Mgr Schevschuk « Prenez courage, j’ai vaincu le monde ! »
Depuis mars 2011, sa Béatitude, Mgr Sviatoslav Schevchuk est archevêque majeur gréco-catholique (rite byzantin) de Kyiv-Halic en Ukraine. Avec ses huit millions de fidèles réparties en Ukraine et en diaspora, l’Église s’est illustrée depuis le début du conflit aux côtés des civils.
« Prenez courage, j’ai vaincu le monde ! Cette phrase résume le mieux l’espérance chrétienne des Ukrainiens », souligne le chef de l’Église grecque catholique ukrainienne, un an après le début de l’invasion par les Russes en Ukraine. « C’était une année ponctuée d’épreuves, marquée par des crimes contre l’humanité. »
L’archevêque majeur de cette Église de rite byzantin, rattachée à Rome depuis 1596, a rappelé l’ampleur de la tragédie. « Avant cette agression, 46 millions d’Ukrainiens vivaient sur le territoire. Aujourd’hui, dix millions d’Ukrainiens sont des déplacés internes, ils ont fui leur foyer en raison de la guerre. Sept millions ont aussi quitté leur patrie pour trouver refuge en Europe. »
Les églises, des « hubs » humanitaires
Cette guerre a causé une crise humanitaire de grande ampleur. « Dès les premières heures, il a fallu accueillir toutes ces personnes et leur trouver des moyens de subsistance. » Les églises sont ainsi devenues des points névralgiques où converge l’aide humanitaire. « À Kherson, la cathédrale s’est transformée en un énorme dépôt rempli de colis. Un magasin tout en hauteur avec une capacité de stockage assez impressionnante ! » Malgré ces conditions de vie extrêmement difficiles, l’Église ukrainienne a continué de livrer des vivres comme des vêtements ou des médicaments.
Le prélat a aussi expliqué son action envers les moines de l’Ordre de Saint Basile le Grand (oblast de Kherson) restés sur place pendant l’occupation. « Jusqu’au mois de mai, le contact a été complètement coupé. Nous transférerions des fonds financiers pour que la cantine fonctionne. Quand les virements bancaires ont été coupés les moines ont établi le lien avec les agriculteurs locaux pour continuer de servir 300 à 400 repas par jour. »
Des villes détruites par le conflit
« Nous n’avons plus de cas de mortalités par la faim ou le froid. », explique-t-il. « L’armée russe détruit l’infrastructure énergétique du pays. Des missiles frappent régulièrement notre territoire. » Aujourd’hui, 50% du système énergétique ukrainien a été détruit par les bombardements. Largement privés d’eau et d’électricité, « la plus grande partie de la journée, nous les vivons dans l’obscurité. » Pour aider à passer l’hiver, des générateurs venant des pays occidentaux ont été acheminés « pour nous permettre de nous réchauffer ».
Les fosses communes et charniers
« Nous sommes devenus témoins d’atrocités de masse », relate Mgr Schevschuk, encore très ému. « La première chose que les Russes, c’est qu’ils établissaient des chambres de torture. Je pense que maintenant le monde entier connait les noms de Boutcha, Irpin ou Borodianka… etc. Des villes situées à 20 kilomètres de ma cathédrale. » Dès que ces villes ukrainiennes, de la banlieue de Kiev, sont libérées, le primat de l’Eglise gréco-catholique se rend sur place et découvre l’enfer de l’occupation. Des dizaines de milliers de civils tués ou torturés. « Je suis devenu témoin d’une représentation apocalyptique », se remémore-t-il. Les corps des civils jonchaient les rues. Dans les fosses communes, les habitants avaient les bras et des mains liées avec des traces de balle dans la nuque. En me tenant devant un charnier, je me suis identifiée à toutes ces personnes. Je me suis demandée pourquoi j’étais en vie. »
À Berdiansk, le clergé « s’est retrouvé dans l’épicentre de persécutions », regrette-t-il. « Les leaders religieux, nous savions que nous étions tous inscrits sur des listes de personnes à exterminer. » Deux prêtres ont été arrêtés par les forces russes en octobre, les pères Ivan Levitskyi et père Bohdan Heleta. « Ils sont emprisonnés et torturés. Nous savons qu’ils sont toujours en vie parce que plusieurs personnes détenues étaient enfermées aux eux dans les cellules et ont été relâchés ». Malgré tous leurs efforts diplomatiques pour les faire sortir, les négociations ont échoué. Mais Mgr Schevschuk garde l’espoir de les revoir en vie.