)

année liturgique B